Vu la requête, enregistrée le 3 juin 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Patrick A, demeurant ..., par la SCP Sagon, Lasne, Loevenbruck, avocat ; M. et Mme A demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0903155 du 31 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Gonfreville-L'Orcher à leur verser la somme de 200 000 euros en réparation de la perte de leur maison d'habitation et à leur verser à chacun la somme de 10 000 euros en réparation de leur préjudice moral ;
2°) de condamner la commune de Gonfreville-L'Orcher à leur verser ces sommes ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Gonfreville-L'Orcher une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Hubert Delesalle, premier conseiller,
- les conclusions de M. David Moreau, rapporteur public,
- et les observations de Me A. Loevenbruck, avocat de M. et Mme A, et de Me F. Weyl, avocat de la commune de Gonfreville-L'Orcher ;
Considérant que, le 23 septembre 1980, M. et Mme Patrick A se sont vu délivrer par le maire de la commune de Gonfreville-L'Orcher un permis de construire une maison d'habitation, sur une parcelle cadastrée section BB n° 67 d'une superficie de 809 m², au 49 de la rue des Clos Molinons dans le cadre du lotissement du même nom ; qu'à compter de l'année 1999, des désordres sont apparus sur la construction, en particulier des fissures et des affaissements, liés à des mouvements de sol ; que, finalement, le maire de Gonfreville-L'Orcher a décidé, par un arrêté du 12 décembre 2008, d'ordonner l'évacuation de la propriété avec l'interdiction d'y pénétrer et de l'occuper ; que M. et Mme A relèvent appel du jugement du 31 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Gonfreville-L'Orcher à réparer leur préjudice ;
Sur la responsabilité de la commune de Gonfreville-L'Orcher à raison de la faute résultant de l'illégalité du permis de construire délivré le 23 septembre 1980 :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 421-2 du code de l'urbanisme en vigueur à la date du permis de construire : " Le permis de construire est délivré au nom de l'Etat dans les formes, conditions et délais déterminés par un règlement d'administration publique " ;
Considérant que le permis de construire du 23 septembre 1980 a été délivré par le maire de la commune de Gonfreville-L'Orcher à M. A non au nom de la commune mais au nom de l'Etat ; que, par suite, les conclusions des requérants tendant à la condamnation de la commune en raison de l'illégalité fautive de ce permis de construire sont mal dirigées et doivent être rejetées ;
Sur la responsabilité de la commune de Gonfreville-L'Orcher à raison de la faute résultant de l'absence de diligences sérieuses relatives à l'étude du sol :
Considérant qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que la commune de Gonfreville-L'Orcher aurait été tenue de procéder à l'étude du sous-sol de la propriété de M. et Mme A à la suite des désordres survenus à leur propriété à la fin de l'année 1999 ; qu'il appartenait à ces derniers, dans leur propre intérêt, de procéder aux mesures qu'ils estimaient nécessaires afin d'apprécier la nature exacte du sous-sol ; qu'au demeurant, la commune a sollicité le centre d'études techniques de l'équipement (CETE) Normandie Centre qui a établi deux rapports aux mois de mars et juillet 2000 ; que ces rapports, qui ont posé un diagnostic sur l'état du sous-sol, ont retenu que les désordres observés étaient la conséquence des tassements du sol de fondation en partie absorbés par la structure qui risquait toutefois de rompre et préconisé une campagne sondage ainsi qu'un suivi de l'évolution, lequel a été assuré par le biais de fissuromètres ; qu'au mois d'octobre 2004 des sondages ont ainsi été réalisés à l'issue desquels le CETE, après avoir relevé que " les désordres constatés " étaient " certainement causés par un tassement différentiel du remblai de la carrière à ciel ouvert ", a préconisé la réalisation d'une inspection vidéo ; qu'un constat d'huissier établi le 11 février 2006 à l'initiative de M. et Mme A et adressé au maire, a mis en évidence la persistance voire l'aggravation des désordres, ce qu'ont confirmé les services municipaux aux mois de janvier et août 2008 ; que, dans ces conditions, et même s'il ne résulte pas de l'instruction que l'inspection vidéo aurait été réalisée, la commune de Gonfreville-L'Orcher, dont il n'est pas contesté qu'elle suivait par ailleurs l'évolution des désordres, n'a, en tout état de cause, commis aucune faute en ne s'assurant pas davantage de l'état du sous-sol afin d'en informer les habitants comme le préfet de la Seine-Maritime ;
Sur la responsabilité de la commune de Gonfreville-L'Orcher à raison de la faute résultant des modalités de mise en oeuvre par son maire de ses pouvoirs de police :
