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21/02/2019 | FRANCE | N°16DA00026

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 21 février 2019, 16DA00026


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2013 par lequel le président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Louviers l'a licenciée pour insuffisance professionnelle.

Par un jugement n° 1303205 du 3 novembre 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 janvier 2016 et le 16 mai 2017, Mme E..., représentée par Me B...C..., demande à la cou

r :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de réexaminer l'affaire dans son entier ;

3°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2013 par lequel le président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Louviers l'a licenciée pour insuffisance professionnelle.

Par un jugement n° 1303205 du 3 novembre 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 janvier 2016 et le 16 mai 2017, Mme E..., représentée par Me B...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de réexaminer l'affaire dans son entier ;

3°) d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2013 pris par le centre communal d'action sociale de Louviers la licenciant pour insuffisance professionnelle ;

4°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Louviers la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le décret n° 2012-1420 du 18 décembre 2012 ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président-rapporteur,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me A...C..., représentant MmeE....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E...a été recrutée par le centre communal d'action sociale (CCAS) de Louviers le 9 août 2010, par la voie du détachement, comme infirmière de classe normale à temps complet au foyer-logement pour personnes âgées de la résidence du Parc, située à Louviers, pour une durée d'un an. Elle occupait ainsi les fonctions d'infirmière coordinatrice du foyer-logement de Louviers. Par arrêté du 4 juin 2012, Mme E...a été intégrée à compter du 1er juin 2012 dans la fonction publique territoriale dans le cadre d'emploi des infirmiers territoriaux sur le grade d'infirmière de classe normale. Par arrêté du 30 mai 2013, Mme E... a fait l'objet d'une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de dix-huit mois. Cet arrêté a été retiré suite à la suspension d'exécution dont il avait fait l'objet par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Rouen du 15 juillet 2013. Par un nouvel arrêté du 6 novembre 2013, le président du CCAS de Louviers a licencié Mme E...pour insuffisance professionnelle. Elle relève appel du jugement du 3 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 novembre 2013 la licenciant pour insuffisance professionnelle.

2. Le licenciement pour insuffisance professionnelle d'un fonctionnaire ne peut être fondé que sur des éléments manifestant son inaptitude à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé ou correspondant à son grade et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions. Toutefois, une telle mesure ne saurait être subordonnée à ce que l'insuffisance professionnelle ait été constatée à plusieurs reprises au cours de la carrière de l'agent, ni qu'elle ait persisté après qu'il ait été invité à remédier aux insuffisances constatées.

3. Mme E...soutient que les motifs de licenciement retenus à son encontre ne sont pas établis. Tout d'abord, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des éléments produits en défense par la CCAS de Louviers devant la cour pour contester l'appréciation des premiers juges, que la requérante, qui n'exerçait pas seulement les fonctions d'infirmière coordinatrice du foyer-logement pour personnes âgées mais en assurait aussi la direction, la conduisaient à organiser l'emploi du temps du personnel et à préciser les tâches à accomplir, aurait eue un comportement inadapté à l'égard d'un agent d'entretien de la résidence du Parc, ni qu'elle aurait mis en place un système de planning difficilement compréhensible entraînant des anomalies récurrentes, ni même qu'elle aurait omis de régulariser, auprès de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), plusieurs déclarations au titre des bénéficiaires des soins courants, ou encore qu'elle aurait admis à la résidence du Parc de nouveaux résidents dont le dossier n'avait pas été soumis à la commission d'attribution des logements, ainsi que l'ont exactement relevé les premiers juges. Les pièces produites ne permettent pas, davantage d'attester d'une méconnaissance récurrente par Mme E... de la législation relative à la durée du travail.

4. Ensuite, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment du courrier électronique de Mme E...produit par l'administration, que cette dernière aurait eue connaissance du travail dissimulé effectué par un autre agent auprès des résidents. Il n'est pas davantage établi par ces documents que Mme E...signait elle-même des documents pour lesquels elle n'avait pas de délégation de signature, ni qu'elle n'aurait pas participé à l'élaboration du projet d'établissement, ce qui a été exactement précisé par les premiers juges. Dans ces conditions, le CCAS de Louviers ne pouvait légalement fonder la décision du 6 novembre 2013 en litige sur des faits décrits aux points 3 et 4, dont l'exactitude matérielle ne ressort pas des pièces du dossier.

