Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 18 juin 2018 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1806395 du 1er février 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 mars 2019, M. E..., représenté par Me A... F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler toutes les décisions incluses dans l'arrêté du 18 juin 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord, à titre principal sous astreinte de 100 euros par jour de retard à expiration du délai d'un mois après notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour, à titre subsidiaire, sous une astreinte de même montant dès la notification de l'arrêt à intervenir, de procéder à un réexamen de sa demande de titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge du préfet du Nord le versement à son profit d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... D..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant marocain né le 20 février 1975, relève appel du jugement rendu le 1er février 2019 par le tribunal administratif de Lille, qui a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 18 juin 2018, par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Sur la régularité du jugement :
2. Au point 11 du jugement attaqué, les premiers juges ont indiqué que " les stipulations de cet accord [franco-marocain] n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié. ". Si, dans la suite de ce paragraphe, ils ont également évoqué la circonstance que le préfet n'a commis aucune erreur en ne faisant pas usage du pouvoir discrétionnaire " qu'il détient des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ", ils doivent être regardés, au vu de la rédaction de l'ensemble de ce point 11, comme ayant répondu au moyen tiré de ce que le préfet n'a commis aucune erreur en n'exerçant pas le pouvoir discrétionnaire dont il dispose en vertu de l'article 3 de l'accord franco-marocain. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier faute pour les premiers juges de n'avoir pas répondu au moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu l'étendue de la compétence qui est la sienne au regard de l'article 3 de l'accord franco-marocain.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
3. L'article 3 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 stipule que " les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' (...) ".
4. Il résulte, en premier lieu, de la combinaison de l'article précité avec l'article 9 du même accord et l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que si la situation des ressortissants marocains souhaitant bénéficier d'un titre de séjour portant la mention " salarié " est régie par les stipulations de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, la délivrance à un ressortissant marocain du titre de séjour " salarié " prévu à l'article 3 de cet accord est subordonnée, en vertu de son article 9, à la condition, prévue à l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tenant à la production par ce ressortissant d'un visa de long séjour. Contrairement à ce que prétend M. E..., cette condition relative à la production d'un visa long séjour ne peut être regardée comme remplie par la circonstance qu'il s'est trouvé en situation régulière depuis son entrée en France, le 4 septembre 2002 sous le couvert d'un visa de court séjour, jusqu'au 9 décembre 2004. L'appelant n'est donc pas fondé à soutenir qu'il remplissait les conditions nécessaires à la délivrance d'un titre de séjour " salarié " sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain.
5. En deuxième lieu, l'exercice par le préfet du pouvoir discrétionnaire, dont il dispose en vertu des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation d'un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié en vertu de cet accord, n'a pas à faire l'objet d'une motivation particulière dans le refus du titre de séjour. Par suite, le moyen, à le supposer soulevé en appel, tiré d'une insuffisance de motivation du refus de titre de séjour du fait que le préfet n'aurait pas mentionné avoir fait usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, doit être écarté.
6. En troisième lieu, il est constant que M. E... réside depuis près de seize années en France à la date de l'arrêté en litige, dont treize en qualité de salarié sous contrat à durée indéterminée depuis novembre 2003. Cependant, il ressort des pièces du dossier que ce séjour n'est plus régulier depuis le 9 décembre 2004, dès lors que la carte de résident, qui lui avait été accordée à compter de cette date pour une durée de dix ans, lui a été retirée par arrêté préfectoral du 18 octobre 2005, au motif que le mariage contracté par l'intéressé en novembre 2002 avec une ressortissante française était de complaisance. La circonstance que le divorce entre l'intéressé et son épouse n'a été prononcé sur requête conjointe qu'à compter du 16 octobre 2014 n'est pas de nature à remettre en cause la légalité de l'arrêté préfectoral de retrait de la carte de résident du 18 octobre 2005, définitivement jugée par la présente cour dans son arrêt en date du 24 avril 2008. Il ressort ainsi des pièces du dossier qu'alors que cet arrêté du 18 octobre 2005 incluait une obligation de quitter le territoire dans le délai d'un mois, non seulement M. E... n'y a pas déféré, mais il a rendu à l'administration la carte de résident retirée seulement le 17 décembre 2014. Dans ces conditions, M. E..., qui se maintient sur le territoire français de façon irrégulière depuis janvier 2005, ne peut faire valoir une espérance légitime qu'un droit au séjour lui soit accordé en raison de la durée de son séjour ou d'un contrat de travail qu'il n'a pu conserver que dans ces conditions irrégulières, et n'est par suite pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur de droit et méconnu sa compétence en ne faisant pas usage de son pouvoir discrétionnaire pour régulariser sa situation au regard des stipulations précitées de l'accord franco-marocain.
7. Pour les mêmes raisons que celles exposées au point précédent, et alors que M. E... est célibataire, sans enfant et n'établit aucune insertion sociale autre que professionnelle, les moyens tirés d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences du refus de titre de séjour et d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, l'appelant, qui n'établit pas l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour, n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français.
9. En second lieu, pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 6 et 7, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions accessoires aux fins d'injonction et d'astreinte et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet du Nord.
2
N°19DA00575