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18/07/2019 | FRANCE | N°19DA00016,19DA00017

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 18 juillet 2019, 19DA00016,19DA00017


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... et Mme F... D... épouse E... ont chacun demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir les deux arrêtés du 20 juillet 2018 pris à leur encontre par le préfet de l'Oise, chacun de ces arrêtés refusant de leur délivrer un titre de séjour, leur faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et leur faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par deux jugements nos 18023

12 et 1802313 du 30 novembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... et Mme F... D... épouse E... ont chacun demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir les deux arrêtés du 20 juillet 2018 pris à leur encontre par le préfet de l'Oise, chacun de ces arrêtés refusant de leur délivrer un titre de séjour, leur faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et leur faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par deux jugements nos 1802312 et 1802313 du 30 novembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 3 janvier 2019 sous le n° 19DA00016, et un mémoire complémentaire, enregistré le 1er avril 2019, M. C... E..., représenté par la SELARL Cacan, A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1802313;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 juillet 2018 pris à son encontre ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II. Par une requête, enregistrée le 3 janvier 2018 sous le n° 19DA00017, Mme F... D... épouse E..., représentée par la SELARL Cacan, A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1802312;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 juillet 2018 pris à son encontre ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller,

- les observations de Me B... A..., représentant M. E... et Mme D... épouse E....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme E..., ressortissants turcs nés respectivement le 5 mai 1982 et le 11 octobre 1985, déclarent être entrés en France le 13 août 2012. Les demandes d'asile qu'ils ont chacun déposées ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par deux décisions du 29 mars 2012. La cour nationale du droit d'asile (CNDA) a rejeté les recours dirigés contre ces décisions par un arrêt du 15 octobre 2013. Par deux arrêtés du 20 mars 2014, le préfet de l'Oise a refusé de leur délivrer la carte de résident qu'implique la reconnaissance du statut de réfugié, leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. et Mme E..., qui se sont irrégulièrement maintenus sur le territoire français en dépit des mesures d'éloignement prises à leur encontre, ont sollicité, le 26 mai 2016, la délivrance d'un titre de séjour. Par deux arrêtés du 11 août 2016, le préfet de l'Oise a rejeté ces demandes, leur a de nouveau fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Les recours pour excès de pouvoir dirigés contre ces arrêtés du 11 août 2016 ont été rejetés par deux jugements du 1er décembre 2016 du tribunal administratif d'Amiens, devenus définitifs. M. et Mme E..., qui n'ont pas davantage déféré aux obligations de quitter le territoire français qui leur avaient de nouveau été faites, ont sollicité, le 15 février 2018, le bénéfice de l'admission exceptionnelle au séjour. Par deux arrêtés du 20 juillet 2018, le préfet de l'Oise a refusé de leur délivrer le titre de séjour sollicité, leur a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination. M. et Mme E... relèvent appel des jugements du 30 novembre 2018 par lesquels le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés du 20 juillet 2018.

Sur la jonction :

2. Les requêtes nos 19DA00016 et 19DA00017, qui concernent la situation d'un couple de ressortissants turcs au regard de leur droit au séjour et de leur éloignement, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu, dès lors, de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la légalité des décisions rejetant les demandes de titre de séjour :

3. Chacune des décisions comprend l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde, et indique notamment que si M. et Mme E... sont mariés et que deux enfants sont issus de cette relation, chacun des époux fait l'objet d'une mesure identique, que leur présence en France depuis 2012 est liée au fait qu'ils n'ont pas déféré aux deux mesures d'éloignement précédemment prises à leur encontre, et qu'ils ne justifient pas être dépourvus d'attaches dans leur pays d'origine, où le couple s'est marié et a vécu avant son arrivée en France. Par suite, et alors que le préfet de l'Oise n'était pas tenu de faire état de l'ensemble des éléments de fait relatifs à la situation des époux E..., notamment de la situation professionnelle de M. E..., le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ces décisions doit être écarté.

4. Il ne résulte ni de la motivation des arrêtés en litige, ni d'aucune autre pièce des dossiers que le préfet de l'Oise, pour rejeter les demandes de titre de séjour présentées par M. et Mme E..., n'aurait pas procédé à un examen sérieux et complet de la situation de ceux-ci.

