Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme (SA) Dubois Matériaux a demandé au tribunal administratif de Lille la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2005 ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1103620 du 27 mars 2014, le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge partielle de ces impositions.
Procédure devant la cour :
Par un recours et un mémoire, enregistrés le 24 avril 2014 et le 16 mars 2016, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Lille du 27 mars 2014 en tant qu'il a déchargé partiellement la société Dubois Matériaux des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle avait été assujettie au titre de l'année 2005 ;
2°) de rétablir la société Dubois Matériaux au rôle de l'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à raison des montants dont elle a été déchargée par les premiers juges.
Il soutient que :
- l'activité de la société Dubois Matériaux a été profondément restructurée au 1er janvier 2005 et que cette restructuration a eu pour effet de rendre marginale l'activité initiale de négoce de matériaux de construction ;
- il y a eu changement d'activité réelle de cette société au sens des dispositions de l'article 221-5 du code général des impôts ;
- la société ne peut ainsi prétendre au report de déficits et d'amortissements réputés différés qu'elle avait imputé sur son bénéfice de l'exercice clos en 2005.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2014, la SA Dubois Matériaux, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens du recours du ministre ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Milard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Guyau, rapporteur public.
1. Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 de la société anonyme Dubois Matériaux, l'administration a réintégré au bénéfice imposable des créances comptabilisées en pertes et annulé les reports de déficits déclarés par la société au 1er janvier 2005 puis a mis à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles à cet impôt ; que, par un jugement du 27 mars 2014, le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge des impositions contestées correspondant à la réduction des bases d'imposition résultant de la réintégration dans les bénéfices de la société des déficits et amortissements réputés différés au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2005 ; que le ministre des finances et des comptes publics relève appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé la décharge partielle de ces impositions ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur les exercices suivants (...) " ; qu'aux termes de l'article 221 du même code : " (...) / 5 Le changement de l'objet social ou de l'activité réelle d'une société emporte cessation d'entreprise. (...) " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'exercice par une société du droit au report déficitaire est subordonné, notamment, à la condition qu'elle n'ait pas subi, dans son activité réelle, de transformations telles qu'elle ne serait plus, en réalité, la même ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA Dubois Matériaux, filiale de la société Castorama, dont le capital était détenu par le groupe de distribution britannique Kingfisher, a fait l'objet d'une cession de titres par ce dernier au profit du groupe Point P SA avec effet au 31 octobre 2003 ; que la société requérante a cédé en 2004 six agences sur les quatorze qu'elle détenait puis donné en location gérance au début de l'année 2005 les huit agences restantes avant de filialiser six d'entre elles au mois de décembre 2005 avec effet rétroactif au 1er janvier 2005 auprès des filiales régionales de Point P SA situées en dehors de la région Nord ; que si à la suite de cette réorganisation, le chiffre d'affaires de l'activité de négoce de matériaux réalisé au titre de l'année 2005 a fortement diminué de 84,3 % par rapport à celui réalisé en 2004 et si près de 73 % du personnel salarié par la société Dubois Matériaux au cours de cette dernière année a quitté cette entreprise, il résulte toutefois de l'instruction que l'activité de négoce de matériaux n'a pas été totalement abandonnée mais a été poursuivie dans le cadre de la mise en location gérance des deux sites de Lesquin et de Coudekerque ; que cette nouvelle modalité d'exploitation ne peut être regardée comme un changement d'activité au sens des dispositions précitées de l'article 221-5 du code général des impôts mais comme une poursuite de l'activité de négoce sous une autre forme ; que le chiffre d'affaires réalisé au sein de ces deux établissements, en 2005, soit 32 950 000 euros, représente une part non négligeable de l'activité initiale de négoce dont le chiffre d'affaires s'établissait en 2004 à 201 728 302 euros ; qu'il ressort en outre des éléments chiffrés mentionnés dans le mémoire produit par l'administration devant les premiers juges, que la part des produits générée par l'activité poursuivie de négoce exercée par les deux établissements précités représentait pour l'année 2005, hors recettes provenant de la cession de stock, 54,56 % de l'ensemble des produits de la société ; qu'enfin, à supposer même qu'il ne soit pas tenu compte, comme le soutient désormais le ministre en appel, du chiffre d'affaires réalisé par les deux établissements en cause mais seulement des redevances perçues en 2005 au titre de la location gérance, la part des produits liée à l'activité initiale de négoce, soit 34,94 % des produits d'exploitation de la société, représentait une part certes minoritaire mais non marginale de l'activité de la société Dubois Matériaux ; que dans ces conditions, la réorientation de l'activité intervenue au cours de l'année 2005 ne peut être regardée comme emportant cessation d'entreprise au sens des dispositions de l'article 221-5 du code général des impôts ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a accordé à la société Dubois Matériaux la décharge partielle des impositions contestées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Dubois Matériaux et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la société Dubois Matériaux une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des finances et des comptes publics et à la société Point P SA.
Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 10 mai 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- Mme Muriel Milard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 mai 2016.
Le rapporteur,
Signé : M. MILARDLe président de chambre,
Signé : M. B...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°14DA00717