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09/04/2014 | FRANCE | N°12DA00334

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 09 avril 2014, 12DA00334


Vu la requête, enregistrée le 24 février 2012, présentée pour la SNC Lavalin, venant aux droits de la société Pingat Ingénierie, dont le siège est 6 cours Jean-Baptiste Langlet à Reims (51723), par la SCP Karila ;

La SNC Lavalin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0907125 du 20 décembre 2011 en ce que le tribunal administratif de Lille l'a, par ses articles 3, 4 et 5, condamnée à verser au Grand port maritime de Dunkerque, d'une part, au titre des préjudices subis, la somme globale de 3 243 354,45 euros assortie des intérêts et de leur capitalisat

ion, au titre des frais d'expertise, la somme de 272 833,41 euros et, par son ...

Vu la requête, enregistrée le 24 février 2012, présentée pour la SNC Lavalin, venant aux droits de la société Pingat Ingénierie, dont le siège est 6 cours Jean-Baptiste Langlet à Reims (51723), par la SCP Karila ;

La SNC Lavalin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0907125 du 20 décembre 2011 en ce que le tribunal administratif de Lille l'a, par ses articles 3, 4 et 5, condamnée à verser au Grand port maritime de Dunkerque, d'une part, au titre des préjudices subis, la somme globale de 3 243 354,45 euros assortie des intérêts et de leur capitalisation, au titre des frais d'expertise, la somme de 272 833,41 euros et, par son article 5, a mis à sa charge la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que, par son article 6, a rejeté ses autres conclusions ;

2°) de rejeter toutes les demandes formées à son encontre ;

3°) de condamner la société ETCM et la société Socotub à la garantir de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées les 21, 24, 26 et 27 mars 2014, présentées pour la SNC Lavalin, le Grand port maritime de Dunkerque et la SA Allianz IARD ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hubert Delesalle, rapporteur public,

- et les observations de Me Marc Richer, avocat de la SNC Lavalin, de Me Stéphane Karageorgiou, avocat de la SA Allianz IARD, de Me Jean-Claude Carlier, avocat du Grand port maritime de Dunkerque et de la SA MMA IARD, de Me Patrick Weppe, avocat de la société ETCM, et Me Radia Mayoufi, avocat de la société Socotub ;

1. Considérant que, par un acte d'engagement du 16 avril 2004, le Port autonome de Dunkerque, aux droits duquel se trouve le Grand port maritime de Dunkerque, a confié à la société Pingat Ingénierie, aux droits de laquelle vient la SNC Lavalin, la maîtrise d'oeuvre de l'opération de construction d'un pipeline d'alcool dit maritime destiné à relier l'appontement Polimeri aux installations industrielles de la société Ryssen alcools ; que, par un acte d'engagement signé le 10 janvier 2005, le Port autonome de Dunkerque a attribué le marché de travaux relatif à la construction de ce pipeline à la société ETCM ; que cette dernière a elle-même eu recours à plusieurs sous-traitants dont la société Socotub pour la réalisation de certaines opérations de préparation de l'acier ; que l'ouvrage ayant été reçu avec réserves le 20 février 2006, celles-ci ont été levées le 19 juin 2006 ; que, rapidement et après la cargaison de six bateaux, il est apparu le 29 novembre 2011 deux fuites sur le pipeline ; que M. B...s'est vu confier, par ordonnances du président du tribunal administratif de Lille, des opérations de constat puis d'expertise et a déposé ses rapports successivement les 18 décembre 2006 et 13 décembre 2008 ; qu'en référé, le Port autonome de Dunkerque a obtenu l'allocation d'une provision de 1 400 000 euros, mise uniquement à la charge du maître d'oeuvre après cassation de l'ordonnance du 8 juillet 2008 du président de la cour administrative d'appel de Douai par une décision du 20 mai 2009, du Conseil d'Etat, statuant au contentieux ; que, statuant au fond, le tribunal administratif de Lille, par un jugement du 20 décembre 2011, a condamné la SNC Lavalin à indemniser, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, le Grand port maritime de Dunkerque du préjudice subi par le pipeline qu'elle a fixé, par son article 3, à la somme de 3 243 354,45 euros, a mis à la charge de la même société, par son article 4, les frais d'expertise fixés à un montant de 272 833,41 euros, ainsi que, par son article 5, une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'enfin, par son article 6, il a rejeté les conclusions d'appel en garantie du maître d'oeuvre dirigées contre les sociétés ETCM et Socotub, ainsi que le surplus des conclusions des autres parties ; que la SNC Lavalin relève appel des articles 3, 4 et 5 du jugement ainsi que de l'article 6 en tant qu'il rejette ses autres conclusions d'appel en garantie ou celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que la société Allianz IARD, son assureur, intervient au soutien de ses conclusions ; que le Grand port maritime de Dunkerque présente pour sa part des conclusions d'appel incident et provoqué ; que la SA MMA IARD, son assureur, doit être regardée comme demandant l'annulation de l'article 6 du jugement en ce qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce que les sociétés ETCM et Socotub lui versent la somme de 441 552,89 euros au titre des dépens ainsi que des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Sur l'intervention de la société Allianz IARD :

