Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Tropic a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir, en premier lieu, la décision du 2 février 2016 par laquelle le directeur de l'unité territoriale Nord Lille de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) du Nord-Pas-de-Calais a suspendu le contrat d'apprentissage conclu le 9 octobre 2015 avec Mme D...B..., en deuxième lieu, la décision du 11 février 2016 par laquelle cette même autorité a refusé la reprise de ce contrat d'apprentissage et a interdit au gérant de cette société de recruter de nouveaux apprentis pendant une durée de cinq ans, enfin, les décisions par lesquelles le ministre du travail a rejeté les recours hiérarchiques formés contre ces décisions du directeur de l'unité territoriale Nord Lille.
Par un jugement n° 1601368 du 28 juin 2017, le tribunal administratif de Lille a annulé l'ensemble de ces décisions.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 août 2017 et un mémoire enregistré le 30 janvier 2018, le ministre du travail demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 28 juin 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Tropic devant le tribunal administratif de Lille.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Tropic a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, en premier lieu, la décision du 2 février 2016 par laquelle le directeur de l'unité territoriale Nord Lille de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) du Nord-Pas-de-Calais a suspendu le contrat d'apprentissage conclu le 9 octobre 2015 avec Mme D...B..., en deuxième lieu, la décision du 11 février 2016 par laquelle cette même autorité a refusé la reprise de ce contrat d'apprentissage, en estimant que l'apprentie était exposée à un risque sérieux d'atteinte à sa santé et à son intégrité physique ou morale, et a interdit le recrutement de nouveaux apprentis pendant une durée de cinq ans, enfin, les décisions par lesquelles le ministre du travail a rejeté, soit expressément, soit implicitement, les recours hiérarchiques formés contre ces décisions. Par un jugement du 28 juin 2017, le tribunal administratif de Lille a annulé l'ensemble de ces décisions au motif que la délégation de signature accordée par le directeur régional au directeur de l'unité territoriale Nord Lille n'avait pas été régulièrement publiée. La ministre du travail relève appel de ce jugement.
2. Pour annuler les décisions en litige, le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur la circonstance que M. E...F..., signataire des décisions attaquées, n'était pas compétent, dès lors que M. A...C..., directeur de l'unité territoriale de Lille-Nord, qui lui avait subdélégué sa signature, n'était pas lui-même titulaire d'une délégation de signature régulièrement publiée. Il ressort toutefois du recueil des actes administratifs de la préfecture Nord-Pas-de-Calais Picardie du 7 janvier 2016, produit pour la première fois en appel, que la décision du 5 janvier 2016 par laquelle M. H... G..., nommé le 1er janvier 2016 en qualité de directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Nord-Pas-de-Calais Picardie, a délégué sa signature à M. A...C..., a été régulièrement publiée dans ce recueil. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé, pour annuler les décisions en litige, sur le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de ces décisions.
3. Il y a lieu, toutefois, pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Tropic devant le tribunal administratif et devant la juridiction administrative ;
4. Aux termes de l'article L. 6225-4 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " En cas de risque sérieux d'atteinte à la santé ou à l'intégrité physique ou morale de l'apprenti, l'inspecteur du travail ou le fonctionnaire de contrôle assimilé propose au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi la suspension du contrat d'apprentissage./Cette suspension s'accompagne du maintien par l'employeur de la rémunération de l'apprenti. ". L'article L. 6225-5 du même code dispose : " Dans le délai de quinze jours à compter du constat de l'agent de contrôle, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi se prononce sur la reprise de l'exécution du contrat d'apprentissage. / Le refus d'autoriser la reprise de l'exécution du contrat d'apprentissage entraîne la rupture de ce contrat à la date de notification du refus aux parties. Dans ce cas, l'employeur verse à l'apprenti les sommes dont il aurait été redevable si le contrat s'était poursuivi jusqu'à son terme ou jusqu'au terme de la période d'apprentissage. ". Aux termes de l'article L. 6225-6 du même code : " La décision de refus du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi peut s'accompagner de l'interdiction faite à l'employeur de recruter de nouveaux apprentis ainsi que des jeunes titulaires d'un contrat d'insertion en alternance, pour une durée qu'elle détermine. ". Enfin, selon l'article R. 6225-9 du même code : " En application de l'article L. 6225-4, l'inspecteur du travail propose la suspension de l'exécution du contrat d'apprentissage, après qu'il ait été procédé, lorsque les circonstances le permettent, à une enquête contradictoire. Il en informe sans délai l'employeur et adresse cette proposition au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. / Ce dernier se prononce sans délai et, le cas échéant, dès la fin de l'enquête contradictoire. " ;
