Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) ADM et la société civile immobilière (SCI) Bellevue, représentées par la SCP Montigny et Doyen, ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 12 février 2018 par lequel le maire d'Albert a accordé à la société immobilière européenne des Mousquetaires un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour le transfert d'un magasin à l'enseigne " Bricomarché " sur un terrain situé 1, rue du 11 novembre.
Par une ordonnance n° 1801250 du 14 mai 2018, le tribunal administratif d'Amiens a transmis le dossier de la requête à la cour administrative d'appel de Douai, compétente pour connaître du litige.
Procédure devant la cour :
Par la requête ainsi transmise, et un mémoire enregistré le 3 septembre 2019, la SCI Bellevue et la SARL ADM, représentées par la SCP Montigny et Doyen, demandent à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 12 février 2018 par lequel le maire d'Albert a accordé un permis de construire à la société immobilière européenne des Mousquetaires ;
2°) de mettre à la charge de la société immobilière européenne des Mousquetaires la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,
- les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public,
- et les observations de Me D... A..., représentant la SARL ADM et la SCI Bellevue, et de Me B... E..., représentant la société immobilière européenne des Mousquetaires et la commune d'Albert.
Considérant ce qui suit :
1. La société immobilière européenne des Mousquetaires a déposé une demande de permis de construire le 31 mai 2017 dans le but de créer un magasin à l'enseigne Bricomarché par déplacement et extension d'un magasin existant au n° 1 de la rue du 11 novembre à Albert. Le projet a bénéficié, le 8 août 2017, d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial de la Somme. Le 7 décembre 2017, la Commission nationale d'aménagement commercial a, à son tour, délivré un avis favorable au projet. Le maire d'Albert a accordé le permis de construire par un arrêté du 12 février 2018, dont la SARL ADM, qui exploite un magasin de bricolage dans la zone de chalandise du projet, et la SCI Bellevue, propriétaire de parcelles sises 50 et 52, rue du 11 novembre à Albert, demandent l'annulation.
Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 12 février 2018 valant autorisation de construire :
2. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., adjoint au maire d'Albert, a reçu délégation de signature, par arrêté du 7 juillet 2017, pour l'instruction et la délivrance des autorisations d'occupation des sols. Par suite, M. C... était compétent pour signer, au nom du maire, l'arrêté attaqué.
3. L'article L. 424-3 du code de l'urbanisme dispose que : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. / Il en est de même lorsqu'elle est assortie de prescriptions, oppose un sursis à statuer ou comporte une dérogation ou une adaptation mineure aux règles d'urbanisme applicables ".
4. L'arrêté en litige mentionne les prescriptions dont le maire d'Albert a assorti l'autorisation accordée à la société immobilière européenne des Mousquetaires. S'agissant de la hauteur totale de la clôture qui ne devra pas excéder deux mètres, cette prescription est motivée par la mention de l'article UP11 du réglement du plan local d'urbanisme d'Albert. En indiquant dans l'acte en litige que l'infiltration des eaux pluviales se fera à l'intérieur de la propriété, le maire a nécessairement entendu imposer que ces eaux ne s'écoulent pas sur les fonds voisins, les motifs de cette prescription devant être regardés comme résultant directement de son contenu même. Enfin, les motifs justifiant les prescriptions en matière de risques d'incendie et d'accessibilité résultent des rapports de la commission de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public de l'arrondissement de Péronne ainsi que pour l'accessibilité des personnes handicapées dans ces établissements, annexés à l'arrêté en litige.
5. L'article R. 423-1 du code de l'urbanisme dispose que : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées (...) : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux (...) ". Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 431-5 du même code : " La demande comporte (...) l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis ". En vertu de l'article R. 431-4 de ce code, le dossier est réputé complet lorsqu'il comprend les informations limitativement énumérées aux articles R. 431-5 à R. 431-33. L'article R. 423-38 du code de l'urbanisme dispose que l'autorité compétente réclame à l'auteur de la demande les seules pièces exigées en application du livre IV de ce code que le dossier ne comprend pas. Il résulte de ces dispositions que, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme selon laquelle il remplit les conditions fixées à l'article R. 423-1 du même code pour déposer une demande de permis de construire doit être regardé, dans tous les cas, comme ayant qualité pour présenter cette demande.