2. Considérant qu'est recevable à former une intervention toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige ; que la société Allianz IARD est l'assureur de la SNC Lavalin qui a été condamnée ainsi qu'il a été dit au point 1 ; qu'elle justifie, dès lors, d'un intérêt suffisant à venir au soutien de la requête de la SNC Lavalin tendant à l'annulation ou à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il la concerne ; qu'ainsi, son intervention, qui est recevable, doit être admise ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant qu'il résulte de l'examen des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif de Lille, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments des parties, ni davantage de préciser tous les éléments sur lesquels il fondait sa position, a expressément et suffisamment répondu, sans en omettre, aux moyens contenus dans les mémoires produits par la société Pingat Ingenierie puis par la SNC Lavalin qui lui a succédé, et qui étaient tirés de la partialité de l'expert, de l'imputabilité du dommage affectant le pipeline aux sociétés ETCM et Socotub puis des fautes que ces sociétés auraient commises et qui auraient été de nature à justifier qu'elles soient appelées à la garantir ; qu'en ce qui concerne plus particulièrement le moyen tiré du manquement au " devoir de conseil " qu'aurait commis l'entreprise titulaire du marché, le jugement y a répondu, en s'appropriant, dans la partie du jugement consacrée aux imputabilités au titre de la garantie décennale, les conclusions du rapport de l'expert et en en déduisant que les sociétés s'étaient bornées à " exécuter les travaux conformément aux spécifications techniques du maître d'oeuvre ", ainsi qu'en retenant, dans la partie du jugement consacrée aux appels en garantie, que l'entreprise n'avait commis " aucun autre manquement " ; qu'en ce qui concerne sa réponse au moyen tiré des insuffisances du rapport de l'expert B...au regard des conclusions du rapport du professeur Rosset produit par le maître d'oeuvre, le tribunal, qui avait fourni le motif de sa position en indiquant que ce rapport privé ne remettait pas en cause les conclusions de l'expertise judiciaire de M.B..., n'était pas tenu de l'expliciter par des considérations techniques ; que, par suite, la SNC Lavalin n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité ;

Sur les conclusions de l'appel principal :

En ce qui concerne l'exception d'incompétence opposée par la société Socotub :

4. Considérant que la société Socotub, sous-traitante de la société ETCM, qui n'avait aucun lien contractuel avec la SNC Lavalin et était un tiers par rapport à cette dernière, participait à l'exécution du travail public constitué par l'édification du pipeline objet du litige ; que, par suite, les conclusions du maître d'oeuvre tendant, d'une part, à ce que la responsabilité de cette société soit engagée au titre de la garantie décennale des constructeurs et, d'autre part, à ce qu'elle soit appelée à le garantir des condamnations mises à sa charge, relèvent de la compétence des juridictions administratives ;

En ce qui concerne l'expertise :

5. Considérant, en premier lieu, qu'il appartient au juge, saisi d'un moyen mettant en doute l'impartialité d'un expert, de rechercher si, eu égard à leur nature, à leur intensité, à leur date et à leur durée, les relations directes ou indirectes entre cet expert et l'une ou plusieurs des parties au litige sont de nature à susciter un doute sur son impartialité ; qu'en particulier, doivent en principe être regardées comme suscitant un tel doute les relations professionnelles s'étant nouées ou poursuivies durant la période de l'expertise ;

