Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Roncq a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la société ISS Espaces verts, devenue société ID Verde, ou, à titre subsidiaire, le cabinet Osmose, à lui payer une indemnité en réparation des désordres affectant le terrain du complexe sportif " Joël Bats " lui appartenant et des préjudices de tous ordres qu'elle a subis.
Par un jugement n° 1400944 du 21 juillet 2015, le tribunal administratif de Lille, avant dire droit sur les conclusions de la demande, a ordonné, en application des dispositions de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, une mission d'expertise au contradictoire des parties à l'instance, ainsi que de la société Soreve et de son assureur, la société Swisslife assurances de biens.
Par une ordonnance n° 1400944 du 23 juillet 2015, le président délégué du tribunal administratif de Lille a désigné M. B...G...comme expert.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 21 août 2015, 22 février 2016, et 4 mars 2016, la société Soreve, représentée par la SCP Hepta, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Lille en ce qu'il l'a attraite aux opérations d'expertise ;
2°) de mettre à la charge de toute partie perdante la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le droit au procès équitable protégé par les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu par le tribunal en ce qui la concerne, dès lors qu'elle n'a pas été appelée à la cause avant le jugement avant dire droit et n'a pu se défendre ;
- elle n'a pu bénéficier d'une procédure contradictoire, dès lors qu'elle n'a pas reçu communication des pièces du dossier ;
- n'ayant pas posé le revêtement synthétique et n'étant pas intervenue à un autre titre, elle est étrangère au litige.
Par des mémoires, enregistrés les 22 septembre 2015 et 1er mars 2016, la société Swisslife assurances de biens, représentée par la SCP Raffin et associés, entend s'associer aux conclusions de la société appelante et demande également à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Lille en ce qu'il l'a attraite aux opérations d'expertise et de prononcer sa mise hors de cause dans le litige dont la commune de Roncq est à l'initiative ;
2°) de mettre à la charge de la partie perdante la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il n'est pas établi qu'elle soit dans cette opération l'assureur de la société Soreve ;
- n'ayant pas été destinataire des actes de procédure et n'ayant pu faire valoir ses observations aux fins de sa mise hors de cause, le principe du contradictoire a été violé ;
- si la société Soreve n'est pas intervenue à l'opération de construction, elle doit être mise hors de cause ainsi que son assureur ;
- le tribunal ne justifie pas lui avoir notifié l'ordonnance du 23 juillet 2015 du président délégué du tribunal administratif de Lille portant désignation de l'expert.
Par des mémoires, enregistrés les 23 septembre 2015 et 24 février 2016, la société Allianz Iard, représentée par la SELARL Letartre et autres, cabinet Adekwa, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures de rejeter la requête de la société Soreve et les conclusions de la société Swisslife assurances de biens.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que la présence de la société Soreve est utile dans la mesure où elle est intervenue dans les opérations en cause dans le litige.
Par un mémoire, enregistré le 19 février 2016, la commune de Roncq, représentée par la société d'avocats Fidal, demande à la cour de rejeter la requête de la société Soreve et les conclusions de la société Swisslife assurances de bien, et de mettre à la charge de la société Soreve la somme de 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'expertise ne présente pas un caractère inutile ou frustratoire vis-à-vis de la société Soreve qui n'est pas totalement étrangère au litige et de son assureur ;
- la société Soreve et son assureur sont présents aux opérations d'expertise en cours, le rapport d'expertise n'ayant pas été encore remis ;
- elle n'a pas à supporter les frais de procès réclamés par la société Soreve et son assureur dans la mesure où elle n'est pas à l'origine de la demande d'extension de l'expertise à ces deux sociétés.
Par des mémoires, enregistrés les 19 février 2016 et 4 mars 2016, la société ID Verde, venant aux droits de la société ISS Espaces verts, représentée par la SELASC..., société d'avocats, demande à la cour :
1°) de rejeter la demande de mise hors de cause de la société Soreve et de la société Swisslife assurances de biens ;
2°) d'enjoindre à ces deux sociétés de produire les polices d'assurance en matière décennale ;
3°) de mettre à la charge de la société Soreve et de la société Swisslife la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle s'en remet à la justice en ce qui concerne la violation du caractère contradictoire de la procédure ;
- la société Soreve est intervenue avec la mission, sur cette opération, de l'application du gazon synthétique en qualité de sous-traitant de la société ADR Distribution en 2007 et en 2008, pour la réalisation des travaux de reprise et / ou d'entretien.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Hadi Habchi, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.
- les observations de Me A...I..., représentant la société Soreve, et de Me D...H..., substituant Me E...C..., représentant la société ID Verde.
