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21/12/2017 | FRANCE | N°16DA00102

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3 (bis), 21 décembre 2017, 16DA00102


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat à lui verser la somme de 41 809,66 euros en réparation des préjudices matériel et moral subis depuis la date de sa première demande tendant à ce qu'il lui soit adressé, en vue de la constitution de ses droits à pension de retraite, une proposition de contribution de rachat de ses activités antérieures exercées avant son intégration dans la magistrature.

Par un jugement n° 1204663 du 24 novembre 2015, le tribunal admini

stratif de Lille a condamné l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros en réparat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat à lui verser la somme de 41 809,66 euros en réparation des préjudices matériel et moral subis depuis la date de sa première demande tendant à ce qu'il lui soit adressé, en vue de la constitution de ses droits à pension de retraite, une proposition de contribution de rachat de ses activités antérieures exercées avant son intégration dans la magistrature.

Par un jugement n° 1204663 du 24 novembre 2015, le tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 janvier 2016, M.D..., représenté par Me B... C..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 24 novembre 2015 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a limité son indemnisation à la somme de 2 000 euros ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 41 809,66 euros en réparation des préjudices subis ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de lui verser cette somme dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son préjudice moral et ses troubles dans les conditions d'existence doivent être réparés à hauteur de 5 000 euros ;

- les retenues annuelles sur traitement auraient dû être fixées à la somme de 14 595 euros à compter des revenus au titre de l'année 2002, entrainant une incidence fiscale ; le II de l'article 156 du code général des impôts dispose que les versements effectués à titre de cotisation de sécurité sociale sont une charge à déduire du revenu net lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories ; que l'article 83 du même code précise également que le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées les cotisations de sécurité sociale, y compris les cotisation d'assurance vieillesse versées en exercice des facultés de rachat.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2017, la ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la requête est dépourvue de moyens et, par suite, irrecevable ;

- subsidiairement, les moyens qui pourraient être regardés comme soulevés par la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 9 octobre 2017, M. D...conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que sa requête d'appel est recevable.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

- la loi organique n° 91-358 du 15 avril 1991 ;

- la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 ;

- le code général des impôts ;

- le décret n° 97-874 du 24 septembre 1997 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me E...C..., représentant M.D....

1. Considérant que M. D...a été intégré dans la magistrature en 1991, par la voie d'un concours exceptionnel de recrutement, et a été nommé par décret du 11 juin 1992 ; qu'il a exercé, antérieurement à cette intégration, des fonctions de gérant d'une SARL et de juge consulaire ; qu'il a demandé, le 16 juillet 2001, afin de bénéficier, en vue de la constitution de ses droits à pension de retraite, des dispositions de l'article 25-4 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, rendues applicable aux magistrats recrutés par la voie d'un concours exceptionnel par la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001, que lui soit indiqué le montant de la contribution de rachat de ses activités antérieures; qu'il a réitéré cette demande en 2008 ; que, par une décision du 22 juin 2009, le Conseil d'Etat a annulé une première décision ministérielle de refus en date du 26 février 2008, laquelle avait subordonné, à tort, l'application du dispositif de rachat des activités antérieures à la publication d'un décret distinct de celui déjà en vigueur ; que, par une décision du 30 décembre 2011, le Conseil d'Etat a également annulé une seconde décision ministérielle du 23 avril 2009 notifiant à M. D...une proposition de contribution de rachat calculée, à tort, d'après un taux appliqué à la valeur nominale du traitement indiciaire afférent au grade et à l'échelon que M. D...détenait à la date d'entrée en vigueur de la loi organique du 25 juin 2001, et non à celle du traitement afférent au grade et à l'échelon dans lesquels il a été classé à la date de son intégration dans la magistrature ; que la contribution de rachat de ses activités antérieures n'a commencé à être prélevée, sous la forme de retenues mensuelles sur sa pension de retraite, qu'à compter du mois de septembre 2011 pour un montant définitivement fixé le 31 janvier 2012, à 145 952,21 euros ; que M. D...relève appel du jugement du 24 novembre 2015 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a limité à la somme de 2 000 euros l'indemnisation de son préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence et a rejeté le surplus de sa demande tendant à la réparation du préjudice financier qu'il estime avoir subi depuis la date de sa première demande de mise en oeuvre des dispositions de l'article 25-4 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 en raison de l'action fautive de l'Etat ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la justice :

2. Considérant que la requête d'appel de M. D...comporte des moyens ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la justice doit être écarté ;

Sur les conclusions indemnitaires :

3. Considérant que l'Etat ne conteste pas l'engagement de sa responsabilité en raison de la faute commise par l'administration en répondant tardivement, de manière définitive, le 31 janvier 2012, à la demande de mise en oeuvre des dispositions de l'article 25-4 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 formulée pour la première fois par M. D...le 16 juillet 2001, et de celles tenant à l'illégalité des décisions ministérielles du 26 février 2008 et 23 avril 2009, visées au point 1 ;