6. Considérant qu'il est constant, d'une part, que M.B..., désigné comme expert par le tribunal administratif de Lille dans le cadre du présent litige mettant, en particulier, en cause la société ETCM, a été assisté par cinq sapiteurs et a déposé son rapport le 13 décembre 2008 et, d'autre part, que, dans le cadre d'une expertise ordonnée, le 29 septembre 2009, par le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, dans un litige sans lien avec le précédent, est intervenu, en qualité de conseil technique de la société ETCM, à la demande de celle-ci ; que, compte tenu notamment de la durée séparant les deux opérations d'expertise, cette mission de conseil, sollicitée à raison des compétences de l'homme de l'art, ne permet pas de faire regarder l'expertise qu'il a conduite antérieurement comme entachée de partialité, alors même que les conclusions de son rapport étaient favorables à la société ETCM ; qu'il ne résulte pas, en outre, de l'instruction que des liens ou des intérêts entre la société ETCM et l'expert B...auraient existé préalablement ou seraient nés au cours des opérations d'expertise ; que, par suite, la SNC Lavalin n'est pas fondée à soutenir que le rapport de l'expert devrait été écarté comme étant entaché de partialité ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne résulte pas de la lecture du rapport que les conclusions de l'expert présentent des contradictions, notamment factuelles, avec les réponses qu'il a apportées aux nombreux dires des parties ; qu'il se borne dans ses conclusions à tirer les conséquences de ses analyses sur la question de l'imputabilité des désordres aux participants à la réalisation de l'ouvrage ; qu'en particulier, l'expert ne nie pas que les opérations de grenaillage de l'acier effectuées par la société Socotub ont contribué aux désordres mais considère qu'elles ont été accomplies conformément à la norme choisie par la maîtrise d'oeuvre, ni que le choix de l'eau de ville par la société ETCM pour l'épreuve hydraulique n'était pas approprié mais qu'il appartenait à la maîtrise d'oeuvre de s'y opposer ;

8. Considérant, en troisième lieu, que M. A...B..., spécialiste des métaux s'est, ainsi qu'il a été dit, fait assister, à sa demande, par des sapiteurs qualifiés pour l'analyse des questions relevant en particulier des domaines de la chimie et de la soudure ; que si les installations de stockage ou de traitement appartenant à la société Ryssen alcools ont été réalisées dans un acier de type 304 L identique à celui choisi pour la construction du pipeline en litige sans être sujettes au même phénomène de corrosion rencontré par cet ouvrage d'acheminement, cette circonstance ne révèle pas, par elle-même, un vice de méthode ou de raisonnement de la part de l'expert devant conduire à écarter ses conclusions ; que les critiques formulées par le professeur Rosset, chimiste, sur la base d'une analyse et d'un rapport sollicités par le maître d'oeuvre et établis de manière non contradictoire, ne suffisent pas davantage à priver de toute pertinence les résultats de l'expertise conduite par M.B..., dès lors, notamment, que les critiques que ce spécialiste énonce ne portent que sur certains aspects de l'analyse de M. B...sans tenir totalement compte de l'ensemble des facteurs qui, selon cet homme de l'art, ont contribué à la corrosion fulgurante du pipeline et qui l'ont conduit à penser que le choix de l'acier était erroné ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la SNC Lavalin tendant, d'une part, à ce que le rapport d'expertise soit écarté, et, d'autre part, à ce que soit ordonnée, pour ce motif, une nouvelle expertise ;

En ce qui concerne les conclusions présentées au titre de la responsabilité décennale :

10. Considérant que le constructeur dont la responsabilité est recherchée en application des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, n'est fondé à se prévaloir vis-à-vis du maître de l'ouvrage de l'imputabilité à un autre constructeur co-contractant du maître de l'ouvrage, de tout ou partie des désordres en litige et à demander en conséquence que sa responsabilité soit écartée ou limitée dans la mesure où ces désordres ou cette partie des désordres ne lui sont pas également imputables ;

