Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Constructions Industrielles de la Méditerranée (CNIM) a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la communauté d'agglomération de Lens-Liévin à lui verser la somme de 668 450,97 euros, augmentée des intérêts à compter du 3 décembre 2003, eux-mêmes capitalisés, en réparation du préjudice que lui a causé le préfinancement des travaux de confortation des fours de l'usine d'incinération d'ordures ménagères de Noyelles-sous-Lens ou, à titre subsidiaire, de condamner les participants aux travaux publics ayant causé les désordres ayant nécessité ces travaux.
Par un jugement n° 1400203 du 7 mars 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 avril 2017 et un mémoire enregistré le 9 février 2018, la société Constructions Industrielles de la Méditerranée (CNIM), représentée par Me A... E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 7 mars 2017 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la communauté d'agglomération de Lens- Liévin ;
2°) de condamner la communauté d'agglomération de Lens-Liévin à lui verser la somme de 668 450,97 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2003, ces intérêts étant capitalisés au 3 décembre 2004 et à chaque échéance annuelle suivante ;
3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
-les observations de Me D...H..., représentant la société Constructions industrielles de la Méditerrannée,
- et les observations de Me C...G..., représentant la communauté d'agglomération de Lens-Liévin.
Une note en délibéré, présentée par Me F...B...pour la Communauté d'Agglomération de Lens Liévin, a été enregistrée le 6 juin 2018.
Une note en délibéré, présentée par Me A...E...pour la CNIM, a été enregistrée le 6 juin 2018.
Considérant ce qui suit :
1. Le district de l'agglomération de Lens-Liévin a confié par un marché de services à la société Valnor l'exploitation de l'usine d'incinération d'ordures ménagères de Noyelles-sous-Lens, pour une durée de 5 années à compter du 1er janvier 1998. Par un marché de maîtrise d'oeuvre du 28 septembre 1998, ce district a confié à un groupement constitué des sociétés Groupe Seca, mandataire, et Cadet International, une mission de rédaction du dossier de consultation des entreprises, d'assistance à la passation du marché, de suivi et de réception des travaux en vue de la mise aux normes et de la réhabilitation de cette usine d'incinération. A la suite d'une procédure d'appel d'offres sur performances, le district a confié, par marché notifié le 27 janvier 1999, au groupement constitué des sociétés Alstom Energy Systems, mandataire, Génie Civil de Lens et Charles Delfante, la réalisation de ces travaux de réhabilitation. La société Alstom Energy Systems a conclu un marché de sous-traitance avec la société CTP Thermique pour la réalisation de ces prestations. Par un marché du 22 décembre 1999, le groupement constitué des sociétés Groupe Seca et Cadet International s'est vu confier une mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage pour le suivi des garanties des travaux de réhabilitation et de l'exploitation de l'usine d'incinération. Les travaux de réhabilitation des deux lignes principales d'incinération n° 1 et n° 2 ont été réceptionnés sans réserve le 2 mai 2000. Le 21 juin 2001, un sinistre est survenu sur le four n° 2 et a entraîné son arrêt. Un début de décollement du béton réfractaire sous la tour de refroidissement du four n° 1 a également été constaté en septembre 2001. Le président du tribunal administratif de Lille a désigné, par ordonnance du 25 octobre 2001, un expert en le chargeant de décrire les désordres, d'en déterminer les causes et d'indiquer la nature et le coût des travaux de nature à y remédier. L'expert a remis son rapport le 12 juillet 2004. Durant les opérations d'expertise, la société CTP Thermique a été chargée par la société Alstom Energy Systems de procéder, aux frais de cette dernière, à la confortation des fours de l'usine d'incinération. Par un jugement du 20 avril 2010, le tribunal administratif de Lille a rejeté la requête indemnitaire de la communauté d'agglomération de Lens Liévin -venant aux droits du district- dirigée contre la société Valnor et les constructeurs ainsi que les conclusions reconventionnelles et l'appel en garantie formée par la société CNIM Environnement, venant aux droits de la société Alstom Energy Systems. Par un arrêt du 30 décembre 2011, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Douai a ensuite annulé partiellement ce jugement du 20 avril 2010. Elle a estimé que la société Valnor était responsable, à hauteur de 50 %, des dommages subis par la communauté d'agglomération de Lens Liévin, le maître d'ouvrage étant lui-même, à hauteur de 50 %, responsable des dommages. Elle a toutefois jugé que les préjudices invoqués par la communauté d'agglomération n'étaient pas établis. Par ailleurs, elle a rejeté pour irrecevabilité, comme relevant d'un litige distinct, l'appel incident de la société CNIM environnement tendant au remboursement des frais exposés, pendant les opérations d'expertise, pour les travaux de confortation des fours. La société CNIM, venant aux droits et obligations de la société CNIM Environnement, a alors saisi à nouveau le tribunal administratif de Lille afin d'obtenir la condamnation de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin au remboursement des sommes réglées pour la confortation des fours ou, subsidiairement, la condamnation des participants aux travaux publics ayant causé les désordres ayant nécessité ces travaux. Par un jugement du 7 mars 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande, en estimant notamment que la société CNIM ne pouvait invoquer la responsabilité quasi-contractuelle de la communauté d'agglomération, dès lors qu'elle avait " pris en charge ces travaux sur le fondement d'un mandat tacite conféré par l'établissement public de coopération intercommunale ". La société CNIM fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la communauté d'agglomération.
