Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure:
Mme D...E...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir les deux arrêtés du 6 avril 2018 par lequel le préfet du Nord lui a enjoint de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 1802964 du 13 avril 2018 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 juin 2018, MmeE..., représentée par Me F... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 6 avril 2018 ;
3°) d'interdire toute expulsion ou transfert la concernant vers le Cameroun ou tout autre pays ;
4°) d'enjoindre à l'administration de lui restituer son passeport dans un délai de 48 heures à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour son conseil de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 79-597 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeE..., ressortissante camerounaise née le 25 juillet 1972, est entrée en France en novembre 2015 sous couvert d'un visa délivré à Douala, au Cameroun, par les autorités consulaires italiennes, valable du 3 novembre 2015 au 17 décembre 2015. Par un arrêté du 6 avril 2018, le préfet du Nord lui a enjoint de quitter le territoire français, l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office. Mme E...relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le jugement du 13 avril 2018 rejette, au point 20, la demande de restitution du passeport de l'intéressée. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement pour omission de réponse à cette conclusion doit, dès lors, être écarté.
Sur le moyen commun aux décisions attaquées :
3. Eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. Par un arrêté du 19 mars 2018, publié le même jour au recueil spécial n° 64 des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Nord a donné délégation à M. B...A..., attaché d'administration de l'Etat, signataire de l'arrêté en litige, à l'effet de signer, notamment, les décisions attaquées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions contestées doit être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
4. Aux termes des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) ".
5. Mme E...qui s'est maintenue sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa entre dès lors dans le champ de ces dispositions, sans qu'elle puisse sérieusement soutenir que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en ne caractérisant pas les risques de fuite.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme E...fait valoir des liens familiaux qu'elle entretient avec ses frères et soeurs résidant en France, que ses parents sont décédés et qu'elle n'a aucune attache familiale ni personnelle dans son pays d'origine. Toutefois, Mme E...est entrée en France en novembre 2015, qu'elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire sans demander un titre de séjour alors que son visa a expiré, qu'elle est célibataire et sans enfant à charge et qu'elle a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de quarante-trois ans. Par les attestations et les pièces d'état civil probantes, l'intéressée n'établit pas entretenir des liens familiaux intenses avec ses frères et soeurs. Il ressort de ses déclarations lors de son audition du 6 avril 2018 par les services de police, qu'elle a bénéficié de soins et qu'il ne lui est plus nécessaire d'en bénéficier de nouveau. Sa participation régulière à des cours de français, à la messe et auprès de l'association ANGUE ne permettent pas de justifier qu'elle a établi des liens particuliers avec le territoire français. Eu égard à ses conditions de séjour et des circonstances de l'espèce, Mme E...n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Nord, en l'obligeant à quitter le territoire français, aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entaché la décision attaquée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.
8. La décision d'obligation de quitter le territoire français n'a pas par elle-même pour objet de fixer le pays de destination duquel l'intéressée pourrait être reconduite d'office, lequel pays est déterminé par une décision distincte. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant.
9. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doivent être rejetées.
Sur le pays de destination :
10. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
11. Mme E...ne produit aucun élément probant de nature à établir la réalité des risques personnels, directs et actuels qu'elle encourt en cas de retour dans son pays d'origine. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
12. Le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut pas être utilement invoqué à l'encontre d'une décision qui a pour seul objet de fixer le pays de destination de la mesure d'éloignement.
13. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de Mme E...tendant à l'annulation de la décision du préfet du Nord fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement doivent être rejetées
Sur l'assignation à résidence :
14. La décision ordonnant l'assignation à résidence de Mme E...vise, notamment, les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que l'intéressée est assignée à résidence chez sa soeur dès lors que le préfet du Nord a pris à son encontre une décision l'obligeant à quitter le territoire français, qu'elle présente des garanties de représentation propres à établir le risque qu'elle se soustraie à l'obligation dont elle fait l'objet. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut de motivation de la décision doivent être écartés.
15. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision assignant Mme E...à résidence chez sa soeur pour une durée maximale de quarante-cinq jours et l'obligeant à se présenter chaque jour au commissariat constitue une mesure injustifiée et disproportionnée en vue de l'exécution de la décision l'obligeant à quitter le territoire français. Elle n'établit pas non plus par les pièces versées au dossier que son état de santé serait incompatible avec le pointage journalier au commissariat, ni que cette mesure porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
16. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 5 à 15, il convient d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision portant retrait du passeport :
17. Aux termes de l'article L. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente, les services de police et les unités de gendarmerie sont habilités à retenir le passeport ou le document de voyage des personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière. Ils leur remettent en échange un récépissé valant justification de leur identité et sur lequel sont mentionnées la date de retenue et les modalités de restitution du document retenu ". Aux termes de l'article R. 611-41-1 du même code : " L'autorité administrative habilitée à retenir le passeport ou le document de voyage d'un étranger en situation irrégulière en application de l'article L. 611-2 est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police ". Ces dispositions ont pour objet de garantir que l'étranger sera en possession des documents permettant d'assurer son départ effectif du territoire national.
18. Le préfet pouvait légalement et sans commettre de détournement de pouvoir, après l'audition de Mme E...par les services de police et notification de l'arrêté en litige l'obligeant à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et fixant le pays de destination de l'éloignement, retenir le passeport de l'intéressée sur le fondement des dispositions précitées des articles L. 611-2 et L. 611-41-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, afin d'assurer son départ effectif du territoire national. L'arrêté attaqué n'est dès lors, en tout état de cause, pas entaché d'illégalité.
19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...E..., au ministre de l'intérieur et à Me F...C....
Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.
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N°18DA01222