Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
MM. D..., E..., H..., F..., A... et C... ont demandé au tribunal administratif de Lille à titre principal, d'annuler le protocole transactionnel conclu entre la communauté d'agglomération de Lens-Liévin et la société Territoires 62, ayant pour objet de mettre fin au litige concernant la concession d'aménagement de la zone d'aménagement concerté Sabès et d'ordonner les restitutions qu'implique l'annulation du contrat ; à titre subsidiaire, d'annuler la délibération par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Lens-Liévin a autorisé son président à signer le protocole transactionnel ayant pour objet de mettre fin au litige concernant la concession d'aménagement de la zone d'aménagement concerté Sabès et d'enjoindre aux parties de se rapprocher pour procéder à la résolution du contrat ou, à défaut, de saisir le juge du contrat afin qu'il prononce l'annulation de la transaction.
Par un jugement n° 1504894 du 16 octobre 2018 le tribunal administratif de Lille a annulé le protocole transactionnel conclu le 13 août 2015 sauf à ce que le conseil communautaire de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin adopte, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, une nouvelle délibération autorisant la signature de ce contrat, au terme d'une procédure respectant le droit à l'information des élus, et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 décembre 2018, le 19 avril 2019 et le 28 juin 2019, M. B... D..., représenté par Me G..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement en tant qu'il permet la régularisation de l'autorisation de signer la transaction ;
2°) d'annuler le protocole transactionnel conclu entre la communauté d'agglomération de Lens-Liévin et la société Territoires 62 ayant pour objet de mettre fin au litige concernant la concession d'aménagement de la zone d'aménagement concerté Sabès et d'ordonner les restitutions qu'implique l'annulation du contrat ;
3°) de rejeter comme irrecevables les conclusions en défense de la société Territoires 62 ;
4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin et de la société Territoires 62 une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de la commande publique ;
- la loi n° 94-679 du 8 août 1994 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur ;
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public ;
- et les observations de Me I... représentant la communauté d'agglomération de Lens-Liévin.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Liévin, a confié, par un traité de concession conclu le 12 août 1991, l'aménagement de la friche Sabès à Liévin à la société immobilière de construction de Liévin. Ce contrat a fait l'objet de huit avenants essentiellement pour proroger sa durée et étendre son périmètre. Cette concession d'aménagement a été reprise tant par la communauté d'agglomération de Liévin, venue aux droits de la commune de Liévin par avenant du 26 août 2004, que par la société Territoires 62, succédant à la société Adévia qui elle-même avait succédé à la société Artois Développement, laquelle était venue aux droits de la société immobilière de construction de Liévin. Par une délibération du 17 mars 2006, la communauté d'agglomération de Lens-Liévin a clôturé l'opération d'aménagement de la friche Sabès, en arrêtant le déficit à la somme de 857 664,64 euros. La société Artois développement, devenue la société Territoires 62, a réclamé à plusieurs reprises le versement de cette somme en application du contrat de concession d'aménagement, mais la communauté d'agglomération de Lens-Liévin a refusé de faire droit à cette demande au motif, selon elle, que l'engagement de la communauté d'agglomération de se substituer dans les droits et obligations de la commune de Liévin ne pouvant être rétroactif, il ne vaut que pour les participations postérieures au 1er janvier 2004. La société Territoires 62 a ensuite saisi la chambre régionale des comptes de Nord Pas-de Calais, devenue la chambre régionale des comptes des Hauts-de-France, en vue d'obtenir l'inscription de la créance au budget de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin. Tout en reconnaissant la réalité de la créance de Territoires 62 envers la communauté d'agglomération, la chambre régionale des comptes a rendu, le 18 avril 2004, un avis aux termes duquel elle a estimé que la dépense n'a pas un caractère obligatoire pour la communauté d'agglomération et qu'une partie de la dette était prescrite. La société Territoires 62 a alors saisi le tribunal administratif de Lille d'une requête aux fins d'annuler cet avis de la chambre régionale des comptes, puis elle s'est désistée de son action en application du protocole transactionnel. Entretemps, par une délibération du 1er juin 2015, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin a autorisé son président à signer un contrat de transaction avec la société Territoires 62, en vue de lui régler la somme de 857 664,64 euros, en contrepartie de la renonciation de cette dernière à réclamer des intérêts moratoires qui s'élèvent à la somme de 158 746 euros et de son désistement de l'action qu'elle avait engagée contre l'avis de la chambre régionale des comptes pour demander la condamnation de la communauté d'agglomération à lui verser les sommes qu'elle estimait dues, et plus généralement renonciation à tout recours lié à l'exécution du contrat. La transaction a été signée par le président le 13 août 2015. Plusieurs élus au sein du conseil communautaire de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin, au nombre desquels M. D... qui a été désigné par les autres requérants comme mandataire unique, au sens de l'article R. 411-5 du code de justice administrative, ont alors contesté devant le tribunal administratif de Lille, à titre principal, la validité de ce contrat de transaction et, à titre subsidiaire, la légalité de la délibération adoptée le 1er juin 2015. Par jugement du 16 octobre 2018 le tribunal administratif de Lille a annulé ce protocole sous condition, le contrat étant annulé sauf à ce que le conseil communautaire de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin adopte, dans un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement, une nouvelle délibération autorisant la signature de ce contrat, au terme d'une procédure respectant le droit à l'information des élus. Le conseil communautaire, par une nouvelle délibération du 13 novembre 2018, a de nouveau autorisé la signature du contrat, de sorte que le contrat de transaction doit être regardé comme n'ayant pas été annulé. M. D..., en sa qualité d'élu au conseil communautaire, relève appel de ce jugement.