5. M. et Mme E... reprennent en appel les moyens, qu'ils avaient invoqués en première instance, tirés de ce que les refus en litige méconnaîtraient les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il y a lieu d'écarter ces moyens, à l'appui desquels ils ne se prévalent d'ailleurs d'aucune argumentation nouvelle en appel, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

6. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 5 que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions rejetant leurs demandes de titre de séjour sont illégales.

Sur les décisions d'obligation de quitter le territoire français :

7. En application des dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. En l'espèce, les arrêtés comportent, ainsi qu'il a été dit au point 4 ci-dessus, l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles l'autorité préfectorale s'est fondée pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. et Mme E.... Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions les obligeant à quitter le territoire français doit être écarté.

8. Pour les mêmes raisons que celles énoncées à propos du refus de séjour, M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de l'Oise aurait méconnu les dispositions et stipulations mentionnées au point 6.

9. Il résulte de ce qui a été dit aux deux points précédents que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions les obligeant à quitter le territoire français sont illégales.

Sur les décisions refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

10. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable à la date des arrêtés en litige : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité (...). / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) ".

11. Ainsi qu'il a été dit au point 1, il est constant que M. et Mme E... ont fait l'objet le 20 mars 2014 et le 11 août 2016 d'obligations de quitter le territoire français qu'ils n'ont pas exécutées. Ils doivent être, dès lors, regardés comme s'étant soustraits à l'exécution de précédentes mesures d'éloignement prises à leur encontre, au sens des dispositions ci-dessus reproduites du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le préfet de l'Oise n'a pas fait une inexacte application de ces dispositions en refusant d'accorder un délai de départ volontaire aux intéressés, qui n'établissent pas l'existence de circonstances particulières en se bornant à faire valoir qu'ils résident en France depuis environ six ans à la date des arrêtés en litige, qu'ils justifient d'une adresse stable et que leurs enfants sont scolarisés.

12. Il résulte de ce qui a été dit aux deux points précédents que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions leur refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire sont illégales.

Sur les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an :

13. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions contestées : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".

14. Ces décisions visent les dispositions citées au point précédent et indiquent, chacune en ce qui concerne M. et Mme E..., que l'un comme l'autre " est présent(e) en France depuis 2012 ; que la durée de ce séjour n'est pas particulièrement importante ; que l'intéressé(e) est dépourvu(e) d'attache familiale proche en France en dehors de son époux(se) et de ses enfants ; qu'il (elle) ne justifie pas d'une intégration notable dans la société française ; que ses liens avec la France ne sont pas particulièrement anciens, intenses et stables ; que l'intéressé(e) a déjà fait l'objet de mesures d'éloignement les 20 mars 2014 et 11 août 2016, qu'il (elle) n'a pas respectées ; que l'intéressé(e) n'est pas défavorablement connu(e) ; que sa présence ne semble pas présenter de menace particulière pour l'ordre public ; que, dans ces circonstances, l'intéressé(e) sera interdit(e) de retour sur le territoire française pour un an ". Ces décisions, qui comportent l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles elles se fondent, sont, ainsi, suffisamment motivées.

15. M. et Mme E... ne font pas valoir de circonstances humanitaires, au sens des dispositions précitées, qui feraient obstacle au prononcé d'une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'une année. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, rappelées au point précédent, le préfet de l'Oise, en fixant à un an la durée de l'interdiction de retour sur le territoire dont les intéressés font l'objet, n'a commis d'erreur d'appréciation.

16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 13 à 15 que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions leur interdisant le retour sur le territoire français pendant un an sont illégales.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des frais du procès doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme E... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E..., à Mme F... D... épouse E... et au ministre de l'intérieur.

Nos19DA00016,19DA00017 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00016,19DA00017
Date de la décision : 18/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Richard
Rapporteur ?: M. Jimmy Robbe
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : SELARLU CACAN-ORUM ; SELARLU CACAN-ORUM ; SELARLU CACAN-ORUM

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-07-18;19da00016.19da00017 ?
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