Vu la requête, enregistrée le 19 mars 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Eric A, demeurant ..., par Me Goasdoué ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Lille n° 0702329 en date du 16 septembre 2009 qui a rejeté sa demande tendant d'une part, à l'annulation de la décision du ministre de l'éducation nationale du 10 octobre 2006 confirmant sur recours hiérarchique la décision du recteur de l'académie de Lille prononçant la mise à la retraite pour invalidité de M. A à compter du 31 décembre 2005, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 8 133,12 euros à parfaire, au titre des pertes de revenus constatées depuis le 1er janvier 2006, enfin, à ce qu'il soit enjoint au ministre de le réintégrer dans le délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir ;
2°) d'annuler la décision du ministre de l'éducation nationale du 10 octobre 2006 confirmant sur recours hiérarchique la décision du recteur de l'académie de Lille prononçant sa mise à la retraite pour invalidité à compter du 31 décembre 2005 ;
3°) d'enjoindre au ministre de procéder à sa réintégration dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, au grade d'ouvrier d'entretien accueil de 2ème classe ou tout autre poste identique après reclassement au grade et coefficient qu'il aurait dû avoir sans le prononcé de la décision attaquée, et à défaut d'exécution dans les délais indiqués de prononcer une astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de condamner l'Etat à verser à M. A la somme de 30 304,66 euros au titre des pertes de revenus depuis le 1er janvier 2006 et jusqu'à sa réintégration ;
5°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'Etat reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bertrand Boutou, premier conseiller, les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique que, lorsque l'aide juridictionnelle est sollicitée à l'occasion d'une instance devant le tribunal administratif, les délais de recours sont interrompus si la demande est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du recours ; qu'un nouveau délai court à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau ; qu'il ressort des pièces du dossier que suite à la notification de la décision attaquée du ministre de l'éducation nationale dont il n'est pas contesté qu'elle a eu lieu le 12 octobre 2006, M. A a demandé, le 8 décembre 2006, le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que celle-ci lui a été accordée par décision du 16 janvier 2007, dont il ressort des pièces du dossier qu'elle lui a été transmise par un courrier du 7 février 2007 du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal de grande instance de Lille ; que par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande de M. A devant le Tribunal administratif de Lille, enregistrée le 4 avril 2007, était tardive ;
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
Considérant que M. A a régularisé le 2 avril 2010, suite à la demande que la Cour lui a faite, le défaut de signature de sa requête ; que la fin de non-recevoir opposée par le ministre pour ce motif doit, par suite, être écartée ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Eric A, ouvrier d'entretien et accueil de 2ème classe du ministère de l'éducation nationale, affecté à la cuisine du collège Jules Verne à Bully-les-Mines, a été atteint d'une épicondylite déclarée le 30 novembre 2001 ; qu'une première expertise, réalisée le 29 janvier 2002, a conclu à l'imputabilité au service de cette affection, comme l'a confirmé la commission de réforme le 1er mars 2002 ; que suite à une nouvelle expertise du 30 juillet 2002, la commission de réforme a donné, le 31 octobre 2002, un avis favorable aux deux interventions chirurgicales subies par M. A, ainsi qu'aux soins et à l'arrêt de travail jusqu'au 31 octobre 2002 ; qu'après une troisième expertise, la commission de réforme a fixé, le 10 janvier 2003, la date de consolidation au 15 septembre 2002, proposé un taux d'incapacité permanente partielle de 7 % pour le bras droit et 4 % pour le bras gauche et estimé que la reprise du travail ne pourrait s'effectuer qu'avec un aménagement des conditions de travail ; que toutefois, l'autorité administrative a indiqué le 3 février 2005 à la commission de réforme qu'aucun poste aménagé ni aucun poste de reclassement ne pouvaient être proposés à l'agent ; que la commission de réforme a, le 20 mai 2005, et alors que M. A lui avait adressé un courrier confirmant sa demande d'être affecté sur un poste adapté ou de reclassement, rendu un avis selon lequel, compte tenu de l'impossibilité avancée par l'employeur d'aménager le poste de l'intéressé ou de le reclasser, l'agent devait être déclaré inapte définitivement à ses anciennes fonctions, ce qui justifiait sa mise à la retraite pour invalidité ; que M. A a alors saisi le ministre de l'éducation nationale de son cas, par courrier du 6 juin 2005 ; que suite à une nouvelle expertise, la commission de réforme a maintenu son avis précédent, le 4 novembre 2005 ; que le recteur de l'académie de Lille a, par arrêté du 9 décembre 2005, prononcé la mise à la retraite pour invalidité de M. A au 31 décembre 2005 ; que le ministre de l'éducation nationale a confirmé cette décision le 10 octobre 2006 ; que M. A demande l'annulation de cette décision du ministre ;