6. La société immobilière européenne des Mousquetaires remplit les conditions exigées par l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme pour déposer une demande de permis. Il n'appartient pas à l'autorité en charge de la délivrance des permis de construire de s'assurer du mandat donné au représentant de la société au nom de laquelle une telle demande est présentée. Il ne ressort pas du dossier qu'en se présentant comme le représentant de la société immobilière européenne des Mousquetaires, le signataire de la demande de permis de construire ait procédé à une manoeuvre de nature à induire l'administration en erreur et que la décision ait ainsi été obtenue par fraude, laquelle n'est au demeurant pas même invoquée par les requérantes
7. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
8. Si les requérantes soutiennent, sans plus de précision, que le dossier de permis de construire est incomplet, que le formulaire n'est pas intégralement rempli et que de nombreux chapitres sont restés sans indication, elles ne démontrent pas, ni même n'allèguent que ces insuffisances, à les supposer même établies, aient été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 12 février 2018 valant autorisation d'exploitation commerciale :
9. L'article R. 752-9 du code de commerce dispose que : " Pour les projets nécessitant un permis de construire, la demande accompagnée du dossier est déposée conformément aux dispositions des articles R. 423-2 et suivants du code de l'urbanisme. Le dossier est transmis au secrétariat de la commission départementale dans les conditions prévues à l'article R. 423-13-2 du même code. (...) ". Selon les dispositions de cet article R. 423-13-2, le maire doit opérer cette transmission dans un délai de sept jours francs suivant le dépôt de la demande. En l'espèce, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne ressort pas des pièces du dossier que le dossier de demande aurait été transmis directement à la commission départementale d'aménagement commercial en méconnaissance des dispositions précitées. En tout état de cause une telle circonstance n'aurait pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision ou de priver les requérantes d'une garantie.
10. L'article R. 752-5 du code de commerce dispose que : " La demande d'autorisation d'exploitation commerciale précise la qualité en laquelle le demandeur agit et la nature du projet / (...) Un arrêté du ministre chargé du commerce fixe le modèle de la demande d'autorisation d'exploitation commerciale ou du dossier joint à la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ". L'article A. 752-1 du même code énonce que : " La demande d'autorisation préalable prévue aux articles L. 751-1, L. 752-1 et L. 752-2 du code de commerce est présentée selon les modalités fixées à l'annexe 1 de l'annexe 7-8 au présent livre ".
11. En l'espèce, la SARL ADM se borne à soutenir que la société immobilière européenne des Mousquetaires a méconnu ces dispositions sans autre précision. En outre, il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation d'exploitation commerciale comporte l'ensemble des renseignements requis par les textes susmentionnés. Par suite, le moyen manque en fait.
12. L'article R. 752-4 du code de commerce dispose que : " La demande d'autorisation prévue à l'article L. 752-1 (...) est présentée : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains ou immeubles, par toute personne justifiant d'un titre du ou des propriétaires l'habilitant à exécuter les travaux ou par le mandataire d'une de ces personnes (...) ". En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la société pétitionnaire a obtenu, le 6 avril 2017, l'autorisation de la société Alberdis, propriétaire de la parcelle concernée par le projet, de présenter la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale. Les requérantes ne sont donc pas fondées à soutenir que la société immobilière européenne des Mousquetaires, dès lors qu'elle n'exploite pas le magasin Bricomarché, n'était pas habilitée à solliciter son transfert de l'autre côté de la rue du 11 novembre.
13. Les dispositions de l'article R. 752-6 du code de commerce fixent la liste des pièces devant accompagner le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale. Si les requérantes soutiennent que le dossier est incomplet, elles n'assortissent pas ce moyen des précisions suffisantes permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.
