Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E...A...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2017 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé à son encontre une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance pour une durée de trois mois renouvelable.
Par un jugement n° 1703190 du 8 février 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 mars 2018, M.A..., représenté par Me C... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du ministre de l'intérieur du 31 octobre 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son protocole additionnel n° 4 ;
- la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- le code de sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A...interjette appel du jugement du 8 février 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 octobre 2017 du ministre de l'intérieur prononçant à son encontre une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance en application de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure, aux termes de laquelle M. A... a reçu interdiction de se déplacer en dehors du département de la Somme sans autorisation écrite, obligation de se présenter tous les jours de la semaine à 7 heures, y compris les dimanches, jours fériés et chômés, au commissariat de police d'Abbeville, obligation de déclarer tout changement de lieu d'habitation, le tout pour une durée de trois mois, et a reçu interdiction, pour une durée de six mois, de se trouver en relation, directement ou indirectement, avec un adolescent qu'il fréquente.
2. Aux termes de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure : " Aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes peut se voir prescrire par le ministre de l'intérieur les obligations prévues au présent chapitre ". L'article L. 228-2 du même code prévoit ainsi que : " Le ministre de l'intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République de Paris et le procureur de la République territorialement compétent, faire obligation à la personne mentionnée à l'article L. 228-1 de : / 1° Ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune. La délimitation de ce périmètre permet à l'intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle et s'étend, le cas échéant, aux territoires d'autres communes ou d'autres départements que ceux de son lieu habituel de résidence ; / 2° Se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d'une fois par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et jours fériés ou chômés ; / 3° Déclarer son lieu d'habitation et tout changement de lieu d'habitation. / Les obligations prévues aux 1° à 3° du présent article sont prononcées pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision du ministre. Elles peuvent être renouvelées par décision motivée, pour une durée maximale de trois mois, lorsque les conditions prévues à l'article L. 228-1 continuent d'être réunies (...) ".
3. Aux termes de l'article L. 228-6 du même code : " Les décisions du ministre de l'intérieur prises en application des articles L. 228-2 à L. 228-5 sont écrites et motivées. A l'exception des mesures prises sur le fondement de l'article L. 228-3, le ministre de l'intérieur ou son représentant met la personne concernée en mesure de lui présenter ses observations dans un délai maximal de huit jours à compter de la notification de la décision ".
4. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que M. A...a été informé qu'il pouvait présenter des observations écrites ou orales dans un délai de huit jours, en application des dispositions citées au point 3 de l'article L. 228-6 du code de sécurité intérieure. Les motifs de cet arrêté étaient suffisamment précis pour qu'il puisse, à cet égard, faire valoir toute observation utile dans ce délai, et contester le cas échéant les considérations de fait fondant la décision, sans qu'il ait à connaitre l'identité des rédacteurs des " notes blanches " desquelles sont issus ces motifs de fait ou à leur être confronté. Il ressort au surplus du procès-verbal de notification de la décision en litige que M. A...a, dès sa notification, pu faire valoir des observations orales relatives à la mesure notifiée et à ses modalités. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté.
5. En se bornant à soutenir qu'il vit avec sa mère, son beau-père, et son jeune frère qui a un comportement irréprochable, et qu'il participe à des évènements caritatifs, M. A...n'assortit pas les moyens tirés de ce que la décision en litige porterait une atteinte grave et durable à son droit au respect de sa vie privée et familiale, à sa liberté religieuse et à sa liberté d'opinion, de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé. Ces moyens doivent, par suite, être écartés.
6. M. A...soutient également que la décision en litige, qui l'oblige à se présenter à sept heures tous les jours au commissariat d'Abbeville, porte une atteinte grave et durable à sa liberté d'aller et venir et à sa liberté de travailler et d'entreprendre. Il ne l'établit toutefois pas en se bornant à produire son emploi du temps pour l'année scolaire 2017-2018, qui précise que ses cours de préparation au concours d'entrée à l'école d'infirmier commencent au plus tôt à neuf heures à Amiens. Il ressort en outre des pièces du dossier qu'il peut solliciter des sauf-conduits lorsque ses activités lui imposent de sortir du département, et qu'il a notamment bénéficié d'une telle autorisation le 29 novembre 2017 pour se rendre à une consultation médicale dans le Val-de-Marne. Dans ces conditions, la décision en litige ne porte pas à sa liberté d'aller et venir et à sa liberté de travailler et d'entreprendre une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.
7. Il ressort des pièces du dossier que la décision en litige est fondée sur la circonstance qu'il a été trouvé, lors d'un contrôle douanier à l'aéroport le 27 août 2015, en possession d'écrits faisant état d'un projet d'action violente dont il a reconnu être l'auteur et qu'il consulte sur internet des forums de discussion djihadistes, qu'il a été placé en garde à vue le 19 janvier 2016 dans le cadre d'une procédure judiciaire diligentée du chef d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme, a été mis en examen le 22 janvier 2016 avec interdiction de sortir du département, obligation de remettre sa carte d'identité et son passeport et que, le 21 mars 2017, il a été interpellé et placé en garde à vue dans le cadre d'une autre procédure judiciaire diligentée du chef d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme, qu'il a affiché au lycée un " radicalisme grandissant ", qu'il s'est isolé et s'est montré agressif envers ses camarades de classe, qu'il a diffusé sur les réseaux sociaux des images et symboles en lien avec des organisation terroristes, qu'il n'a pas respecté les obligations de son assignation à résidence, et a continué à fréquenter, malgré l'interdiction qui lui en était faite, un adolescent récemment converti à l'islam à l'égard duquel M. A... semble faire acte de prosélytisme. Le requérant ne conteste pas sérieusement les motifs de la décision en litige en se bornant à soutenir qu'il vit avec sa famille, que son frère a un comportement irréprochable, qu'il participe à des évènements caritatifs et que s'il a présenté des séquelles psychologiques et des comportements inadaptés à la suite d'une méningite, l'impulsivité, les difficultés exécutives et mnésiques notées antérieurement n'apparaissent plus dans les tests pratiqués par un praticien hospitalier qui assure son suivi. Il ressort en outre de la note blanche actualisée des services de renseignement produite par le ministre de l'intérieur, soumise au contradictoire, et dont les éléments ne sont pas sérieusement contestés par M.A..., qu'il a continué, malgré l'interdiction qui lui en était faite, de fréquenter l'adolescent sur lequel il apparaît exercer une influence néfaste, qu'il a tenu, sur la période qui a précédé la décision en litige, des propos radicaux, que ses publications sur les réseaux sociaux et son comportement ont permis au ministre de considérer qu'il continuait de manifester son adhésion et son soutien à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie. Par suite, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le ministre de l'intérieur a pu estimer qu'il y avait des raisons sérieuses de penser que le comportement de M. A...continuait à constituer une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...A...et au ministre de l'intérieur.
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N°18DA00520