Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 octobre 2017 de la préfète de la Seine-Maritime en tant qu'il a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 1703389 du 6 février 2018, le tribunal administratif de Rouen a prononcé l'annulation demandée.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 février 2018 et le 18 avril 2018, la préfète de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 6 février 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant ce tribunal.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu, au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur les conclusions d'appel présentées par la préfète de la Seine-Maritime :
1. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date à laquelle l'arrêté du 16 octobre 2017 en litige a été pris : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur départemental de la santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".
2. Si l'autorité préfectorale n'est pas liée par l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, il lui appartient néanmoins, lorsque ce médecin a estimé que l'état de santé du ressortissant étranger concerné nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans le pays dont il est originaire, de justifier devant le juge de l'excès de pouvoir des éléments qui l'ont conduite à s'écarter de cet avis médical.
3. Il ressort des pièces du dossier, notamment d'un certificat médical établi le 30 novembre 2016 par le docteur Olari, praticien hospitalier exerçant au pôle de psychiatrie du centre hospitalier du Rouvray, que M. A..., ressortissant nigérian né le 10 octobre 1994 et qui indique être entré en France au cours du mois de novembre 2015, est suivi médicalement depuis le 5 mars 2016 dans cet établissement à raison d'un état de stress post-traumatique associé à un syndrome dépressif et à des symptomes psychotiques, et que ces troubles ont tendance à s'aggraver et à évoluer vers l'apparition d'une pathologie chronique. Ce document précise que cet état rend nécessaire des soins et un suivi spécialisé dont le défaut pourrait entraîner pour l'intéressé, qui présente notamment un risque suicidaire et des troubles du jugement, des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce que la préfète de la Seine-Maritime ne conteste d'ailleurs pas. Il ressort, en outre, des pièces du dossier et notamment des nombreuses ordonnances produites que la prise en charge de ces troubles a justifié la prescription d'un traitement médicamenteux, composé en dernier lieu de quetiapine, de Valium, d'hydroxyzine, de paroxetine, de Norset et de venlafaxine. Le 26 décembre 2016, le médecin de l'agence régionale de santé de Normandie a émis un avis confirmant que l'état de santé de M. A... rendait nécessaire une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et énonçant en outre qu'il n'existait pas de traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé pour sa prise en charge médicale, laquelle devait être poursuive pendant une durée supérieure à deux années. Pour refuser néanmoins, par l'arrêté du 16 octobre 2017 en litige, la délivrance d'un titre de séjour pour raison médicale à M. A..., la préfète de la Seine-Maritime, en s'écartant de cet avis, a estimé que la pathologie dont souffre l'intéressé pourrait être prise en charge médicalement au Nigeria, où existerait une offre de soins adaptée aux pathologies psychiatriques et où des traitements appropriés seraient disponibles.
4. Pour justifier du bien-fondé de sa décision, la préfète de la Seine-Maritime se réfère, d'une part, aux éléments d'information publiés sur Internet, notamment par l'association des psychiatres du Nigeria, qui révèlent qu'une prise en charge spécialisée dans de nombreux établissements hospitaliers y est disponible et qu'une politique volontariste visant à développer cette prise en charge y est mise en oeuvre depuis 1991, même si le pays manque de psychiatres au regard de l'importance de sa population. La préfète se prévaut, d'autre part, de la liste des médicaments essentiels établie par le ministère de la santé de la République fédérale du Nigeria, qui est disponible sur Internet et qui révèle que plusieurs principes actifs appartenant aux antipsychotiques, aux anxiolytiques et aux antidépresseurs y sont disponibles.
5. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les principes actifs entrant dans la composition d'au moins deux des médicaments prescrits à M.A..., en l'occurrence la quetiapine et le chlorydrate d'hydroxyzine, ne sont pas mentionnés sur la liste à laquelle se réfère la préfète de la Seine-Maritime et doivent, par suite, être regardés comme étant indisponibles dans le pays en cause. Dès lors et en l'absence de tout autre élément de preuve contraire, s'agissant notamment des possibilités de substitution par d'autres substances, il n'est pas établi que la stabilité de l'état de santé de l'intéressé pourrait y être assurée. C'est, par suite, à bon droit que les premiers juges ont estimé que la préfète de la Seine-Maritime avait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et ont annulé, pour ce motif, cette décision, ainsi que, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français prise sur son fondement.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Seine-Maritime n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 6 février 2018, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 16 octobre 2017. Il suit de là que sa requête doit être rejetée comme mal fondée, sans que, dans ces conditions, l'examen de la fin de non recevoir opposée en défense ne soit nécessaire.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Le présent arrêt, qui rejette la requête d'appel formée par la préfète de la Seine-Maritime, n'appelle, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Il suit de là que les conclusions à fin d'injonction présentées en cause d'appel par M.A..., ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., son avocate, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la préfète de la Seine-Maritime est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Hélène Veyrières, avocate de M.A..., la somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. C...A...et à Me B....
Copie en sera transmise, pour information, à la préfète de la Seine-Maritime.
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N°18DA00449