Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 30 juin 2016 de la préfète de la Seine-Maritime refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant la République du Congo comme pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.
Par un jugement n° 1602529 du 8 décembre 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2017, MmeA..., représentée par Me C...E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 8 décembre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 juin 2016 de la préfète de la Seine-Maritime ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Odile Desticourt, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeA..., ressortissante congolaise née le 19 avril 1983 à Brazzaville, est entrée en France le 1er novembre 2008 et a obtenu un titre de séjour en qualité d'étudiante le 21 janvier 2009 ; qu'elle a mis au monde, le 11 février 2009, un enfant reconnu par le mari de sa soeur, de nationalité française, dont il est établi qu'il n'est pas le père biologique ; qu'elle a sollicité, le 14 janvier 2011, un changement de statut d'étudiante vers celui de parent d'enfant français ; qu'elle a sollicité, le 4 novembre 2014, le renouvellement de son titre de séjour en se prévalant de sa qualité de parent d'enfant français ; que, par un arrêté du 30 juin 2016, la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la République du Congo comme pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office ; que Mme A...relève appel du jugement du 8 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 juin 2016 de la préfète de la Seine-Maritime ;
Sur la décision refusant le titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ;
3. Considérant que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers ; que tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés ; que, par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...F...et sa femme, respectivement le beau-frère et la soeur de la requérante, ont à plusieurs reprises hébergé et aidé financièrement cette dernière entre 2008 et 2016 ; que la reconnaissance de la fille de la requérante par M. F...le 10 novembre 2008, soit plus de deux ans avant sa première demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, est intervenue pour des raisons de traditions dans un contexte familial, M. F...étant le beau-frère de la requérante et ayant déclaré avoir reconnu l'enfant pour lui apporter l'autorité paternelle en vue de son épanouissement ; que M. F...et sa femme hébergent la fille de Mme A...de façon continue depuis septembre 2012 et contribuent effectivement à son entretien et à son éducation ; que, par ailleurs, aucune action en contestation de filiation n'a été engagée par le préfet ; que contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, selon lesquels Mme A...aurait admis, au cours de son audition par les services de police le 22 avril 2015, que la reconnaissance de sa fille par son beau-frère français lui permettait d'obtenir un titre de séjour, il ressort seulement de ces déclarations que la requérante espère aujourd'hui l'obtention d'un titre de séjour grâce à cette reconnaissance ; que Mme A...s'est vu accorder un titre de séjour en sa qualité d'étudiante dans les trois mois suivant la reconnaissance de paternité, et n'a demandé l'octroi d'un titre de séjour en se prévalant de sa qualité de parent d'enfant français que plus de deux ans après cette reconnaissance ; qu'enfin, s'il n'est pas contesté que M. F... n'est pas le père biologique de l'enfant, les circonstances particulières de l'espèce ne permettent pas d'établir que la reconnaissance a été effectuée dans le but de faciliter l'obtention d'un titre de séjour par la requérante ; qu'ainsi, la reconnaissance de paternité ne présente pas un caractère frauduleux ;
5. Considérant, toutefois, que Mme A...a résidé hors de France de septembre 2012 à septembre 2014, et a confié la garde de sa fille à son beau-frère et à sa soeur ; qu'à la date de l'arrêté attaqué, elle était rentrée en France depuis moins de deux ans ; que si elle déclare rendre visite à sa fille le mercredi et les fins de semaine et contribuer financièrement à l'éducation de celle-ci de manière ponctuelle, elle ne produit au titre des frais exposés pour sa fille qu'un ordre de virement de trente euros au profit de M. F...et admet que son état de santé et sa situation financière ne lui permettent pas de la reprendre en charge ; qu'ainsi, elle ne justifie pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille depuis au moins deux ans ; que la préfète de la Seine-Maritime aurait pris la même décision si elle n'avait retenu que ce seul motif pour refuser le titre de séjour ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) " ;
7. Considérant que Mme A...est entrée en France le 1er novembre 2008 à l'âge de vingt-cinq ans pour suivre un master de droit de l'entreprise à l'université de Rouen ; que dans la période courant de septembre 2012 à septembre 2014, elle n'a séjourné en France que deux mois, laissant à son beau-frère et à sa soeur le soin de s'occuper de sa fille ; qu'à la date de l'arrêté attaqué, elle séjournait en France depuis moins de deux ans ; qu'elle n'établit ni même n'allègue être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où elle est retournée dans le cadre d'un stage du 24 septembre 2012 au 12 février 2013 ; qu'elle est célibataire et ne contribue pas à l'entretien de sa fille, qui a été exclusivement prise en charge depuis septembre 2012 par son beau-frère et sa femme en France et ne l'a pas accompagnée au cours de ses séjours en Afrique ; qu'elle n'a pas achevé ses études commencées en France et n'a exécuté que des contrats de missions temporaires en 2011, 2012 et 2015 ; qu'ainsi, dans ces circonstances, eu égard au caractère discontinu de son séjour sur le territoire français, de l'abandon de ses études qui avaient justifié son arrivée en France et de sa faible insertion professionnelle, il n'a pas été porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de MmeA... ; que, dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;
8. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. / (...) " ;
9. Considérant qu'il résulte de ces stipulations, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;
10. Considérant que la décision attaquée n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer l'enfant de son père dont la reconnaissance n'est pas frauduleuse ; que ce dernier contribue effectivement à son entretien et à son éducation depuis septembre 2012 ; que la requérante, qui a résidé hors de France sans sa fille pendant vingt-deux mois entre septembre 2012 et septembre 2014, déclare ne pas être en mesure, compte tenu de son état de santé et de ses faibles revenus, de la prendre en charge ; que l'intérêt supérieur de l'enfant est de rester auprès du parent qui s'en occupe et avec qui elle a noué des liens d'affectation ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
11. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 7 et 10 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 juin 2016 de la préfète de la Seine-Maritime ; que, dès lors, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., au ministre de l'intérieur et à Me C...E....
Copie sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.
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N°17DA00033