Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...E...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 novembre 2018 par lequel le préfet du Nord a décidé son transfert aux autorités polonaises.
Par un jugement n° 1803530 du 21 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 janvier 2019, M. A...B...E..., représenté par Me D...C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté préfectoral ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord d'enregistrer sa demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté de transfert est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît les dispositions du paragraphe 1 de l'article 15 du règlement n° 343/2003 du 18 février 2003 ;
- il méconnaît les dispositions du paragraphe 3 et 4 de l'article 16 du même règlement ;
- il méconnaît les dispositions de l'article 17 de ce règlement ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par ordonnance du 7 mars 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 8 avril 2019.
La requête a été communiquée au préfet du Nord qui n'a pas produit de mémoire.
M. B...E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 avril 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Christian Boulanger, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ". Il résulte de ces dispositions que la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
2. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué vise le règlement du 26 juin 2013 et mentionne l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il énonce que la consultation du système " Visabio " a révélé que l'intéressé a obtenu un visa " Schengen " de type C délivré par les autorités polonaises le 28 février 2018, que les autorités polonaises ont été saisies le 17 juillet 2018 d'une demande de prise en charge en application de l'article 12.4 du règlement (UE) n° 604/2013, qu'elles ont accepté de le prendre en charge le 25 septembre 2018. Dès lors, cet arrêté énonce les considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit, par suite, être écarté.
4. Aux termes des dispositions du paragraphe 2 de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 auquel il y a lieu de se référer dès lors que les dispositions du paragraphe 1 de l'article 15 du règlement n° 343/2003 du 18 février 2003 invoquées par la requérante ont été abrogée par l'article 48 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) / 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit / (...) ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 de ce règlement, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
5. Il ressort des pièces du dossier, notamment du compte rendu de l'entretien individuel du 18 juin 2018, que M. B...E...a déclaré que son épouse ainsi que ses deux enfants vivent en République démocratique du Congo. S'il se prévaut de la présence en France de membres de sa famille ainsi que d'attaches culturelles, il ne verse au dossier aucun élément probant au soutien de ses allégations. Dès lors, M. B...E...n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Nord aurait méconnu les dispositions ci-dessus reproduites de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 en ne faisant pas usage du pouvoir discrétionnaire qu'il tient de cet article.
6. Aux termes des dispositions de l'article 19 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 auquel il y a également lieu de se référer dès lors que les dispositions du paragraphe 3 et 14 de l'article 16 du règlement n° 343/2003 du 18 février 2003 invoquées par la requérante ont également été abrogée par l'article 48 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) /2. Les obligations prévues à l'article 18, paragraphe 1, cessent si l'État membre responsable peut établir, lorsqu'il lui est demandé de prendre ou reprendre en charge un demandeur ou une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), que la personne concernée a quitté le territoire des États membres pendant une durée d'au moins trois mois, à moins qu'elle ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité délivré par l'État membre responsable. Toute demande introduite après la période d'absence visée au premier alinéa est considérée comme une nouvelle demande donnant lieu à une nouvelle procédure de détermination de l'État membre responsable. / (...) ".
7. M. B...E...fait valoir que la France est responsable de sa demande d'asile dès lors qu'il est entré sur le territoire français depuis juin 2018 et qu'il n'est pas titulaire d'un titre de séjour en Pologne. Il ne ressort, toutefois, d'aucune pièce du dossier que l'intéressé ait quitté le territoire des Etats membres pendant une durée d'au moins trois mois. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 19 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
8. M. B...E..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 6 septembre 1982, déclare être entré en France en juin 2018. Ainsi qu'il a pu être énoncé au point 5, il a déclaré lors de son entretien individuel que son épouse ainsi que ses deux enfants résident dans son pays d'origine et qu'aucun membre de sa famille n'est présent sur le territoire français. S'il se prévaut de la présence en France de certains membres de sa famille, il ne verse aux débats aucun élément de nature à en justifier. En outre il ne verse aucun élément au dossier permettant de démontrer que l'exécution de l'arrêté de transfert entrainerait, selon ses dires, des " conséquences sur sa santé mentale ". Dès lors, compte tenu des conditions et de la durée de son séjour, le préfet du Nord n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes raisons, le préfet du Nord n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
9. Aux termes des dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". Aux termes des dispositions du paragraphe 1 de l'article 17 de ce même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / (...) ".
10. La Pologne étant membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord aurait à tort considéré que cette présomption était irréfragable. M. B...E...ne produit, en outre, que des documents généraux concernant les demandeurs d'asile en Pologne, mais aucun élément propre à sa situation particulière, dont il résulterait que son dossier ne serait pas traité par les autorités polonaises dans les conditions répondant à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, notamment par la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'intéressé serait effectivement et personnellement exposé à un risque de non-respect de ses droits fondamentaux en cas de transfert aux autorités polonaises. Par suite, le préfet du Nord n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue par les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. F...E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F...E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...F...E..., au ministre de l'intérieur et à Me D...C....
Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 25 avril 2019 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Boulanger, président de chambre,
- M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller,
- M. Jimmy Robbe, premier conseiller.
Lu en audience publique le 9 mai 2019.
L'assesseur le plus ancien,
Signé : C.-E. MINETLe président de la 1ère chambre,
Président-rapporteur,
Signé : Ch. BOULANGER
Le greffier,
Signé : C. SIRE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
N°19DA00169 6