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28/09/2017 | FRANCE | N°15DA01651

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3 (bis), 28 septembre 2017, 15DA01651


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 juin 2015 du préfet de l'Oise par lequel il lui a refusé le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé la Turquie comme pays de destination et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant un an à l'expiration du délai de départ volontaire et en cas d'inexécution de la mesure d'éloignement, d'autre pa

rt, d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer une autorisation provisoire d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 juin 2015 du préfet de l'Oise par lequel il lui a refusé le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé la Turquie comme pays de destination et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant un an à l'expiration du délai de départ volontaire et en cas d'inexécution de la mesure d'éloignement, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1502282 du 29 septembre 2015, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 23 juin 2015, a enjoint au préfet de l'Oise de délivrer à M. B...une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de son jugement, dans l'attente du réexamen de sa situation, et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 octobre 2015, le préfet de l'Oise demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M.B....

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (...) " ;

2. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou, si un recours a été formé devant elle, par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'en l'absence d'une telle notification, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire ; qu'en cas de contestation sur ce point, il appartient à l'autorité administrative de justifier que la décision de l'OFPRA a été régulièrement notifiée à l'intéressé, le cas échéant en sollicitant la communication de la copie de l'avis de réception ;

3. Considérant que la demande d'asile M.B..., ressortissant turc entré en France le 10 juin 2014 selon ses déclarations, a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 9 février 2015 ; que l'intéressé n'a pas formé de recours contre cette décision ; que s'il ressort du formulaire de demande d'asile rempli en préfecture par l'intéressé le 19 juin 2014 que l'adresse qu'il avait indiquée était " chez M.D..., 32, rue Alexandre Ribot, 60180 Nogent-sur-Oise ", il ressort en revanche de sa demande d'asile enregistrée par l'OFPRA le 5 août 2014 que l'adresse qu'il avait désignée comme étant celle où il lui était possible de recevoir du courrier était " chez M.F..., 32, rue Alexandre Ribot, 60180 Nogent-sur-Oise " ; que c'est également cette adresse qui apparaît sur l'autorisation provisoire de séjour qui lui a été délivrée, sur la demande d'hébergement en CADA ainsi que sur la convocation par l'OFPRA à un entretien, auquel il s'est rendu ; que, dès lors, l'OFPRA lui a régulièrement notifié à cette dernière adresse, par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, la décision de rejet de sa demande d'asile ;

4. Considérant que si la copie de l'enveloppe postale contenant le pli recommandé expédié à M. B...par l'OFPRA mentionne que le destinataire est inconnu à l'adresse indiquée, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que l'adresse d'expédition était bien celle indiquée par M. B...à l'OFPRA ; que l'intéressé, qui était informé de ce qu'une décision allait être prochainement prise sur sa demande d'asile, n'a signalé aucun changement ou modification de son adresse aux services de l'OFPRA ; qu'il ne justifie ni d'ailleurs n'allègue avoir sollicité des services postaux la réexpédition de son courrier ; que le changement d'adresse qui ressort de la fiche récapitulative du dossier de M. B... sur l'application " TelemOfpra " a été enregistré par les services de l'office le 19 mai 2015, soit postérieurement au rejet de sa demande d'asile et à la notification qui lui a été faite de cette décision ; que, dans ces conditions, les services de l'OFPRA n'étaient pas tenus de transmettre à nouveau à M. B..., qui d'ailleurs n'allègue pas en avoir fait la demande, la décision de rejet de sa demande d'asile, régulièrement notifiée à l'adresse qu'il avait indiquée ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens s'est fondé sur le motif tiré d'une irrégularité dans la notification de la décision de l'OFPRA pour annuler son arrêté du 23 juin 2015 concernant M. B... ; qu'il appartient, toutefois, à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant la juridiction administrative ;

Sur le moyen commun à l'ensemble des décisions attaquées :

6. Considérant que, par un arrêté du 30 mars 2015, publié le même jour au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture, le préfet de l'Oise a donné délégation de signature à M. C... E..., sous-préfet, secrétaire général de la préfecture de l'Oise, à l'effet de signer tout arrêté relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Oise ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte, soulevé à l'encontre de chacune des décisions contenues dans l'arrêté attaqué, doit être écarté ;

Sur le refus de titre de séjour :

7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 5 que M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision de rejet de sa demande d'asile ne lui a pas été régulièrement notifiée ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, dès lors, être écarté ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour en litige est entaché d'illégalité ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 8 que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour pour soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement en litige est entachée d'illégalité ;

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français pendant un an :

11. Considérant qu'aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur version en vigueur à la date de la décision litigieuse : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / (...) / Lorsqu'un délai de départ volontaire a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour, prenant effet à l'expiration du délai, pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. / (...) / L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) " ;

12. Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour et si la décision ne porte pas au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;

13. Considérant que le préfet de l'Oise a retenu, pour interdire à M. B...de revenir sur le territoire français pendant un an s'il ne rejoint pas son pays d'origine à l'issue du délai de départ volontaire de trente jours qui lui a été octroyé, qu'il s'y trouve depuis seulement un an à la date de la décision en litige, qu'il est célibataire et sans charge de famille, qu'il ne se prévaut d'aucune attache personnelle en France et qu'il ne justifie pas d'une intégration notable ; que s'il a également relevé que M. B...n'avait fait l'objet d'aucune mesure d'éloignement et ne constituait pas une menace pour l'ordre public, il n'a pas pour autant entaché sa décision d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que les éléments de la situation personnelle du requérant permettaient à eux seuls de justifier une telle interdiction, limitée à un an, et que cette mesure, qui ne revêt pas le caractère d'une sanction, n'est pas conditionnée par l'existence d'une menace pour l'ordre public ou l'inexécution de précédentes mesures d'éloignement, qui sont deux des éléments d'appréciation qu'il est loisible au préfet de prendre en compte ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Oise a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation doit être écarté ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction qui lui est faite de revenir sur le territoire français pendant un an est entachée d'illégalité ;

Sur la décision fixant la pays de destination :

15. Considérant que si la motivation de fait de la décision fixant le pays de destination ne se confond pas nécessairement avec celle obligeant l'étranger à quitter le territoire français, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel est mentionné dans la décision attaquée ; que, par ailleurs, le préfet de l'Oise a suffisamment motivé sa décision en fait en mentionnant que M.B..., qui a été débouté de sa demande d'asile, ne justifie pas de motifs sérieux et avérés de croire que sa vie ou sa liberté seraient menacées en Turquie ou qu'il y serait exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision doit être écarté ;

16. Considérant qu'il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier que M. B...serait exposé, en raison de son engagement politique au sein du parti communiste marxiste-léniniste de Turquie (MLKP) et de sa participation alléguée aux évènements du parc Gezi à des risques de persécution, d'arrestation et de détention en cas de retour en Turquie ; que, notamment, il n'apporte aucune preuve de l'existence même du mandat d'amener dont il ferait l'objet et des faits qui seraient à l'origine de cette procédure judiciaire ; que, d'ailleurs, l'OFPRA a rejeté sa demande d'asile en relevant notamment que son récit était lacunaire, imprécis et confus ; que l'intéressé n'apporte aucun autre élément permettant d'établir qu'il serait exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Turquie ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de ces stipulations et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés ;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination d'un éventuel éloignement forcé est entachée d'illégalité ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé son arrêté du 23 juin 2015 ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 29 septembre 2015 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : La demande de M. B...est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Oise.

N°15DA01651 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 15DA01651
Date de la décision : 28/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: Mme Amélie Fort-Besnard
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : CECEN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-09-28;15da01651 ?
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