Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 1er décembre 2009 de la commission départementale d'aménagement foncier de l'Eure lui attribuant la parcelle ZD 14 d'une surface de 1 hectare, 29 ares et 19 centiares, située au lieu-dit La Couture d'Inde.
Par un jugement n° 1001038 du 11 octobre 2012, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 12DA01748 du 7 août 2013, la cour administrative d'appel de Douai a annulé ce jugement et la décision du 1er décembre 2009 de la commission départementale d'aménagement foncier de l'Eure.
Par une décision n° 372934 du 22 juillet 2015, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre chargé de l'agriculture, a annulé l'arrêt du 7 août 2013 de la cour administrative d'appel de Douai et lui a renvoyé l'affaire.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 décembre 2015, M.A..., représenté par Me C... D... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 11 octobre 2012, le tribunal administratif de Rouen ;
2°) d'annuler la décision du 1er décembre 2009 de la commission départementale d'aménagement foncier de l'Eure ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une omission à statuer ;
- la commission départementale d'aménagement foncier était irrégulièrement composée ;
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 123-1 du code rural et de la pêche maritime ;
- il existe un grave déséquilibre dans les conditions d'exploitation de son compte, tant en ce qui concerne la classe des terres et des prairies attribuées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2017, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me C...D...représentant M.A....
1. Considérant que, par décision du 1er décembre 2009, dans le cadre des opérations de remembrement de la commune de Piencourt, la commission départementale d'aménagement foncier (CDAF) de l'Eure a attribué à M. A...la parcelle ZD 14 d'une surface de 1 hectare, 29 ares et 19 centiares, située au lieu-dit La Couture d'Inde ; que, par un jugement du 11 octobre 2012, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de M. A...tendant à l'annulation de cette décision ; que, par une décision du 22 juillet 2015, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé, pour erreur de droit l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 7 août 2013 annulant ce jugement et lui a renvoyé l'affaire pour y statuer à nouveau ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...avait soulevé devant le tribunal administratif de Rouen le moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de l'absence d'équivalence des prairies attribuées ; que le tribunal a omis de répondre à ce moyen pour se prononcer sur les conclusions dirigées contre la décision du 1er décembre 2009 de la CDAF de l'Eure ; que, par suite, le jugement, qui comporte sur ce point une irrégularité, doit être annulé ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement à ce titre sur les conclusions d'annulation de la décision du 1er décembre 2009 de la commission départementale d'aménagement foncier de l'Eure devant le tribunal administratif de Rouen ;
Sur les conclusions d'annulation :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-8 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " La commission départementale d'aménagement foncier est ainsi composée : 1° Un commissaire enquêteur désigné par le président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel la commission a son siège, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, président ; 2° Quatre conseillers généraux et deux maires de communes rurales ; 3° Six personnes qualifiées désignées par le président du conseil général ;4° Le président de la chambre d'agriculture ou son représentant désigné parmi les membres de la chambre d'agriculture ; 5° Les présidents ou leurs représentants de la fédération ou de l'union départementale des syndicats d'exploitants agricoles et de l'organisation syndicale départementale des jeunes exploitants agricoles les plus représentatives au niveau national ; 6° Les représentants des organisations syndicales d'exploitants agricoles représentatives au niveau départemental ;7° Le président de la chambre départementale des notaires ou son représentant ; 8° Deux propriétaires bailleurs, deux propriétaires exploitants, deux exploitants preneurs, désignés par le préfet, sur trois listes comprenant chacun six noms, établies par la chambre d'agriculture ; 9° Deux représentants d'associations agréées en matière de faune, de flore et de protection de la nature et des paysages désignés par le président du conseil général. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 121-10 du même code, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " (...) La commission départementale d'aménagement foncier ne peut valablement délibérer que si son président ou son président suppléant et la majorité de ses membres, dont un représentant des propriétaires bailleurs, un représentant des propriétaires exploitants, un représentant des preneurs (...) sont présents (...) " ;
