Vu la requête, enregistrée le 12 juillet 2013, présentée pour la société SARL Bet Wor Ingénierie, dont le siège est 30 chemin de la Planquette à Mont Saint Aignan (76130), par Me C...F... ; la société SARL Bet Wor Ingénierie demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1100283 du 7 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen, d'une part, l'a condamnée solidairement avec la société Gougeon et M. B...D...à verser au centre hospitalier du Rouvray la somme de 63 080,44 euros TTC au titre des désordres affectant le pavillon Daumezon ainsi que les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 14 949,81 euros TTC et, d'autre part, l'a condamnée à garantir la société Gougeon et M. D...à hauteur de 33 % des sommes en cause ;
2°) de rejeter la demande présentée contre elle par le centre hospitalier du Rouvray ainsi que la demande de garantie de la société Gougeon et de M.D... ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier du Rouvray une somme de 2 850 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 35 euros au titre des frais de timbre ;
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,
- les observations de Me Céline Malet, avocate du centre hospitalier du Rouvray ;
1. Considérant que le centre hospitalier du Rouvray a confié, par un acte d'engagement du 19 septembre 2001, le marché de maîtrise d'oeuvre des travaux de réhabilitation du pavillon Daumezon au groupement conjoint composé de M.D..., architecte, de la société Bet Wor Ingénierie, de la société Economie 80 et de la société Bet Structure Sebat ; que les travaux du lot n° 15 " chauffage-ventilation " ont été attribués à la société Gougeon par un acte d'engagement du 3 janvier 2002 ; que, postérieurement à la réception des travaux, des désordres sont apparus affectant le traitement d'air des chambres d'isolement ; que la SARL Bet Wor Ingénierie relève appel du jugement du 7 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen l'a condamnée solidairement à indemniser le centre hospitalier du Rouvray au titre de la garantie décennale ; que, par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier du Rouvray demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ; que, par la voie de l'appel provoqué, la société Gougeon conclut, d'une part, au rejet de l'appel incident du centre hospitalier du Rouvray et, d'autre part, à ce que ce dernier soit condamné à lui verser le solde du marché ; que M. D...conclut par la voie d'un appel provoqué à l'annulation du jugement en ce qu'il l'a condamné à indemniser le centre hospitalier du Rouvray des préjudices subis et à ce que la société Gougeon le garantisse totalement d'éventuelles condamnations prononcées à son encontre et, par la voie de l'appel incident, à ce que la société requérante le garantisse totalement d'éventuelles condamnations prononcées à son encontre ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que le tribunal administratif de Rouen a visé le code civil et le code de justice administrative et dans les motifs de son jugement a repris de manière synthétique les principes dont s'inspirent les dispositions combinées des articles 1792 et 2270 du code civil dans sa rédaction alors en vigueur concernant la garantie décennale des constructeurs envers le maître d'ouvrage avant d'en faire application ; qu'ainsi, le jugement attaqué est suffisamment motivé et, par suite, n'est entaché d'aucune irrégularité ;
Sur la recevabilité des mémoires du centre hospitalier du Rouvray :
3. Considérant que les mémoires produits pour le compte du centre hospitalier du Rouvray par son conseil précisent que le centre est représenté par sa directrice Mme E...A... ; que, par suite, ces mémoires sont recevables ;
Sur l'appel principal de la société Bet Wor Ingénierie et l'appel incident du centre hospitalier du Rouvray :
En ce qui concerne l'application de la garantie décennale :
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que l'installation de traitement de l'air des chambres d'isolement du pavillon Daumezon du centre hospitalier du Rouvray ne fonctionnait pas et rendait ainsi l'ouvrage impropre à sa destination ; qu'il résulte également de l'instruction que lors de l'établissement, le 30 juin 2004, d'un " procès-verbal préalable " à la réception, le centre hospitalier du Rouvray avait émis des réserves concernant, d'une part, la chambre d'isolement du milieu, celle attenante à la gaine technique et celle attenante à la salle de bain et portant, d'autre part, sur les raccordements des contacts de fenêtre et porte, sur la gaine de ventilation insérée dans le faux plafond et les combles, sur la pose des armoires et raccordements des climatiseurs ainsi