Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 5 février 2015 et l'arrêté modificatif du 26 février 2015, par lesquels le préfet du Pas-de-Calais l'a placée en congé de longue durée à compter du 5 février 2015 pour une période de six mois, et la décision du 28 mai 2015 rejetant le recours gracieux formé contre ces arrêtés.
Par un jugement n° 1506194 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Lille a annulé ces décisions.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2018, la ministre des solidarités et de la santé demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Lille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... B..., première conseillère,
- et les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par jugement du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 5 février 2015 modifié par arrêté du 26 février 2015, par lesquels le préfet du Pas-de-Calais a placé d'office en congé longue durée pour six mois Mme C..., praticienne hospitalière à temps plein exerçant au centre hospitalier de Boulogne-sur-Mer, ainsi que la décision du 28 mai 2015 rejetant le recours gracieux formé contre ces arrêtés. La ministre des solidarités et de la santé relève appel de ce jugement.
2. Il ressort des pièces du dossier, notamment des arrêtés en litige, que le placement d'office en congé longue durée de Mme C... est fondé sur les articles R. 6152-36 et suivants du code de la santé publique. Les premiers alinéas des articles R. 6152-36 et R. 6152-39 disposent respectivement qu'" un comité médical, placé auprès de chaque préfet, est chargé de donner un avis sur l'aptitude physique et mentale des praticiens [hospitaliers à temps plein] à exercer leurs fonctions (...) " et qu'" un praticien reconnu atteint de tuberculose, de maladie mentale, d'affection cancéreuse, de poliomyélite ou de déficit immunitaire grave et acquis par le comité médical et empêché d'exercer ses fonctions est de droit mis en congé de longue durée par décision du préfet du département ".
3. Il ressort du rapport médical du 3 février 2015 rédigé par le comité médical prévu par les dispositions précitées qu'après un entretien avec Mme C..., ce comité, réuni pour vérifier l'aptitude physique et mentale de l'intéressée à exercer ses fonctions, a relevé principalement l'impossibilité de Mme C... à se remettre en cause et sa psychorigidité. Ce comité a déclaré " avancer le diagnostic d'un trouble de la personnalité ", " parler de personnalité pathologique " et recommandé à l'intéressée de rencontrer un médecin psychiatre " dans l'optique d'essayer d'assouplir ses points de vue concernant la vie en société et les relations interpersonnelles... au moins professionnelles ". Après avoir estimé que le trouble affectant alors Mme C... pouvait avoir des conséquences néfastes dans certaines prises en charge de patients et de familles, il a conclu à l'inaptitude médicale du docteur C... à exercer ses fonctions de praticien hospitalier à temps plein et préconisé l'octroi d'un congé longue durée pour une première période de six mois en demandant une prise en charge par un psychiatre choisi par l'intéressée. Alors qu'il ressort de ce rapport médical que l'entretien avec Mme C... a duré au moins une heure, la circonstance que le comité médical a pu reprendre des faits mentionnés dans un rapport de l'agence régionale de santé du Nord-Pas-de-Calais en date du 26 novembre 2014, rédigé dans le cadre d'une mission d'inspection sur la manière de servir de Mme C... diligentée par le directeur du centre national de gestion au mois de décembre 2013, n'établit pas que le comité se serait fondé exclusivement sur ce rapport pour diagnostiquer le trouble de la personnalité affectant Mme C.... Par ailleurs, si les médecins composant le comité ont posé à l'intéressée des questions sur sa vie privée, cette circonstance est de nature à attester qu'ils se sont attachés à examiner l'ensemble de sa personnalité, et non à se contenter des faits professionnels retracés dans le rapport de l'agence régionale de santé du Nord-Pas-de-Calais. Il ressort ainsi des pièces du dossier, et notamment de cet avis, qui n'a pas à être rendu après expertise médicale, que, quand bien même le comité n'a pas employé l'expression de " maladie mentale ", il a relevé l'existence d'un trouble suffisamment prononcé au regard des nécessités d'un travail serein au sein du service public hospitalier, évoquant notamment une " structure psychotique de la personnalité ", une " psychorigidité " et une " personnalité pathologique vu les comportements inadaptés, répétitifs et impossible à remettre en question ", pour que ce trouble soit regardé comme constitutif d'une " maladie mentale " au sens des dispositions précitées. Mme C... ne verse au dossier aucun élément susceptible d'établir une erreur dans le diagnostic porté par ce comité sur son aptitude mentale à la date des arrêtés en litige. Par suite, en plaçant par ces arrêtés Mme C... en congé de longue durée à compter du 5 février 2015, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas fait une inexacte appréciation de l'état de santé de l'intéressée. La ministre des solidarités et de la santé est, par conséquent, fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a annulé, pour ce motif, les arrêtés des 5 et 26 février 2015, et la décision rejetant le recours gracieux formé contre ces arrêtés.
4. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C..., tant en première instance qu'en appel.
5. En premier lieu, il ressort de l'arrêté préfectoral du 18 décembre 2014 versé au dossier que les membres du comité médical chargé d'examiner Mme C... ont été désignés parmi les membres du personnel enseignant et hospitalier titulaires et les praticiens hospitaliers, comme l'exige le dernier alinéa de l'article R. 6152-36 du code de la santé publique aux termes duquel " le comité comprend trois membres désignés, lors de l'examen de chaque dossier, par arrêté du préfet sur proposition du directeur général de l'agence régionale de santé, parmi des membres du personnel enseignant et hospitalier titulaires et les praticiens hospitaliers régis par la présente section. ".
6. En deuxième lieu, le moyen selon lequel " l'information du praticien n'a pas été faite conformément à l'article 6 de la loi du 17/07/1978 ", n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
7. En troisième lieu, le moyen tiré de l'absence de motivation des décisions en litige doit être écarté, dès lors que le placement d'office d'un praticien hospitalier en congé longue durée, ou renouvelant ce placement d'office en congé longue durée, ne figure pas au nombre des décisions qui devaient obligatoirement être motivées en application de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, applicable à la date à laquelle les décisions en litige ont été prises.
8. En quatrième lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration, avant la convocation qui est adressée au praticien hospitalier de se présenter devant le comité médical désigné en vertu de l'article R. 6152-36 du code de la santé publique, de l'informer de la procédure dont il est l'objet ou de lui permettre de prendre connaissance de son dossier administratif.
9. En cinquième lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration de faire précéder l'avis émis par le comité médical désigné en vertu de l'article R. 6152-36 du code de la santé publique d'un rapport du médecin du travail ou d'un médecin agréé spécialiste.
10. En dernier lieu, si des éléments du rapport définitif établi par l'agence régionale de santé du Nord-Pas-de-Calais sur la manière de servir de Mme C..., rapport dont elle a eu connaissance par une lettre du 11 décembre 2014 avec la totalité des pièces analysées dans le cadre de cette procédure, ont pu être à l'origine de la décision préfectorale de désigner le comité médical prévu à l'article R. 6152-36 du code de la santé publique, cette circonstance est sans incidence sur la légalité des décisions en litige, compte tenu, d'une part, de l'indépendance de ces deux procédures, et d'autre part, du fait, déjà relevé au point 3 du présent arrêt, que le comité médical, pour émettre son avis, ne s'est pas fondé exclusivement sur ce rapport mais, également et à titre principal, sur l'entretien qu'il a mené avec l'intéressée.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre de la solidarité et de la santé est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé les décisions du 5 et 26 février 2015 prises par le préfet du Pas-de-Calais, ainsi que la décision du 28 mai 2015 de ce même préfet rejetant le recours gracieux formé par Mme C... contre ces décisions. Par conséquent, il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Lille, ainsi que les conclusions qu'elle a présentées devant la présente cour tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1506194 du tribunal administratif de Lille du 5 juillet 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Lille et ses conclusions d'appel tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des solidarités et de la santé et à Mme D... C....
Copie sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.
N°18DA01846 2