5. La société Tropic soutient que l'administration n'a pas respecté le principe, posé à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, de la mise en oeuvre d'une procédure contradictoire préalable et qu'elle n'a pas été mise à même de présenter des observations sur les mesures envisagées par l'administration. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'une enquête contradictoire a été menée entre le 14 et le 22 janvier 2016 par les services de l'inspection, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 6225-9 du code du travail, que le dirigeant de la société Tropic a aussi été entendu dans le cadre de cette enquête et que la décision suspendant l'exécution du contrat d'apprentissage lui a été notifiée le 2 février 2016. Cette notification lui indiquait, notamment, que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi était susceptible d'interdire la reprise du contrat d'apprentissage et de faire application des dispositions de l'article L. 6225-5 du code du travail. Le dirigeant de la société Tropic a d'ailleurs présenté des observations écrites, le 8 février 2016, avant que le directeur régional ne prenne, le 11 février 2016, la décision refusant la reprise du contrat d'apprentissage. Dans ces conditions, et alors même qu'il n'a pas été expressément rappelé à la société Tropic que le refus éventuel de reprise du contrat d'apprentissage pouvait être accompagné d'une interdiction, prévue à l'article L. 6225-6 du code du travail, de recruter des apprentis pendant une période déterminée, l'administration doit être regardée comme ayant respecté le principe du contradictoire.
6. Il ressort des pièces du dossier, notamment des éléments recueillis par l'administration lors de l'enquête contradictoire, que Mme D...B...a subi pendant son apprentissage, à de nombreuses reprises, des remarques humiliantes de la part de l'une des salariées de la société Tropic, sans que le dirigeant de la société ne réagisse avant la mesure de suspension du contrat d'apprentissage, que les conditions de travail de celle-ci, en particulier s'agissant de la confection de bouquets, n'étaient pas satisfaisantes et qu'il a été reproché à Mme D... B...son absence le jour du 25 décembre, alors pourtant que la convention collective applicable interdit le travail des apprentis mineurs les jours fériés. Dans ces conditions, et alors même que certains autres griefs reprochés à la société Tropic ne seraient pas établis ou ne sauraient fonder les mesures en litige, et que le dirigeant de celle-ci a, au cours de l'enquête contradictoire, intimé par courrier à la salariée en cause de modifier son comportement et proposé que le contrat d'apprentissage se poursuive dans un autre établissement situé à Lille, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que Mme D...B...était exposée à un risque sérieux d'atteinte à sa santé et à son intégrité physique ou morale et en interdisant la reprise du contrat d'apprentissage. Dès lors que le directeur régional a pu légalement se fonder sur les dispositions précitées de l'article L. 6225-1 du code du travail, il n'était par suite pas tenu d'adresser à la société Tropic une mise en demeure avant de prendre cette mesure.
7. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, la durée de la période d'interdiction du recrutement de nouveaux apprentis, soit cinq ans, n'est pas disproportionnée, l'article R. 6225-10 du code du travail permettant au demeurant à la société Tropic de demander qu'il soit mis fin à cette interdiction, après avoir justifié que les mesures nécessaires pour supprimer tout risque d'atteinte à la santé ou à l'intégrité physique ou morale des apprentis dans l'entreprise ont été prises.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre du travail est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé les décisions en litige prises par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Nord-Pas-de-Calais Picardie. Les conclusions présentées par la société Tropic au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 28 juin 2017 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société Tropic devant le tribunal administratif de Lille et ses conclusions présentées devant la cour au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre du travail et à la société Tropic.
Copie en sera adressée au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France et à Mme D...B....
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N°17DA01639