14. Les requérantes soutiennent que le projet est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale en ce qu'il ne se situerait au sein de la zone d'aménagement commercial (ZACOM). Toutefois ce schéma ne fixe pas une telle recommandation. Il indique uniquement que les équipements commerciaux supérieurs à 1000 m2 : " seront localisés prioritairement dans le tissu urbanisé mixte. Les implantations périphériques générant une consommation de foncier agricole et naturel seront encadrées et se localiseront au sein des zones d'aménagement commercial. Les grands équipements existants situés hors du tissu urbanisé mixte et des ZACOM pourront s'étendre de manière limité ". Par ailleurs, il résulte de l'avis de la direction départementale des territoires et de la mer du 26 juillet 2017 que le projet ne se situe pas en zone d'aménagement commercial mais en secteur de requalification urbaine qui jouxte la zone d'aménagement commercial de Bellevue et qu'en outre le projet se situe dans le tissu urbanisé mixte. Par suite, le moyen doit être écarté.
15. L'article L. 752-6 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable, dispose que : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : /a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; /b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; /c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; /d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; /2° En matière de développement durable : /a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; /b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; /c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. /Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; /3° En matière de protection des consommateurs : /a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; /b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; /c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; /d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. /II.-A titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale. "
16. L'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.
17. Les requérantes se bornent à soutenir que la Commission nationale d'aménagement commercial n'aurait pas examiné certains critères sans toutefois préciser lesquels. Ce moyen qui n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé est donc écarté.
18. Si les requérantes contestent l'évaluation du trafic futur sur la zone concernée par le projet, reposant sur une hausse de fréquentation appréciée à 40 % et liée à l'augmentation de la surface de vente et sur l'estimation que 90 % des clients supplémentaires accéderont au site en voiture particulière, elles n'apportent aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation. Elles contestent l'appréciation des risques résultant du trafic supplémentaire induit par le projet notamment en raison de l'insuffisance de la desserte. Toutefois, les éléments qu'elles apportent dans ce sens ne sont pas étayés et certains d'entre eux, notamment l'absence d'aire de déchargement, sont erronés. Enfin, si le site n'est desservi que par une ligne de bus, cette circonstance n'est pas, à elle seule, de nature à justifier le refus de l'autorisation sollicitée eu égard, notamment, à la circonstance qu'il s'agit d'une enseigne spécialisée dans le bricolage. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des critères du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce doit être écarté.
19. Les requérantes n'apportent aucun élément justifiant leurs allégations relatives aux risques que présenterait l'infiltration d'importantes quantités d'eau pluviale sur le terrain d'implantation du projet. En outre, les défenderesses indiquent sans être contredites que le projet intègre un bassin d'infiltration paysager localisé en façade Nord-Ouest et que les eaux pluviales de toitures seront reprises dans les cuves incendie, l'excédent étant redirigé vers le bassin d'infiltration. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des critères du 2° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce doit être écarté.
20. La densité d'équipement commercial de la zone de chalandise concernée ne figure pas au nombre des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. Les requérantes ne peuvent donc utilement soutenir que la zone de chalandise comporte en l'état une offre suffisante.
21. Les requérantes soutiennent qu'aucun engagement ferme de transfert du magasin existant pour le nouveau site et s'agissant de sa fermeture n'a été pris. Toutefois, il ne s'agit là ni d'un critère d'évaluation fixé par l'article L. 752-6 du code de commerce ni d'une exigence légale ou réglementaire.
22. Enfin, l'absence de viabilité économique du projet ne figure pas au nombre des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.
23. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que la SARL ADM et la SCI Bellevue ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté du 12 février 2018 du maire d'Albert.
Sur les conclusions liées au litige :
24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société immobilière européenne des Mousquetaires et de la commune d'Albert, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que la SARL ADM et la SCI Bellevue réclament au titre des frais liés au litige. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge de la SARL ADM et la SCI Bellevue une somme de 500 euros chacune à verser d'une part à la société immobilière européenne des Mousquetaires et d'autre part à la commune d'Albert au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL ADM et de la SCI Bellevue est rejetée.
Article 2 : La SARL ADM et la SCI Bellevue verseront chacune une somme de 500 euros, d'une part, à la société immobilière européenne des Mousquetaires et, d'autre part, à la commune d'Albert au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL ADM, à la SCI Bellevue, à la société immobilière européenne des Mousquetaires et à la commune d'Albert.
Copie en sera adressée à la Commission nationale d'aménagement commercial.
N°18DA01070 7