que sur la ventilation et la fixation des grilles de désenfumage ; que, dans ce même document, le maître d'ouvrage demandait au titulaire du lot n° 15 " chauffage-ventilation ", en l'occurrence la société Gougeon, de réaliser, avant le 30 septembre 2004, les interventions nécessaires à la levée de ces réserves ; que le centre hospitalier du Rouvray a ensuite, par un procès-verbal établi le 16 décembre 2004, prononcé sans réserves la réception du lot n° 15 avec effet au 30 juin de la même année ; que ce même document ne comporte aucune mention relative à des travaux de reprise qui n'auraient pas été achevés lors de la levée des réserves ; que, par suite, la société Bet Wor Ingénierie n'est pas fondée à soutenir que la réception des travaux ne serait pas effectivement intervenue ; qu'enfin, ainsi qu'il a été dit, si des désordres, dont certains ne concernaient pas au demeurant le traitement de l'air des chambres d'isolement, étaient apparus lors de l'établissement du " procès-verbal " du 30 juin 2004, il est constant que les travaux de reprise les ont fait disparaître avant le 16 décembre 2004, date de la réception sans réserves ; que les désordres affectant l'installation du traitement de l'air des chambres d'isolement apparus postérieurement au 16 décembre 2004 ne peuvent dès lors être regardés comme apparents à cette date ; que, par suite, la responsabilité de la société Bet Wor Ingénierie, de la société Gougeon et de M. D...pouvait être recherchée sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;
5. Considérant qu'il résulte des constatations de l'expert que les désordres en cause sont principalement imputables à une absence d'étude de la société Bet Wor Ingénierie, à des défauts d'exécution de la société Gougeon liés à la réalisation d'ouvrages non conformes au cahier des charges techniques et à l'absence de réception technique des travaux imputable à M. B... D..., architecte ; que, compte tenu de la nature de la garantie décennale, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les dysfonctionnements relevés dans l'installation relative au traitement de l'air des chambres d'isolement du pavillon Daumezon étaient de nature à engager la responsabilité solidaire des constructeurs ; que si ces derniers font valoir que le maître d'ouvrage aurait fait modifier de son propre chef les faux plafonds ainsi que certains diffuseurs ou extracteurs d'air situés dans les chambres d'isolement, ces modifications, ainsi qu'il résulte du rapport d'expertise, n'ont revêtu qu'un caractère accessoire et n'ont pas contribué aux désordres constatés dans l'installation ; que, par suite, le maître de l'ouvrage n'a commis aucune faute constitutive d'une cause exonératoire de responsabilité dont pourraient se prévaloir les constructeurs ;
Sur l'évaluation des préjudices :
6. Considérant que si le centre hospitalier du Rouvray fait valoir qu'il a été privé de la possibilité d'utiliser quatre chambres d'isolement entre le 30 juin 2004, date d'effet de la réception des travaux, et le 22 octobre 2009, date d'achèvement des travaux de reprise des désordres apparus postérieurement au 16 décembre 2004, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, d'une part que le pavillon au sein duquel sont situées les chambres en cause a été effectivement ouvert au mois de janvier 2005, d'autre part qu'en dépit des dysfonctionnements relevés, les chambres ont été ponctuellement utilisées par l'établissement hospitalier de telle sorte que les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation de la situation en évaluant à 654 le nombre de jours d'indisponibilité de ces chambres sur une période de quatre ans ; que le centre hospitalier du Rouvray ne saurait non plus prétendre que le montant de l'indemnisation doit être calculé en fonction du prix de journée fixé par le tarif de la sécurité sociale qui est inadapté, ainsi que l'a relevé l'expert, à une situation d'utilisation très ponctuelle des chambres ; qu'ainsi, le centre hospitalier du Rouvray n'établit pas que le tribunal administratif de Rouen aurait fait une inexacte appréciation du préjudice de jouissance qu'il a subi en faisant sienne l'estimation de l'expert qui avait évalué à un montant annuel de 5 760 euros le montant de ce préjudice et en condamnant ainsi les constructeurs à lui verser une somme globale de 23 040 euros pour les années 2005 à 2008 ; que, pour les mêmes motifs, la société Bet Wor Ingénierie n'est pas davantage fondée à prétendre que l'évaluation de ce préjudice faite par les premiers juges aurait été exagérée ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'étendue des désordres constatés nécessitait le remplacement de