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06/05/2019 | FRANCE | N°17DA01422

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 06 mai 2019, 17DA01422


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la commune d'Evreux à lui payer la somme totale de 97 740,96 euros au titre du rappel de ses salaires et primes de fin d'année, la somme totale de 22 648,08 euros au titre de la perte de chance de bénéficier d'indemnités, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2014, la somme de 8 000 euros au titre du préjudice moral subi du fait de son licenciement, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2014

ainsi que la somme de 10 000 euros au titre de l'indemnisation de la perte d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la commune d'Evreux à lui payer la somme totale de 97 740,96 euros au titre du rappel de ses salaires et primes de fin d'année, la somme totale de 22 648,08 euros au titre de la perte de chance de bénéficier d'indemnités, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2014, la somme de 8 000 euros au titre du préjudice moral subi du fait de son licenciement, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2014 ainsi que la somme de 10 000 euros au titre de l'indemnisation de la perte de chance de retrouver un emploi de " manager de centre-ville ", assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2014.

Par un jugement n° 1501613 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Rouen a condamné la commune d'Evreux à verser à M. B...une somme correspondant à son salaire brut, aux indemnités brutes d'exercice de mission et aux indemnités forfaitaires pour travaux supplémentaires brutes entre le 15 octobre et le 26 octobre 2014 inclus, sur laquelle il revient à la commune d'Evreux de calculer, pratiquer et procéder au versement des cotisations salariales et patronales applicables, au titre des rémunérations dues pendant cette période et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2017, M.B..., représenté par Me A... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à sa demande ;

2°) de condamner la commune d'Evreux à lui payer la somme totale de 97 740,96 euros au titre du rappel de ses salaires et primes de fin d'année, la somme totale de 22 648,08 euros au titre de la perte de chance de bénéficier d'indemnités, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2014, la somme de 8 000 euros au titre du préjudice moral subi du fait de son licenciement, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2014 ainsi que la somme de 10 000 euros au titre de l'indemnisation de la perte de chance de retrouver un emploi de " manager de centre-ville ", assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2014 ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Evreux la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A compter du 1er octobre 2010, M. B...a été recruté par la commune d'Evreux, par un contrat à durée déterminée d'une durée d'un an pour exercer à temps non complet les fonctions de " chargé de mission de centre-ville et de coeur de quartier ". Ce contrat a été renouvelé à compter du 1er octobre 2011 pour occuper les fonctions de " manager de centre-ville ", puis une nouvelle fois à compter du 1er octobre 2012. Il a ensuite été recruté à compter du 1er octobre 2013 pour une durée de trois ans pour occuper ces mêmes fonctions. Par une délibération du 30 juin 2014, devenue exécutoire le 7 juillet suivant, le conseil municipal a décidé de la suppression de l'emploi de " manager de centre-ville ". Par une décision du 17 juillet 2014 notifiée le 22 juillet, le maire de la commune d'Evreux a procédé au licenciement de M. B...à compter du 15 octobre suivant. Celui-ci a demandé au maire de la commune d'Evreux de l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de ce licenciement. Par un jugement du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Rouen a condamné la commune d'Evreux à lui à verser une somme correspondant à son salaire brut, aux indemnités brutes d'exercice de mission et aux indemnités forfaitaires pour travaux supplémentaires brutes entre le 15 octobre et le 26 octobre 2014 inclus, avec l'obligation de procéder au versement des cotisations salariales et patronales applicables mais a rejeté le surplus de sa demande. M. B...relève appel de ce jugement du 16 mai 2017 en tant que le tribunal administratif n'a pas entièrement fait droit à sa demande indemnitaire.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 742-1 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...) / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. ".

3. D'une part, contrairement à ce que soutient M.B..., il ressort du jugement attaqué que le tribunal administratif a visé le moyen tiré de la rétroactivité de la délibération du conseil municipal en analysant, au vu des écritures de la requête, ce moyen comme tiré ce que la décision de licenciement est dépourvue de base légale car la délibération, supprimant le poste qu'il occupait, a été rendue exécutoire après sa convocation à l'entretien préalable. D'autre part, le tribunal a répondu de manière suffisante à ce moyen au point 5 du jugement. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait omis de viser et d'examiner un moyen doit être écarté.