5. Considérant, d'une part, qu'il ressort du procès-verbal de la réunion du 1er décembre 2009 de la commission départementale d'aménagement foncier de l'Eure, que la décision contestée été prise dans le respect des dispositions de l'article R. 121-10 précité relatives au quorum ; que, d'autre part, cette décision a été prise en présence du commissaire enquêteur, président de cette commission et de trois conseillers généraux ; que l'absence de l'un d'entre eux ainsi que celle des trois représentants d'associations agréées en matière de faune, de flore et de protection de la nature et des paysages n'est pas de nature à entacher la procédure d'une irrégularité dès lors que les dispositions des articles L. 121-8 et R 121-10 du code rural et de la pêche maritime n'imposaient que la seule présence obligatoire des membres présents et celle des propriétaires bailleurs, des propriétaires exploitants et des exploitants preneurs ; que si M. A...soutient que les représentants des associations agréées en matière de faune, de flore et de protection de la nature et des paysages n'auraient pas été convoqués, il n'amène aucun élément au soutien de cette allégation ; que par suite, le moyen tiré de la composition irrégulière de la commission départementale d'aménagement foncier doit être écarté ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction alors applicable : " L'aménagement foncier agricole et forestier, applicable aux propriétés rurales non bâties, se fait au moyen d'une nouvelle distribution des parcelles morcelées et dispersées. / Il a principalement pour but, par la constitution d'exploitations rurales d'un seul tenant ou à grandes parcelles bien groupées, d'améliorer l'exploitation agricole des biens qui y sont soumis.(...) Sauf accord des propriétaires et exploitants intéressés, le nouveau lotissement ne peut allonger la distance moyenne des terres au centre d'exploitation principale, si ce n'est dans la mesure nécessaire au regroupement parcellaire " ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le compte 17 appartenant en communauté aux épouxA..., qui comprenait initialement onze parcelles, réparties en deux îlots, est constitué, après les opérations de remembrement, de seulement trois parcelles réparties en trois îlots ; que l'éloignement de la parcelle ZD 14 doit être apprécié par rapport au centre de l'exploitation de M. A...et non par rapport aux autres parcelles qu'il exploite ; qu'il ressort aussi des pièces du dossier que le coefficient d'éloignement du centre de l'exploitation de M.A..., par rapport à ses différentes parcelles a été fortement réduit, passant de 1,116 km/ha, avant remembrement, à 0,571 km /ha, après remembrement ; que, dès lors, le moyen tiré de l'aggravation de ses conditions d'exploitation doit être écarté ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-4 du code rural et de la pêche maritime : " Chaque propriétaire doit recevoir, par la nouvelle distribution, une superficie globale équivalente, en valeur de productivité réelle, à celle des terrains qu'il a apportés, déduction faite de la surface nécessaire aux ouvrages collectifs mentionnés à l'article L. 123-8 et compte tenu des servitudes maintenues ou créées (...) " ;
9. Considérant, d'une part, que les commissions d'aménagement foncier sont seulement tenues d'attribuer des lots équivalents en valeur de productivité réelle aux apports de chaque propriétaire après déduction de la surface nécessaire aux ouvrages collectifs ; qu'il ressort du procès-verbal du compte de propriété que le requérant a reçu 10 hectares, 92 ares et 05 centiares, valant 99 696 points, en échange d'apports réduits de 10 hectares, 80 ares et 29 centiares, d'une valeur de 100 408 points ; que l'écart de valeur de 0,7 % des terres attribuées par la décision contestée n'est ainsi pas tel qu'il doive être regardé comme ne satisfaisant pas à la règle d'équivalence posée par l'article L. 123-4 du code rural ;
10. Considérant, d'autre part, que si M. A...fait valoir, en se fondant sur un rapport d'expertise non contradictoire, que son compte de propriété, après remembrement, a subi un déficit de 12 % des terres de classe 1 et 2, il ressort toutefois des pièces du dossier que cette diminution a été compensée par l'attribution de terres classées T3 ainsi que par une attribution minorée par rapport à ses apports de terres classées en T4, T5 et T6 ; que si, par ailleurs, le requérant fait valoir que son compte de propriété a subi une baisse de ses attributions en prairies de classe 2 et une augmentation d'attributions de prairies de classe 4, il ressort aussi des pièces du dossier que ces différences ont été compensées par des attributions de prairies de classe 1 et 3 ; qu'ainsi, M. A...n'est pas fondé à soutenir que les opérations de remembrement ont apporté un grave déséquilibre dans les conditions d'exploitation du compte de propriété de la communauté des épouxA... ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 1er décembre 2009 de la commission départementale d'aménagement foncier de l'Eure ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 11 octobre 2012 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Délibéré après l'audience publique du 7 décembre 2017 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- Mme Valérie Petit, président-assesseur,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.
Lu en audience publique le 21 décembre 2017.
Le rapporteur,
Signé : J.-J. GAUTHÉ Le président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINI Le greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°15DA01332
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