l'installation défectueuse ; que, si le coût des réparations avait été évalué à un montant de 71 535,99 euros TTC conformément à un devis fourni par l'entreprise Cofatech, le centre hospitalier du Rouvray a toutefois fait effectuer les travaux postérieurement au dépôt du rapport de l'expert par la société Norma Froid pour un montant de 39 764,05 euros TTC ; qu'il n'est établi ni que ces travaux de reprise auraient modifié la conception des installations, ni qu'ils se seraient traduits par une plus-value pour le maître d'ouvrage, ni qu'ils auraient été insuffisants pour réparer l'intégralité des désordres ; qu'en conséquence, c'est à bon droit que les premiers juges ont évalué le montant du préjudice résultant du remplacement de l'installation à un montant de 39 764,05 euros TTC ;
Sur le versement du solde du marché :
8. Considérant que les conclusions par lesquelles la société requérante sollicite le versement du solde du marché qu'elle évalue à un montant de 38 200,69 euros TTC, et réclame une compensation entre cette somme et le montant des travaux de reprise mentionné au point 7, ne peuvent être accueillies en l'absence de décompte général et définitif ou de toute mise en demeure adressée au maître d'ouvrage en vue de l'établissement d'un tel décompte ;
Sur le partage de responsabilité entre les constructeurs :
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que les désordres en cause ont notamment pour origine une absence d'étude et de plans d'exécution imputable à la société Bet Wor Ingénierie ; que les manquements relevés à l'encontre de cette dernière dans sa mission de direction et d'exécution des travaux justifiaient, ainsi qu'en a jugé le tribunal, que la société requérante soit condamnée à garantir la société Gougeon et M. D...à hauteur de 33 % des sommes mises à leur charge en réparation des préjudices subis par le centre hospitalier du Rouvray ; qu'il en est de même des manquements relevés à l'encontre de la société Gougeon dont il résulte du rapport d'expertise qu'elle a procédé à la réalisation d'une installation non conforme au cahier des charges techniques ; qu'enfin, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en relevant que l'absence dans le suivi du chantier et lors de la réception des travaux imputable à M. D... justifiait que ce dernier soit condamné à garantir la société requérante et la société Gougeon à les garantir, à concurrence de 33 %, de la somme versée pour indemniser le centre hospitalier du Rouvray ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Bet Wor Ingénierie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen l'a solidairement condamnée à verser au centre hospitalier du Rouvray la somme de 63 080,44 euros TTC et a mis à sa charge les frais d'expertise ; que le centre hospitalier du Rouvray n'est pas fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen n'aurait fait que partiellement droit à sa demande indemnitaire ;
Sur les appels provoqués de la société Gougeon et de M.D... :
11. Considérant que le présent arrêt rejetant les conclusions principales présentées par la société Bet Wor Ingénierie et les conclusions incidentes présentées par le centre hospitalier du Rouvray, les conclusions de la société Gougeon et de M. D...ne sont pas recevables ;
Sur l'appel incident de M.D... :
12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 9 sur le partage de responsabilité entre les constructeurs, que l'appel incident de M. D...ne peut qu'être rejeté ;
Sur les dépens :
13. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'État. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) " ;
14. Considérant qu'il y a lieu de laisser les frais de contribution à l'aide juridique à la charge de la société Bet Wor Ingénierie ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
16. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la société Bet Wor Ingénierie, la société Gougeon et M.D... doivent, dès lors, être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par le centre hospitalier du Rouvray ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Bet Wor Ingénierie est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier du Rouvray présentées par la voie de l'appel incident et les conclusions de la société Gougeon présentées par la voie de l'appel provoqué et celles de M. D...présentées par la voie de l'appel provoqué et de l'appel incident sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions du centre hospitalier du Rouvray, de la société Gougeon et de M. D...présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bet Wor Ingénierie, au centre hospitalier du Rouvray, à M. B...D...et à la société Gougeon.
''
''
''
''
6
N°13DA01155