Sur la responsabilité de la commune d'Evreux :

4. Aux termes de l'article 42 du décret n°88-145 du 15 février 1988, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le licenciement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable. La décision de licenciement est notifiée à l'intéressé par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Cette lettre précise le ou les motifs du licenciement et la date à laquelle celui-ci doit intervenir compte tenu des droits à congés annuels restant à courir et de la durée du préavis. "

5. M. B...ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, alors applicables, qui prévoient que les décisions devant être motivées en application de la loi du 11 juillet 1979 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites dès lors que les dispositions de cet article ne s'appliquent pas, ainsi que le précise l'article 18 de la loi du 12 avril 2000, aux relations entre les autorités administratives et leurs agents.

6. M. B...soutient que son licenciement est entaché d'un vice de procédure tiré de la méconnaissance des droits de la défense. Il fait valoir n'avoir reçu sa convocation à l'entretien préalable que le 9 juillet 2014, soit la veille de l'entretien prévu le 10 juillet, n'avoir pas pu, de ce fait, consulter son dossier avant l'entretien et ne pas avoir été informé de la possibilité d'être assisté d'un conseil ou d'un représentant du personnel.

7. Il résulte de l'instruction que M. B...n'a reçu sa convocation, expédiée par lettre recommandée le 8 juillet 2014, que la veille de l'entretien préalable au licenciement. La commune a cru devoir, par ailleurs, dans ce courrier, l'informer de la possibilité de consulter son dossier alors même qu'une telle consultation n'est pas obligatoire si la mesure n'est pas prise en considération de la personne. Compte tenu de ces circonstances, un délai aussi bref l'a placé dans l'impossibilité de préparer utilement son entretien préalable au licenciement. Il doit être regardé comme ayant été privé d'une garantie, notamment celle de pouvoir présenter utilement ses observations, et ce, quand bien même le motif du licenciement invoqué dans la convocation, à savoir la suppression de son emploi pour raisons budgétaires, présenterait un caractère objectif. En revanche, aucune disposition légale ou réglementaire, alors applicable, n'imposait à la commune de l'informer d'une possibilité d'être assisté d'un conseil ou d'un représentant du personnel. Par suite, M. B...est fondé à soutenir que la procédure de son licenciement a été menée irrégulièrement.

8. M. B...soutient que le licenciement a été pris en considération de sa personne et non pour réduire la masse salariale et donner la priorité à l'emploi des agents titulaires. Il se prévaut d'un article de presse paru en mars 2015 citant les propos du maire qui aurait déclaré, au sujet du projet de recrutement d'un agent d'animation par l'Office de tourisme et de commerce du Grand Evreux, ne pas " vouloir d'un " manager de centre-ville " qui se balade pour serrer des mains " ainsi que du contenu de l'appréciation littérale de son évaluation au titre de l'année 2012, dans laquelle le directeur général des services de la commune a relevé notamment le manque de concrétisation de ses idées. Toutefois, ces seuls éléments ne sont pas de nature à établir que le licenciement de M. B...aurait en réalité pour motif une insuffisance professionnelle. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de licenciement serait entachée d'un détournement de procédure doit être écarté.

9. Une collectivité territoriale peut légalement, quel que soit l'état des finances locales, procéder à une suppression d'emploi par mesure d'économie ou dans l'intérêt du service.

10. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que le licenciement de M. B...serait fondé sur des motifs politiques. Si M. B...soutient que son emploi a été recréé au bénéfice d'autres personnes quelques mois après son licenciement, il résulte de l'instruction que l'emploi d'animateur de commerce, dont fait état M.B..., a été créé par l'office de tourisme et de commerce du Grand Evreux, personne morale distincte de la commune. En tout état de cause, il n'est pas établi qu'il s'agirait d'un emploi identique, cet animateur ayant un champ d'action étendu sur les trente-sept communes du Grand Evreux. Le requérant ne peut utilement se prévaloir du fait que certaines de ses missions auraient été, selon lui, reprises par l'adjointe au maire chargée du commerce, celle-ci étant une élue et non un agent. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que l'emploi de " manager de centre-ville " aurait été supprimé pour un motif étranger à l'intérêt du service, autre que celui tiré de l'économie budgétaire, que s'était fixée la nouvelle municipalité. Par suite, les moyens tirés de ce que le licenciement serait entaché d'un détournement de pouvoir et de ce que le motif budgétaire retenu par le conseil municipal serait infondé, doivent être écartés.