11. Considérant qu'il résulte du rapport de l'expert et il n'est pas contesté que l'ouvrage en acier a été rendu impropre à sa destination en raison de sa corrosion fulgurante et généralisée ; que selon M.B..., expert, cette corrosion résulte tant du choix d'un acier faiblement résistant que des opérations qui ont contribué à le fragiliser davantage ; que si la SNC Lavalin se prévaut de différentes notes techniques, établies à sa demande et de façon non contradictoire, selon lesquelles le choix de l'acier 304 L était justifié, il résulte du rapport d'expertise que le choix final pour cet acier a été préconisé par la société Pingat pour des motifs principalement économiques, alors qu'aucune étude ou investigation n'avait été réalisée préalablement afin de vérifier la compatibilité de cet acier inoxydable avec le projet et notamment les propriétés de l'alcool dit maritime charriant des impuretés devant transiter dans l'ouvrage, et ce, alors que le maître d'ouvrage prévoyait de recourir initialement à un acier plus résistant de type 316 L ; que la circonstance que l'acier utilisé dans les installations de l'usine Ryssen alcools serait de type 304 L ne suffit pas elle seule à démontrer une absence de faute de conception sur ce point ; que, parmi les facteurs de fragilisation du matériau, M. B... retient, sans être sérieusement contredit, une absence de traitement d'hypertrempe après soudage en usine du tube d'acier, un traitement de grenaillage réalisé en vertu d'une norme inappropriée imposée au fabricant et, enfin, une absence de dépollution de l'acier inoxydable en fin de montage et mise en place du pipeline, laissant subsister des oxydes ferriques à l'intérieur du tube ; qu'après la pose de l'ouvrage, il est également reproché au maître d'oeuvre, par M.B..., d'avoir accepté d'utiliser une eau de ville, et non une eau déminéralisée, favorisant ainsi les phénomènes d'oxydation du fait de sa composition chimique ; que si le caractère déterminant de ce phénomène est contesté par l'analyse du professeur Rosset, sa réalité n'est toutefois pas sérieusement remise en cause ; que M. B...retient encore, sans contredit, d'une part, que l'épreuve pneumatique n'a pas permis de déceler de manière satisfaisante des fuites de faible niveau et, d'autre part, que l'absence d'évents ou purges d'air des points hauts du pipeline a conduit à l'impossibilité de faire une épreuve hydraulique dans des conditions convenables ; qu'il est constant que la mission confiée à l'entreprise Pingat Ingénierie incluait en particulier la conception de l'ouvrage, la recherche de solutions techniques, la constitution du dossier d'appel d'offres complet, le contrôle et le suivi de la bonne exécution des travaux ainsi que l'assistance à la réception des travaux ; que, par suite compte tenu de la nature et de l'origine des désordres constatés qui viennent d'être rappelés, la SNC Lavalin ne saurait prétendre que le dommage ne lui serait pas au moins partiellement imputable ; que, dès lors, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir des conditions dans lesquelles les sociétés ETCM et Socotub auraient exécuté leur mission pour demander à être déchargée des condamnations prononcées à son encontre par le tribunal administratif de Lille ;

12. Considérant que la SNC Lavalin ne peut davantage se prévaloir des fautes qu'aurait commises la société Ryssen alcools, exploitante du pipeline, dès lors que le fait du tiers ne constitue pas une cause exonératoire de responsabilité en matière de garantie décennale ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SNC Lavalin n'est pas fondée à demander à être déchargée des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice du Grand port maritime de Dunkerque par l'article 3 du jugement ainsi que de la somme qu'elle doit également lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en application de l'article 5 du même jugement ;

En ce qui concerne les conclusions présentées au titre de l'appel en garantie :

14. Considérant que, ainsi qu'il a été dit au point 11, l'utilisation de la technique du grenaillage par bille d'acier résulte de l'obligation imposée par la SNC Lavalin dans le marché remporté par la société ETCM de se conformer à la norme NF A 49-710 ; que, eu égard aux spécificités de l'ouvrage liées à sa technicité résultant des interactions complexes entre différents paramètres au nombre desquels figurent les caractères de l'alcool transporté ainsi que les étapes de fabrication et de mise en oeuvre de l'ouvrage, il ne saurait être reproché aux sociétés ETCM et Socotub, qui ne disposent pas sur ces questions d'une qualification particulière, une faute procédant d'une absence de réserves ; qu'il ne résulte pas de l'expertise ou des autres documents produits, en dépit de certaines allégations, que ces sociétés n'auraient pas réalisé les travaux dont ils avaient la charge dans le respect de leurs obligations contractuelles et des règles de l'art ou auraient procédé à des réparations de mauvaise qualité sans en avertir le maître d'oeuvre ou le maître d'ouvrage, qui auraient été à l'origine du dommage ; qu'en revanche, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que l'utilisation de l'eau de ville, à la place de l'eau déminéralisée pourtant prévue, pour réaliser l'épreuve hydraulique a été proposée au maître d'oeuvre par la société ETCM alors qu'il est normalement connu des constructeurs utilisant de l'acier inoxydable que l'eau de ville est dangereuse pour l'intégrité de ce type d'acier dont fait partie l'acier 304 L compte tenu des risques de corrosion par piqures ; que, par suite, la société ETCM a commis une faute qui a contribué à la survenance du dommage ; que, toutefois, la SNC Lavalin ne s'est pas opposée, notamment pour des raisons financières, à cette proposition ; que, dans ces conditions et compte tenu du partage de responsabilité, la société ETCM doit garantir la SNC Lavalin des condamnations prononcées à son encontre à hauteur de 10 % de leur montant ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SNC Lavalin est, dans cette mesure, fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à ce que la société ETCM la garantisse des condamnations prononcées à son encontre ;