En ce qui concerne le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M.D..., alors qu'il avait atteint en 2010 l'âge légal de départ à la retraite, a été contraint, dans l'attente de la fixation de ses droits définitifs à pension, de différer son départ à la retraite de dix-neuf mois, en raison des fautes commises par l'administration dans la gestion de sa demande de rachat d'activités antérieures ; qu'il a dû saisir à deux reprises la juridiction administrative pour voir ses droits reconnus ; que, dans ces conditions, les fautes commises par l'administration ont causé au requérant un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence ; qu'en fixant à 2 000 euros le montant de ce préjudice, les premiers juges en ont fait une insuffisante évaluation ; que, dans ces conditions, il en sera fait une juste réparation en portant cette somme à celle de 5 000 euros demandée par le requérant ;

En ce qui concerne le préjudice financier :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du décret du 24 septembre 1997 : " La contribution calculée dans les conditions fixées par les deux premiers alinéas de l'article précédent est payée sous forme de retenues sur le traitement en versements mensuels égaux au sixième de la somme qui est due pour le rachat d'une année. Toutefois, le paiement de la contribution est effectué en quatre-vingts mensualités lorsque la période rachetée excède cinq ans sans dépasser dix ans, et en cent vingt mensualités lorsque cette période est supérieure à dix ans. " ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l'article 6, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent, sous déduction : II. Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : (...) / 4° Versements effectués à titre de cotisations de sécurité sociale, à l'exception de ceux effectués pour les gens de maison ; " ; que l'article 83 du même code, relatif à l'imposition des traitements, salaires, pension et rentes viagères dispose que : " Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés :1° Les cotisations de sécurité sociale, y compris : a) Les cotisations d'assurance vieillesse versées en exercice des facultés de rachat prévues aux articles L. 351-14-1 du code de la sécurité sociale, L. 9 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite, ainsi que celles prévues par des dispositions réglementaires ayant le même objet prises sur le fondement de l'article L. 711-1 du code de la sécurité sociale ;(...) " ;

7. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 156 du code général des impôts précité que les dépenses énumérées au II ne sont déductibles du revenu global du contribuable qu'à la condition qu'elles ne puissent pas être prises en compte pour les différentes catégories de revenus ; qu'il résulte de l'instruction et notamment de la lettre du 16 mai 2012 émanant de l'administration fiscale, que celle-ci estime que les retenues effectuées mensuellement sur la pension de M. D...ne doivent pas être intégrées dans le montant imposable des traitements et pensions ; que dès lors, la retenue effectuée au titre de la contribution pour le rachat des activités professionnelles, est au nombre des cotisations de sécurité sociale dont l'article 83-1° prévoit la déduction du montant brut des traitements et salaires perçus au cours de la même année ; que M. D...est fondé à soutenir que le montant net de ses revenus aurait dû être déterminé, dès 2001, en déduisant chaque année la somme de 14 595 euros, correspondant au montant annuel des retenues afférentes au rachat des activités professionnelles antérieures ;

8. Considérant, toutefois, que les retenues pour rachat ont été prélevées à compter de septembre 2011, sur sa pension de retraite ; que ces prélèvements ont conduit à une diminution de son revenu imposable à compter de cette date ; que l'incidence fiscale de ces prélèvements, dont le nombre total prévu est de 120, n'a pas pris fin à la date du présent arrêt ; que, dans ces conditions, le préjudice allégué par M.D..., lequel ne prend en compte que la période comprise entre 2001 et 2012, n'est pas certain ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a limité l'indemnisation de son préjudice moral et ses troubles dans les conditions d'existence ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant qu'aux termes du I de l'article 1er de la loi du 16 juillet 1980 reproduit à l'article L. 911-9 du code de justice administrative : " Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné l'Etat au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice. (...) " ; que, dès lors que la disposition législative précitée permet à M.D..., en cas d'inexécution de la présente décision dans le délai prescrit, d'obtenir le mandatement d'office de la somme que l'Etat est condamné à lui verser par cette même décision, il n'y a pas lieu de faire droit à ses conclusions aux fins d'injonction ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, le versement à M. D...d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que le tribunal a condamné l'Etat à verser à M. D...en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence est portée à 5 000 euros.

Article 2 : Le jugement du 24 novembre 2015 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. D...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. D...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience publique du 7 décembre 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- Mme Valérie Petit, président-assesseur,

- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.

Lu en audience publique le 21 décembre 2017.

Le rapporteur,

Signé : V. PETIT

Le président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINI Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°16DA00102

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 16DA00102
Date de la décision : 21/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07-02-005 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Statuts spéciaux. Magistrats (voir : Juridictions administratives et judiciaires).


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: Mme Valérie Petit
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SCP CATTOIR ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-12-21;16da00102 ?
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