11. Aux termes de l'article 40 du décret du 15 février 1988: " L'agent non titulaire engagé pour une durée déterminée ne peut être licencié par l'autorité territoriale avant le terme de son engagement qu'après un préavis qui lui est notifié dans les délais prévus à l'article 39. Toutefois, aucun préavis n'est nécessaire en cas de licenciement prononcé soit en matière disciplinaire, soit pour inaptitude physique, soit à la suite d'un congé sans traitement d'une durée égale ou supérieure à un mois, soit au cours ou à l'expiration d'une période d'essai. (...) ". Aux termes de l'article 39 du même décret : " L'agent non titulaire qui présente sa démission est tenu de respecter un préavis qui est de huit jours au moins si l'intéressé a accompli moins de six mois de services, d'un mois au moins s'il a accompli des services d'une durée égale ou supérieure à six mois et inférieure à deux ans, de deux mois au moins si la durée des services est égale ou supérieure à deux ans. (...) ".

12. M. B...soutient que son licenciement est illégal dès lors qu'il ne pouvait prendre effet que le 17 octobre 2014, compte tenu du préavis et de ses congés payés, et non le 15 octobre 2014 comme la décision de licenciement le mentionne. Il résulte de l'instruction que le préavis de M. B..., dont la durée de service est égale à plus de deux ans, est de deux mois. A ce délai, il convient d'ajouter les vingt-cinq jours de congés payés ouvrés dont bénéficiait l'intéressé. C'est par suite à bon droit et sans statuer au-delà de ce qui lui était demandé, que le tribunal administratif a tiré les conséquences des dispositions précitées, en indiquant que le terme du préavis devait être fixé au 27 octobre 2014, compte tenu des vingt-cinq jours de congés payés ouvrés, et non au 15 octobre 2014, comme l'a énoncé à tort la décision de licenciement ou, au 17 octobre 2014, comme le prétend, à nouveau, le requérant en appel. Par suite, le tribunal administratif a pu tirer les conséquences indemnitaires de cette erreur en condamnant la commune d'Evreux, qui ne relève d'ailleurs pas appel incident du jugement, à verser la somme correspondant au préjudice résultant de l'illégalité constitué par la privation de douze jours de congés payés.

13. La circonstance que la convocation à l'entretien préalable daté du 4 juillet 2014, qui est un acte préparatoire au licenciement, se réfère à la délibération du conseil municipal du 30 juin 2014 alors qu'elle n'était pas encore exécutoire, est sans incidence sur la légalité de la délibération du conseil municipal. Cette circonstance n'a pas pu avoir pour effet de donner un quelconque effet rétroactif à la délibération du conseil municipal. Il résulte de l'instruction et n'est pas d'ailleurs contesté, qu'à la date de la décision de licenciement, la délibération avait été rendue exécutoire depuis le 7 juillet 2014 par sa transmission au contrôle de légalité et son affichage. Par suite, le moyen tiré de ce que son licenciement serait illégal en raison du caractère rétroactif de la délibération du 30 juin 2014 par laquelle le conseil municipal a décidé de supprimer le poste de " manager de centre-ville ", doit être écarté.

14. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède et en particulier du point 7, que M. B...est fondé à soutenir que la commune d'Evreux a commis une faute en prononçant son licenciement à la suite d'une procédure irrégulière.

Sur les conclusions indemnitaires :

15. Si l'intervention d'une décision illégale peut constituer une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'autorité administrative, pour autant qu'elle ait été à l'origine d'un préjudice direct et certain, elle ne saurait donner lieu à réparation si, dans le cas d'une procédure régulière, la même décision avait pu légalement être prise.

16. Il résulte de ce qui a été énoncé des points 4 à 13 que la décision de licenciement de M. B...n'est pas illégale pour un autre motif que celui tiré du vice de procédure. Le maire de la commune d'Evreux aurait pu légalement prendre la même décision au terme d'une procédure régulière. Dès lors, les préjudices que l'appelant soutient avoir subi du fait de l'illégalité de son licenciement ne peuvent être regardés comme la conséquence du vice dont cette décision était entachée. Ses conclusions à fin d'indemnisation fondées sur l'illégalité fautive de cette décision de licenciement doivent, par suite, être rejetées.

17. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté le surplus de sa demande. Par suite, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...le versement à la commune d'Evreux d'une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Evreux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et à la commune d'Evreux.

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N°17DA01422

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA01422
Date de la décision : 06/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme Petit
Rapporteur ?: Mme Valérie Petit
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : MATRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-05-06;17da01422 ?
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