5. Pour le reste, il ressort des pièces du dossier et notamment de la fiche de poste de l'appelante, que MmeE..., recrutée par le centre communal d'action sociale (CCAS) de Louviers pour occuper les fonctions d'infirmière coordinatrice du foyer-logement, se trouvait en charge de missions administratives, comptables et financières à la tête de l'établissement. Il ne disposait pas d'un responsable administratif lorsqu'elle y exerçait ses fonctions, et elle n'était pas non plus assistée par un personnel de direction et de secrétariat. Il lui est ainsi reproché, aux termes des motifs de l'arrêté en litige, une incapacité d'insertion dans son environnement relationnel immédiat et de positionnement en qualité de responsable de la structure, un manque de rigueur dans l'exécution de son travail, une méconnaissance des règles administratives, comptables et financières, et surtout un comportement inapproprié à l'égard des résidents de la résidence du Parc, pour lequel avait initialement été décidée une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de dix-huit mois. Toutefois, aucun document ou témoignage suffisamment probant et circonstancié n'établit que Mme E...aurait, délibérément, laissé une auxiliaire de vie sans assistance, alors qu'une résidente présentait un saignement de nez et une tension artérielle inquiétante, ni qu'elle aurait commis, dans ses fonctions d'infirmière, plusieurs erreurs de piluliers ayant des conséquences sur l'état de santé des résidents, l'absence de telles erreurs étant d'ailleurs attestée par un certificat médical, ou qu'elle aurait modifié une ordonnance médicale déchirée par un résident en établissant, sous sa signature, une ordonnance comportant des prescriptions différentes de celles prévues par un médecin. Il ne ressort pas non plus d'attestations suffisamment probantes et circonstanciées, et notamment pas des attestations établies par des auxiliaires de vie à propos du comportement de Mme E...à l'égard des résidents, qu'elle aurait nettoyé vigoureusement une plaie à vif à l'aide d'un gant de toilette, ou procédé à l'installation brutale d'une sonde urinaire, ou encore qu'elle aurait confisqué de manière abrupte le fauteuil roulant d'un résident et qu'elle aurait aussi réalisé des bains d'oreille à l'eau oxygénée. Les attestations produites, qui émanent d'agents avec lesquels MmeE... était en conflit à propos de l'organisation du travail et du suivi des heures supplémentaires rémunérées, du fait de ses fonctions de direction, ne sont en outre confortées et précisées par aucun témoignage émanant des nombreux résidants du foyer-logement pour personnes âgées, des membres de leurs familles, ou encore de membres du corps médical. Ainsi, à considérer même que Mme E..., en assurant la direction du foyer-logement, ait occasionnellement méconnu les procédures internes mises en place par le centre communal d'action sociale, par l'engagement de dépenses sans bon de commande pour l'animation de la résidence du Parc, ou rencontré des difficultés pour définir et suivre l'emploi du temps des agents, dans un contexte conflictuel à propos de leur charge de travail et de la rémunération des heures supplémentaires, et alors au demeurant que la procédure disciplinaire précédemment mise en oeuvre par le CCAS en mai 2013, pour le prononcé d'une sanction d'exclusion temporaire de fonction de dix-huit mois, n'a pu aboutir, ces éléments sont aussi de nature à infirmer la réalité des faits qui lui sont reprochés.

6. Il ressort en dernier lieu des pièces du dossier qu'à considérer établis certains faits précisés au point 5, ayant fondé la décision attaquée, Mme E...avait pour mission d'assurer non seulement la coordination des actions de soins et de préservation de l'autonomie des personnes âgées, mais aussi la gestion de l'établissement, du personnel et des stages, ainsi que le développement du travail en partenariat dans le secteur médical-social. Sa capacité professionnelle a dès lors été appréciée au regard de ces missions particulièrement lourdes et diversifiées, exercées sans l'aide d'un personnel administratif et de secrétariat au sein du foyer-logement qui accueillait une centaine de personnes âgées, cette activité l'exposant de surcroît à entretenir des relations parfois difficiles avec les auxiliaires de vie dont elle organisait le travail, contrôlait l'activité et assurait le suivi des heures supplémentaires, tout en devant faire preuve de compétences administratives qui ne sont pas au nombre de celles normalement attendues d'une infirmière, même expérimentée. Dans ces conditions, le centre communal d'action sociale, qui s'est pour l'essentiel fondé sur des faits inexacts ainsi qu'il a été dit aux points qui précèdent, a commis une erreur d'appréciation en estimant que l'ensemble des éléments qui lui sont reprochés était de nature à justifier le licenciement pour insuffisance professionnelle de Mme E....

7. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué et les autres moyens de la requête, que Mme E...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 3 novembre 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Ces dispositions font obstacles à ce qu'il soit mis à la charge de Mme E..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le centre communal d'action sociale de Louviers au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Louviers le versement à Mme E...de la somme de 2 000 euros sur le fondement de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen n 1303205 du 3 novembre 2015 et l'arrêté du 6 novembre 2013 pris par le centre communal d'action sociale (CCAS) de Louviers licenciant Mme E...pour insuffisance professionnelle sont annulés.

Article 2 : Le centre communal d'action sociale de Louviers versera la somme de 2 000 euros à Mme E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par le centre communal d'action sociale de Louviers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...E...et au centre communal d'action sociale (CCAS) de Louviers.

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N°16DA00026


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00026
Date de la décision : 21/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-06-03 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Licenciement. Insuffisance professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Paul Louis Albertini
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DE PEYRAMONT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-02-21;16da00026 ?
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