Sur l'exception de prescription quadriennale opposée par la communauté d'agglomération de Lens-Liévin :
2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 susvisée : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserves des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Selon l'article 2 de cette loi : " La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement./ Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance.... ".
3. Si le paiement des travaux confortatifs réalisés par la société CTP Thermique a été effectué par la société CNIM environnement en 2003, les conclusions reconventionnelles qu'elle a présentées en 2007 devant le tribunal administratif de Lille, qui tendaient au remboursement de la somme en cause, ont interrompu la prescription quadriennale, alors même qu'elles ont été estimées irrecevables par le tribunal administratif. De même, l'appel incident présenté devant la cour, en 2010, a une nouvelle fois interrompu la prescription, quand bien même il a été jugé irrecevable au motif qu'il relevait d'un litige distinct. La société CNIM, venant aux droits de la société CNIM environnement a ensuite saisi le tribunal administratif de Lille le 14 janvier 2014, soit avant l'expiration du délai prévu par les dispositions précitées.
4. Il résulte de ce qui précède que l'exception de prescription quadriennale opposée par la communauté de communes de Lens-Liévin doit être écartée.
Sur la responsabilité quasi-contractuelle de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin :
5. Il résulte de l'instruction que la société CNIM Environnement a réglé, en 2003, pendant les opérations d'expertise, des sommes nécessaires à la confortation des fours d'incinération. Contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, elle ne peut être regardée comme ayant agi, ce faisant, en qualité de mandataire de la communauté d'agglomération, dès lors que le paiement n'a pas affecté le budget de cet établissement public de coopération intercommunale. Ces dépenses ont été utiles à la communauté d'agglomération, maître d'ouvrage de ces installations. Il résulte en outre de l'arrêt de la cour du 31 décembre 2011 que la société CNIM, qui vient aux droits de la société CNIM Environnement, n'est pas responsable des désordres. Par suite, et quelles que soient les raisons pour lesquelles elle a accepté, en 2003, de " préfinancer " les travaux nécessaires, la société CNIM est fondée à soutenir que la responsabilité de la communauté d'agglomération est engagée sur le terrain de l'enrichissement sans cause. Il appartient dès lors à celle-ci, le cas échéant, de se retourner contre l'auteur des dommages pour obtenir, à son tour, le remboursement d'une partie de la somme correspondant aux dépenses utiles exposées en 2003 par la société CNIM Environnement.
6. Les factures et pièces présentées par la société CNIM établissent suffisamment la réalité du paiement, en 2003, d'une somme totale de 668 450,97 euros, au titre de dépenses nécessaires à la confortation des fours, ces dépenses incluant la rémunération de l'entreprise sous-traitante chargée d'effectuer les travaux ainsi que le coût du suivi de ces travaux.
7. La société CNIM est ainsi fondée à demander la condamnation de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin à lui verser la somme de 668 450,97 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2006, date à laquelle elle a présenté devant le tribunal administratif des conclusions reconventionnelles en ce sens.
8. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée par la société CNIM le 14 janvier 2014. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 31 janvier 2007, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société CNIM est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin le versement à la société CNIM de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées au titre de ces mêmes dispositions par la communauté d'agglomération de Lens-Liévin ne peuvent, en revanche, qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 7 mars 2017 est annulé.
Article 2 : La communauté d'agglomération de Lens-Liévin est condamnée à verser à la société CNIM la somme de 668 450,97 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2006 et de la capitalisation des intérêts à compter du 31 janvier 2007.
Article 3 : La communauté d'agglomération de Lens-Liévin versera à la société CNIM la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Constructions industrielles de la Méditerranée et à la communauté d'agglomération de Lens-Liévin.
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N°17DA00704