Considérant qu'aux termes de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 relative à la fonction publique de l'Etat : Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes (...) ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 30 novembre 1984 pris pour l'application de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 : Lorsqu'un fonctionnaire n'est plus en mesure d'exercer ses fonctions, de façon temporaire ou permanente, et si les nécessités du service ne permettent pas un aménagement des conditions de travail, l'administration, après avis du médecin de prévention, dans l'hypothèse où l'état de ce fonctionnaire n'a pas rendu nécessaire l'octroi d'un congé de maladie, ou du comité médical si un tel congé a été accordé, peut affecter ce fonctionnaire dans un emploi de son grade, dans lequel les conditions de service sont de nature à permettre à l'intéressé d'assurer les fonctions correspondantes ; qu'aux termes de l'article 2 du même décret : Dans le cas où l'état physique d'un fonctionnaire, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas de remplir les fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'administration, après avis du comité médical, invite l'intéressé à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps ; qu'enfin, aux termes de l'article 3 du même décret : Le fonctionnaire qui a présenté une demande de reclassement dans un autre corps doit se voir proposer par l'administration plusieurs emplois pouvant être pourvus par la voie du détachement. L'impossibilité, pour l'administration, de proposer de tels emplois doit faire l'objet d'une décision motivée ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que, lorsqu'un fonctionnaire est reconnu, par suite de l'altération de son état physique, inapte à l'exercice de ses fonctions, il incombe à l'administration de rechercher si le poste occupé par ce fonctionnaire ne peut être adapté à son état physique ou, à défaut, de lui proposer une affectation dans un autre emploi de son grade compatible avec son état de santé ; que, si le poste ne peut être adapté ou si l'agent ne peut être affecté dans un autre emploi de son grade, il incombe à l'administration de l'inviter à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps et, dès lors que cette demande a été faite, de proposer au fonctionnaire de tels emplois sauf impossibilité motivée ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a constamment confirmé sa demande d'être maintenu en activité, qu'il a participé à des activités thérapeutiques bénévoles dans un établissement scolaire de Noeux-les-Mines pendant ses arrêts de travail, et que tous les avis médicaux successifs produits au dossier indiquent que, compte tenu de la pathologie présentée par l'agent et du taux d'invalidité somme toute modéré engendré par celle-ci, un aménagement de poste ou un reclassement sont envisageables ; que si ces avis médicaux et ceux de la commission de réforme donnent un avis favorable à une mise à la retraite pour invalidité, c'est uniquement en raison de ce que l'employeur déclare ne pas pouvoir aménager le poste ou reclasser l'agent ; que dès lors, en se bornant à indiquer, sans l'établir d'ailleurs, que M. A a refusé les propositions de reclassement du chef d'établissement du collège Jules Verne sur des postes administratifs, et sans produire au dossier la moindre preuve de ce qu'elle a effectué des recherches sérieuses en ce sens, notamment au-delà de ce seul établissement, l'administration ne peut être regardée comme établissant qu'elle a, suite aux avis de la commission de réforme, satisfait à ses obligations d'aménagement de poste ou de reclassement telles que définies par l'article 63 précité de la loi du 11 janvier 1984 et les articles 1er à 3 du décret du 30 novembre 1984 susvisé ;
Considérant que M. A est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 octobre 2006 du ministre de l'éducation nationale ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ; que la demande de M. A devant le tribunal administratif, tendant à être indemnisé de la perte de revenus consécutive à la décision attaquée n'a été précédée d'aucune demande préalable à l'administration qui a opposé, à titre principal, dans son mémoire enregistré le 18 mars 2009, une fin de non-recevoir, tirée de l'absence de liaison du contentieux ; que par suite, la demande indemnitaire de M. A était irrecevable devant les premiers juges, comme elle l'est encore en appel ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ; que si M. A demande à la Cour qu'il soit enjoint au ministre de le réintégrer sur un poste après reclassement, le présent arrêt qui décide l'annulation de la seule décision du ministre refusant de réformer la décision du recteur admettant le requérant à la retraite, implique seulement que le ministre de l'éducation nationale statue à nouveau sur la demande que M. A lui a adressée le 6 juin 2005 ; qu'il y a donc lieu d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de prendre une nouvelle décision sur cette demande dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, en l'état de l'instruction, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant que, d'une part, M. A n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de M. A n'a pas demandé la condamnation de l'Etat à lui verser la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0702329 du 16 septembre 2009 du Tribunal administratif de Lille et la décision du ministre de l'éducation nationale du 10 octobre 2006 confirmant la décision du recteur de l'académie de Lille du 9 décembre 2005 de mise à la retraite pour invalidité de M. A au 31 décembre 2005 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'éducation nationale, dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, de réexaminer la demande que M. A lui a adressée le 6 juin 2005.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Eric A et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.
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N°10DA00337