1. Considérant qu'à la suite de travaux de réaménagement du complexe sportif Joël Bats de la commune de Roncq dont celle-ci avait attribué la réalisation à la société ISS Espaces verts, devenue la société ID Verde, par le lot n° 1 " aménagement de terrains de sports " sous la maîtrise d'oeuvre de la société Osmose, des désordres ont affecté le revêtement de gazon synthétique posé en juillet 2007, et dont l'opération avait été confiée par la société ISS Espaces verts à un sous-traitant agréé par la commune, la société XL Distribution, devenue ultérieurement ADR Distribution ; qu'une expertise ayant été ordonnée en référé et l'expert, M.F..., ayant rendu son rapport le 4 juillet 2012, la commune de Roncq a cherché, sur le fondement de la garantie décennale, par une requête du 13 février 2014 présentée devant le tribunal administratif de Lille, la responsabilité de la société Osmose et de la société ID Verde ; que cette dernière a sollicité du tribunal qu'il prononce, avant dire droit sur la requête, une nouvelle expertise et l'étende à la société par actions simplifiée Société régionale d'espaces verts et d'environnement (Soreve) et à la société Swisslife assurances de biens, assureur de la précédente ; qu'après avoir admis le principe de la garantie décennale au litige, le tribunal administratif, par un jugement du 21 juillet 2015 avant dire droit sur la requête de la commune de Roncq, a, sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, décidé une nouvelle expertise afin d'être éclairé sur l'origine et l'imputabilité des désordres ainsi que sur les mesures nécessaires à la reprise des désordres affectant le terrain de football du complexe Joël Bats ; qu'il a alors admis que " dans les circonstances de l'espèce, il apparaît utile d'ordonner cette mesure au contradictoire des parties à l'instance, ainsi que la société Allianz Iard, assureur de la société ID Verde, de la Société régionale d'espaces verts et d'environnement et de la société Swisslife assurances de biens " ; qu'il a alors notifié, en vertu de l'article 7, son jugement notamment à ces deux dernière sociétés ; que la société Soreve relève appel de ce jugement en tant qu'il l'a attraite aux opérations d'expertise et la société Swisslife assurances de biens, appelée à la cause, présente des conclusions tendant aux mêmes fins ;
2. Considérant qu'il est constant, d'une part, qu'aucune conclusion à fin de condamnation n'était dirigée par aucune partie contre les sociétés Soreve et Swisslife à la date du jugement avant dire droit et, d'autre part, qu'avant d'attraire ces sociétés, le tribunal administratif de Lille ne leur a communiqué aucune pièce et notamment pas les mémoires enregistrés les 13 mai 2014 et 13 mai 2015 au greffe du tribunal, par lesquels la société ID Verde sollicitait l'extension de la mesure d'expertise à celles-ci ; que, dans ces conditions et alors même que n'étant pas parties à l'instance, ces sociétés n'avaient pas à recevoir la communication de l'intégralité de la procédure, il appartenait au tribunal pour apprécier l'utilité de la mesure d'extension de l'expertise à celles-ci, de leur communiquer les pièces nécessaires au recueil de leurs observations sur ce point ; que s'étant abstenu d'y procéder et ayant alors méconnu dans cette mesure le principe de la procédure contradictoire, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le moyen tiré de la violation des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les sociétés Soreve et Swisslife assurances de biens sont fondées à soutenir que le jugement attaqué est, dans cette mesure, entaché d'irrégularité et à en demander l'annulation dans la même mesure ;
3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et, les sociétés Soreve et Swisslife assurances de biens ayant reçu communication par la Cour notamment des mémoires de la société ID Verde cités au point 2, et ayant pu formuler leurs observations sur l'utilité de leur présence, de statuer immédiatement sur la demande d'extension de l'expertise aux sociétés Soreve et Swisslife assurances de biens ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. La mission confiée à l'expert peut viser à concilier les parties " ;
5. Considérant qu'il est constant, ainsi qu'il a été dit au point 1, qu'aucune conclusion n'est, à ce stade de la procédure, dirigée contre la société Soreve et son assureur dans le cadre de l'instance introduite par la commune de Roncq devant le tribunal administratif de Lille ; que, dès lors, ces sociétés sont étrangères au litige né entre les parties à cette instance pour la résolution duquel la mesure d'instruction a été prononcée par le jugement attaqué ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que la société Soreve entretient des liens privilégiés avec la société ADR Distribution, aujourd'hui mise en liquidation, et dont elle est l'actionnaire principal ; que, d'ailleurs, le gérant de ces deux sociétés est identique ; qu'en outre, la société Soreve qui, selon ses termes, " commercialise et met en oeuvre des terrains de football synthétiques " a été associée comme " partenaire " de la société ADR Distribution aux travaux objet du litige, et a participé à diverses réunions destinées à la résolution des désordres survenus à Roncq du fait " des liens entre les deux sociétés " et " du fait de la compétence de la société Soreve ", selon ses propres déclarations ; que, dès lors, la présence de la société Soreve présente une utilité ; que, par conséquent, l'extension de l'expertise à la société Swisslife assurances de biens, dont il n'apparaît pas qu'elle ne serait pas l'assureur habituel de la société Soreve, n'est pas davantage dépourvue de toute utilité ; que, par suite, il y a lieu de maintenir la présence de ces deux sociétés dans l'expertise en cours, aux opérations de laquelle elles ont, au demeurant, jusqu'à présent participé ;
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit, dans la présente instance, aux conclusions présentées par la société Soreve et la société Swisslife assurances de biens, présentées sur ce fondement ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la commune de Roncq et la société ID Verde ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 21 juillet 2015 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il a, par son article 7, étendu l'expertise à la société Soreve et à la société Swisslife assurances de biens.
Article 2 : La société Soreve est appelée à participer à l'expertise en cours ainsi que la société Swisslife assurances de biens.
Article 3 : Les conclusions des sociétés Soreve, Swisslife assurances de biens et ID Verde ainsi que celles de la commune de Roncq présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Soreve, à la société Swisslife assurances de biens, à la société ID Verde, à la société Allianz Iard et à la commune de Roncq.
Délibéré après l'audience publique du 10 mars 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- M. Hadi Habchi, premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 mars 2016.
Le rapporteur,
Signé : H. HABCHILe premier vice président de la cour
Président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : S. DUPUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Sylviane Dupuis
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N°15DA01414