Considérant, d'une part, que seules les personnes ayant la qualité de tiers par rapport à l'immeuble concerné peuvent se prévaloir de la carence administrative à mettre en oeuvre la procédure de péril imminent ; que, par suite, M. et Mme A, en leur qualité de propriétaires, ne peuvent utilement soutenir que le maire aurait commis une faute en mettant en oeuvre tardivement la procédure du péril ;
Considérant, d'autre part, que les pouvoirs de police générale reconnus au maire par les dispositions des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales s'exercent dans l'hypothèse où le danger menaçant un immeuble résulte d'une cause qui lui est extérieure ; qu'ils sont distincts des pouvoirs qui lui sont conférés dans le cadre des procédures de péril ou de péril imminent régies par les articles L. 511-1 à L. 511-4 du code de la construction et de l'habitation, auxquels renvoie l'article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales, qui doivent être mis en oeuvre lorsque le danger provoqué par un immeuble provient à titre prépondérant de causes qui lui sont propres ; que, toutefois, en présence d'une situation d'extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent, le maire peut, quelle que soit la cause du danger, faire légalement usage de ses pouvoirs de police générale, et notamment prescrire l'exécution des mesures de sécurité qui sont nécessaires et appropriées ;
Considérant qu'en dépit de la mise en oeuvre par le maire de Gonfreville-L'Orcher de la procédure propre aux immeubles menaçant ruine, ce dernier ne s'est pas fondé, pour prendre son arrêté du 12 décembre 2008, sur les pouvoirs de police spéciaux qu'il tient du code de la construction et de l'habitation en ce qui concerne les immeubles menaçant ruine, mais sur les pouvoirs de police générale qu'il tient des dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ; que cet arrêté, qui vise ces dernières dispositions, a en effet été pris à titre conservatoire compte tenu du péril grave et imminent attesté le jour même par l'expert diligenté par une ordonnance du tribunal administratif de Rouen dans le cadre de la procédure de péril entreprise ; que si les désordres ont commencé à se manifester sérieusement à compter de la fin des années 1990, et si le maire en avait connaissance, en particulier au vu du constat d'huissier établi le 11 février 2006, il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait disposé d'éléments caractérisant une situation de danger particulièrement grave et imminent antérieurement au 12 décembre 2008 ; que, dans ces conditions, et en tout état de cause, le maire de la commune de Gonfreville-L'Orcher ne peut être regardé comme ayant commis une faute en tardant à mettre en oeuvre ses pouvoirs de police puis en les exerçant de manière précipitée ;
Sur la responsabilité de la commune de Gonfreville-L'Orcher à raison des opérations de rachat des terrains pouvant être affectés par la présence de cavités :
Considérant que les conclusions qui tendent à la réparation d'un chef de préjudice survenu en cours d'instance se rattachant au même fait générateur et reposant sur la même cause juridique que le chef de préjudice invoqué tant dans la réclamation préalable que devant le tribunal ne présentent pas de caractère nouveau en appel ;
Considérant que M. et Mme A recherchent pour la première fois en appel la responsabilité de la commune de Gonfreville-L'Orcher dans la mise en oeuvre du dispositif de rachat au prix de la valeur du terrain bâti prévu par une délibération communale du 5 juillet 2010 en se prévalant tant de la faute commise par la commune dans l'application de ce dispositif à leur égard que de la rupture de l'égalité devant les charges publiques résultant du dommage anormal et spécial subi du fait de l'exclusion de leur propriété du périmètre de rachat au prix de la valeur du terrain bâti ; que si leur demande tend à la réparation des mêmes chefs de préjudices et est fondée, s'agissant de la faute, sur une cause juridique déjà invoquée devant les premiers juges ou, s'agissant de la responsabilité sans faute, sur une cause juridique qu'il leur était loisible d'invoquer pour la première fois en appel, elle se rattache toutefois à un fait générateur différent de ceux qu'ils avaient invoqués devant le tribunal et dans leur réclamation préalable ; qu'il s'ensuit que la fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau de leur demande en appel doit, en tout état de cause, être accueillie ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de M. et Mme A présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Patrick A et à la commune de Gonfreville-L'Orcher.
Copie sera adressée pour information au préfet de la Seine-Maritime.
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N°11DA00870