Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2014, présentée pour M. A...D..., demeurant..., par Me C...B...; M. D...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1307376 du 23 décembre 2013 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 décembre 2013 par lequel le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé son placement en rétention administrative ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son avocat, sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
Vu la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Michel Hoffmann, président de chambre ;
1. Considérant que M.D..., de nationalité algérienne né le 1er mars 1990, relève appel du jugement du 23 décembre 2013 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille ayant rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 décembre 2013 par lequel le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé son placement en rétention administrative ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. Considérant qu'en vertu du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile l'autorité préfectorale peut prononcer une obligation de quitter le territoire français : " 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, lors de son interpellation par les forces de police le 18 décembre 2013 à la suite d'un contrôle d'identité, M. D...était démuni de tout document de voyage ou de pièces justifiant de son entrée régulière ou de son séjour régulier sur le territoire national ; que l'intéressé, alors même qu'il lui en avait été donné la faculté lors de la procédure de retenue administrative qui a suivi son interpellation, n'a pas cru devoir produire de passeport avant que le préfet du Nord ne prononce une obligation de quitter le territoire français à son encontre ; que la photocopie du passeport produit pour la première fois en appel n'est pas de nature à établir, faute d'être revêtu d'un quelconque visa, l'entrée régulière de l'intéressé en France ; que, par suite, M.D..., qui ne saurait utilement se prévaloir, au moment de son interpellation, de la seule détention d'une copie d'un acte de naissance, n'est pas fondé à soutenir qu'il n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions précitées du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile autorisant le préfet à prononcer une mesure d'éloignement ;
4. Considérant que l'obligation de quitter le territoire français comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; que M. D...n'est dès lors pas fondé à soutenir que le préfet du Nord, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant sa situation, aurait insuffisamment motivé sa décision ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le représentant de l'Etat se serait abstenu de procéder à un examen particulier de cette situation ;
5. Considérant que selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne (C-166/13 du 5 novembre 2014) rendue sur renvoi préjudiciel d'une juridiction administrative française, le droit d'être entendu dans toute procédure, tel qu'il s'applique dans le cadre de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier et, notamment, de l'article 6 de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à ce qu'une autorité nationale n'entende pas le ressortissant d'un pays tiers spécifiquement au sujet d'une décision de retour lorsque, après avoir constaté le caractère irrégulier de son séjour sur le territoire national à l'issue d'une procédure ayant pleinement respecté son droit d'être entendu, elle envisage de prendre à son égard une telle décision, que cette décision de retour soit consécutive ou non à un refus de titre de séjour ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition signé par M.D..., qu'il a été entendu par les services de police le 18 décembre 2013, en particulier en ce qui concerne son âge, sa nationalité, sa situation de famille, ses attaches dans son pays d'origine, les raisons et conditions de son entrée en France ainsi que ses conditions d'hébergement ; que M. D... a eu, ainsi, la possibilité, au cours de cet entretien, de faire connaître des observations utiles et pertinentes de nature à influer sur la décision prise à son encontre ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé disposait d'informations tenant à sa situation personnelle qu'il a été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure qu'il conteste et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de cette décision ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait le principe général du droit d'être entendu, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, doit être écarté ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) " ; qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " ;
7. Considérant que M.D..., entré en France le 13 novembre 2013, soutient que sa présence auprès de ses grands-parents serait indispensable en raison de leur état de santé ; que, s'il ressort des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux établis par un praticien du service de néphrologie et de dialyse de la clinique de La Louvière à Lille, que le grand-père du requérant est atteint d'une maladie chronique nécessitant un traitement par dialyse trois fois par semaine et qu'il a besoin de l'assistance d'une tierce personne dans les actes de la vie quotidienne, M. D...n'établit toutefois ni que sa grand-mère, bien qu'atteinte de diabète, serait dans l'impossibilité d'assister son mari dans ses tâches quotidiennes, ni qu'il ne pourrait être fait appel aux dispositifs d'assistance sociale que la pathologie de son grand-père requiert ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la très brève durée et aux conditions de séjour de M. D...en France, ce dernier, qui est célibataire, sans charge de famille et dont toute la famille proche réside en Algérie où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de 23 ans, n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français prononcée par le préfet du Nord aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en portant une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, ni qu'il entrerait dans la catégorie des ressortissants algériens susceptibles de se voir délivrer de plein droit un titre de séjour au sens des stipulations précitées de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
Sur le refus de délai de départ volontaire :
8. Considérant que la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle est, dès lors, suffisamment motivée ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à l'examen de la situation particulière du requérant ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la mesure d'éloignement doit être écarté ; qu'il en est de même, pour les motifs énoncés au point 5 du présent arrêt, de celui tiré de la méconnaissance du principe général du droit communautaire d'être entendu ;
10. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) " ;
11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...n'a pu justifier être entré régulièrement sur le territoire français et s'était désisté de sa demande d'asile à la date à laquelle la décision attaquée a été prise, sans pour autant diligenter de nouvelles démarches tendant à la régularisation de sa situation administrative, se bornant à alléguer, dans le procès-verbal établi le 18 décembre 2013, qu'il se rendait précisément à la préfecture lorsqu'il a été interpellé ; que, s'il a déclaré, lors de cette interpellation, être hébergé par ses grands-parents, il était cependant dépourvu de tout passeport ou document en cours de validité et ne pouvait justifier de ressources suffisantes et stables ; que ces éléments de fait étaient de nature à caractériser l'absence de garanties de représentation suffisantes ; qu'il entrait donc bien, ainsi que l'a estimé le préfet, dans le champ d'application du a) et du f) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
12. Considérant que ni la circonstance qu'il disposait d'une adresse personnelle en France, ni celle que des membres de sa famille résident régulièrement dans ce pays, ne sont de nature à établir, eu égard aux éléments énoncés au point 11, que le représentant de l'Etat aurait entaché sa décision de refus de délai de départ volontaire d'erreur d'appréciation quant au risque que le requérant envisage de se soustraire à une mesure d'éloignement ; que le moyen ainsi allégué ne peut dès lors être accueilli ;
Sur le placement en rétention administrative :
13. Considérant que la décision par laquelle le préfet du Nord a prononcé le placement en rétention administrative de M. D...est suffisamment motivé en fait et en droit ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe général du droit d'être entendu ne peut être accueilli pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment ; qu'il en est de même du moyen tiré de l'illégalité de la mesure de rétention par voie de conséquence de celle de l'obligation de quitter le territoire français ;
14. Considérant qu'un justiciable ne peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des stipulations inconditionnelles d'une directive que lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires ; qu'il suit de là que M. D...ne peut se prévaloir des stipulations des articles 8-4 et 15 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, laquelle a été transposée dans le droit national par la loi du 16 juin 2011 susvisée, antérieurement à la décision litigieuse ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet du Nord.
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N°14DA00397