Sur les conclusions d'appel incident du Grand port maritime de Dunkerque :

16. Considérant que le Grand port maritime de Dunkerque n'établit pas que son préjudice résultant du coût de la reconstruction du pipeline a été supérieur à la somme de 3 000 000 euros hors taxes qu'il s'est engagé à verser à la société Ryssen alcools, au terme du protocole transactionnel conclu le 9 octobre 2009 à ce titre ;

17. Considérant que le Grand port maritime de Dunkerque n'établit pas plus en cause d'appel qu'en première instance avoir effectivement versé les sommes de 50 033,34 euros et 24 999,87 euros à la société Ryssen alcools au titre au titre des frais liés au stockage de produits par la société Rubis ou avoir exposé les sommes de 3 119,90 euros et 6 748 euros en paiement d'une étude des accidents de corrosion du pipeline réalisée par M.C... ;

18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Grand port maritime de Dunkerque n'est pas fondé à soutenir que, par la voie de l'appel incident, c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a fixé le montant de son indemnité à la somme totale de 3 243 354,45 euros ;

Sur les conclusions d'appel incident de la SA MMA IARD :

19. Considérant que les conclusions présentées par la SA MMA IARD tendent à être indemnisées des frais d'avocat exposés dans diverses procédures par son assuré, le Port autonome de Dunkerque devenu le Grand port maritime de Dunkerque, à propos du dommage subi par l'ouvrage en litige ; que ces conclusions, qui se rattachent aux dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être présentées à l'occasion de chacune des instances au titre desquelles les frais sont exposés ; qu'il en va de même des conclusions tendant à l'indemnisation des frais d'expertise qui relèvent de l'article R. 761-1 du même code ; que, par suite, les conclusions de la SA MMA IARD, qui ne sont pas en lien direct avec la présente instance, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions d'appel provoqué du Grand port maritime de Dunkerque :

20. Considérant que la société Socotub, sous-traitante de la société ETCM, qui n'avait aucun lien contractuel avec le Grand port maritime de Dunkerque et était un tiers par rapport à ce dernier, participait à l'exécution du travail public constitué par l'édification du pipeline objet du litige ; que, par suite, les conclusions d'appel provoqué du maître d'ouvrage dirigées contre cette société ne sont pas présentées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

21. Considérant que, dans la mesure où le présent arrêt n'aggrave pas la situation du Grand port maritime de Dunkerque, ses conclusions dirigées contre les sociétés ETCM et Socotub doivent être rejetées ;

Sur les dépens :

22. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit sur les responsabilités que la SNC Lavalin est la partie principalement perdante ; qu'il y a lieu, par suite, de confirmer la mise à sa charge des frais de l'expertise ordonnée par le tribunal à l'article 4 de son jugement ;

Sur les conclusions présentées au titre de la présente instance sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

23. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la SNC Lavalin, la société Allianz IARD, le Grand port maritime de Dunkerque et la SA MMA IARD doivent, dès lors, être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les sociétés ETCM et Socotub au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la société Allianz IARD est admise.

Article 2 : L'article 6 du jugement est annulé en tant qu'il rejette les conclusions d'appel en garantie de la SNC Lavalin dirigées contre la société ETCM.

Article 3 : La société ETCM est condamnée à garantir la SNC Lavalin à hauteur de 10 % du montant de la condamnation prononcée à son encontre par l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Lille.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la SNC Lavalin, de la société Allianz IARD, de la société ETCM et de la société Socotub ainsi que les conclusions du Grand port maritime de Dunkerque et de la SA MMA IARD sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC Lavalin, au Grand port maritime de Dunkerque, à la société ETCM, à la société Socotub, à la société Allianz IARD et à la société MMA IARD.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 12DA00334
Date de la décision : 09/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04-03-02 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale. Désordres de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs. Ont ce caractère.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Bertrand Baillard
Rapporteur public ?: M. Delesalle
Avocat(s) : SCP KARILA ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-04-09;12da00334 ?
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