Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée unipersonnelle Gabnel a demandé au tribunal administratif d'Amiens la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er novembre 2008 au 31 décembre 2009.
Par un jugement n° 1200607 du 13 mars 2014, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 16 mai 2014 et le 20 janvier 2015, la société Gabnel, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 13 mars 2014 du tribunal administratif d'Amiens ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er novembre 2008 au 31 décembre 2009 en droits et pénalités ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre des années 2008 et 2009 et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement a omis de statuer sur les conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ;
- l'administration a méconnu le délai de trente jours prévu à l'article 76 du livre des procédures fiscales avant la mise en recouvrement des impositions supplémentaires ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;
- les bases d'imposition retenues par l'administration dans le cadre de la taxation d'office sont exagérées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la SARL Gabnel n'est pas recevable à présenter pour la première fois devant le juge administratif des conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ;
- la procédure de taxation d'office mise en oeuvre en matière de taxe sur la valeur ajoutée n'est entachée d'aucune irrégularité ;
- la proposition de rectification adressée le 27 septembre 2010 à la société Gabnel est suffisamment motivée ;
- la société, à laquelle incombe la charge de la preuve de l'exagération des impositions en litige, ne produit aucun élément probant de nature à l'établir.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Milard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Guyau, rapporteur public.
1. Considérant qu'en l'absence, depuis la date de son début d'activité le 1er novembre 2008, de déclaration de chiffre d'affaires et de résultats souscrite par la SARL Gabnel, exerçant une activité de loueur de matériel roulant sans chauffeur et de transport routier de marchandises, l'administration a recouru à la procédure de taxation d'office et mis à la charge de celle-ci des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er novembre 2008 au 31 décembre 2009 ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2008 et 2009 ; que la SARL Gabnel relève appel du jugement du 13 mars 2014 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que la société Gabnel a contesté devant le tribunal administratif d'Amiens les rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle avait été assujettie au titre de la période du 1er novembre 2008 au 31 décembre 2009 et les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des années 2008 et 2009 ; que le tribunal s'est borné dans le jugement attaqué à rejeter les conclusions relatives à la taxe sur la valeur ajoutée ; que le jugement attaqué doit être annulé en tant que le tribunal administratif a omis de statuer sur les conclusions relatives à l'impôt sur les sociétés ;
3. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement, par voie de l'évocation, sur les conclusions relatives à l'impôt sur les sociétés et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions relatives à la taxe sur la valeur ajoutée ;
Sur les conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales : " (...) / Le demandeur ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes de celles qu'il a visées dans sa réclamation à l'administration (...) " ;
5. Considérant que la société Gabnel n'a saisi l'administration d'aucune réclamation tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ; que par suite, ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés doivent être rejetées comme irrecevables ;
Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. Cette notification est interruptive de prescription (...) " ;
7. Considérant, d'une part, qu'il résulte des termes mêmes de la proposition de rectification du 27 septembre 2010, parvenue à la société requérante le 29 septembre suivant, que l'administration l'informait de la mise en oeuvre de la procédure de taxation d'office prévue par les dispositions du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales dès lors qu'elle n'avait pas déposé de déclarations de chiffre d'affaires depuis le début de son activité le 1er novembre 2008 ; que la mise en recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs à la période du 1er novembre 2008 au 31 décembre 2009 est intervenue le 8 novembre 2010, soit plus de trente jours après la réception par le contribuable de la proposition de rectification ; que, par suite, la société Gabnel, qui ne peut utilement soutenir qu'elle n'a été informée de la procédure de taxation d'office diligentée à son encontre que par une correspondance du service en date du 19 octobre 2010, n'est pas fondée à soutenir que l'administration n'aurait pas respecté le délai de trente jours devant précéder la mise en recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés ;
8. Considérant, d'autre part, que la notification des bases de l'imposition en date du 27 septembre 2010, adressée à la société requérante, comporte la mention de l'impôt et de la période d'imposition concernées ; qu'elle précise les motifs du recours à la procédure de taxation d'office, le fondement légal de l'imposition et indique les modalités de détermination de la base imposable à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, par suite, la société Gabnel n'est pas fondée à soutenir que la notification des bases de l'impôt est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé des impositions contestées :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ; qu'il incombe ainsi à la société Gabnel d'apporter la preuve du caractère exagéré des impositions qu'elle conteste ;
10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Gabnel a débuté le 1er novembre 2008 une activité de loueur de matériel roulant à moteur sans chauffeur en région parisienne puis a transféré son activité en 2009 à Amiens en étendant celle-ci au transport routier de marchandises ; qu'en l'absence de déclaration de chiffre d'affaires, l'administration a reconstitué celui-ci en se fondant sur le coût de la masse salariale de la société ; que pour critiquer la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires mise en oeuvre par l'administration, la société Gabnel se borne à communiquer la copie de sa licence de transport de marchandises en faisant valoir qu'elle lui a été délivrée le 8 mars 2010 et, qu'ainsi, elle n'a exercé aucune activité en 2009 ; que toutefois, ainsi qu'il vient d'être exposé, la société Gabnel exerce depuis sa création le 1er novembre 2008 une activité de location de matériel roulant sans chauffeur et elle ne démontre pas, ni même n'allègue qu'elle aurait utilisé du personnel salarié sans percevoir de recettes ; qu'en outre, si la société produit des copies de relevés bancaires, ces seuls éléments, qui ne sont pas corroborés par des éléments comptables, qui ont été au demeurant demandés en vain par l'administration tant en cours de procédure qu'à l'occasion de l'instruction de sa réclamation préalable, ne sont pas de nature à établir le caractère exagéré des impositions en litige ; que l'exagération du chiffre d'affaires reconstitué par l'administration n'est pas davantage établie par la circonstance qu'elle a déposé le 15 octobre 2010 une déclaration de chiffres d'affaires relative à la période concernée faisant apparaître l'absence de chiffre d'affaires réalisé ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Gabnel n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er novembre 2008 au 31 décembre 2009 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 13 mars 2014 du tribunal administratif d'Amiens est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de la société Gabnel tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés relatives aux années 2008 et 2009.
Article 2 : La demande présentée par la société Gabnel devant le tribunal administratif d'Amiens et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée unipersonnelle Gabnel et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 17 novembre 2015 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- Mme Muriel Milard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 1er décembre 2015.
Le rapporteur,
Signé : M. MILARDLe président de chambre,
Signé : M. A...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°14DA00834