Sur la fin de non-recevoir opposée en cause d'appel par la communauté d'agglomération de Lens-Liévin :
2. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a présenté dans le délai de recours, devant la cour administrative d'appel, un mémoire d'appel qui ne constitue pas la seule reproduction littérale de son mémoire de première instance et énonce à nouveau, de manière partiellement différente, les moyens justifiant selon lui l'annulation du protocole transactionnel en litige, et en critiquant le caractère inopérant du moyen tiré de l'illégalité du renoncement aux intérêts moratoires retenu selon lui a tort par les premiers juges, Une telle motivation répond ainsi aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative. La fin de non-recevoir opposée par la communauté d'agglomération de Lens-Liévin doit, dès lors, être écartée.
Sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Territoires 62 :
3. La société Territoires 62 soutient que M. D... ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir car il défendrait ainsi ses propres intérêts, et non ceux de la communauté d'agglomération. Toutefois, indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles.
4. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Par suite, M. D..., en sa qualité d'élu eu sein du conseil communautaire de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin, justifie d'un intérêt pour agir afin de contester le contrat de transaction conclu par la communauté d'agglomération, quelles que soient les conséquences de cette action pour la société Territoire 62. La fin de non-recevoir opposée par la société Territoire 62 doit aussi être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la compétence de la juridiction administrative :
5. Selon l'article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. En vertu de l'article 2052 de ce code, les transactions ayant, entre les parties, l'autorité de chose jugée en dernier ressort, un tel contrat fait obstacle à l'introduction ou la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet.
6. Si la transaction conclue par une personne morale de droit public, est, en principe, un contrat de nature civile, tel n'est pas le cas où il est manifeste que les différends qui s'y trouvent compris ressortissent principalement à la compétence du juge administratif. En l'espèce, la transaction en litige a pour objet de mettre fin à un litige relatif à l'exécution d'un contrat administratif. Par suite, l'exception d'incompétence opposée par la communauté d'agglomération de Lens-Liévin doit être écartée.
En ce qui concerne les fins de non-recevoir relatives à la demande de première instance :
7. En premier lieu, la requête de première instance était présentée par MM. D..., E..., H..., F..., A... et C..., personnes physiques, agissant en leur qualité d'élus au sein du conseil communautaire de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin. Ils justifiaient donc d'un intérêt pour agir en cette qualité, en contestant, notamment, la validité du contrat de transaction. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que la requête était présentée par un groupe d'élus n'ayant pas la personnalité morale doit être écartée.
8. M. D..., élu membre du conseil communautaire, justifiait ainsi d'un intérêt pour agir. Il a été désigné par les autres requérants, également élus, comme mandataire unique au sens de l'article R. 411-5 du code de justice administrative. Dès lors, il avait aussi qualité pour représenter l'ensemble des personnes mentionnées dans la requête collective.
9. En deuxième lieu, si la communauté d'agglomération soutient que la requête de première instance était collective sur les plans personnel, puisqu'elle comportait plusieurs requérants, et réel, dès lors que plusieurs décisions étaient attaquées, cela ne la rendait pas irrecevable, dès lors que tant les requérants, tous élus membres du conseil communautaire, que les décisions attaquées, s'agissant du protocole transactionnel et de la délibération autorisant le président du conseil communautaire à l'adopter présentaient un lien suffisant entre eux. A cet égard, les conclusions d'une requête collective, qu'elles émanent d'un requérant qui attaque plusieurs décisions ou de plusieurs requérants qui attaquent une ou plusieurs décisions, sont recevables dans leur totalité si elles présentent entre elles un lien suffisant. Cette fin de non-recevoir doit être écartée.
10. En troisième lieu, une requête comportant des conclusions mixtes n'est pas, en soi, irrecevable, la circonstance que les conclusions subsidiaires présentées par les intéressés soient irrecevables, dans la mesure où elles tendent à l'annulation d'un acte détachable de la transaction contestée, étant sans incidence sur la recevabilité du recours visant, à titre principal, à contester la validité de ce contrat. M. D... ne conteste pas le rejet par le tribunal administratif de Lille, pour irrecevabilité, de ses conclusions subsidiaires d'excès de pouvoir tendant à l'annulation de la délibération du 1er juin 2015, qui a le caractère d'un acte détachable préalable au contrat de transaction conclu le 13 août 2015, de sorte que le litige, dont la cour est saisie au fond, est uniquement un litige de plein contentieux, en contestation de la validité du contrat de transaction. Cette fin de non-recevoir doit aussi être écartée.
En ce qui concerne la validité du contrat de transaction :
11. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses, est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini.
12. Le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini. Les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Saisi par un tiers, dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.
13. Il appartient à la cour, pour statuer, d'apprécier si un vice entache la validité du contrat de transaction, comme le soutient M. D..., puis, si vice il y a, en fonction de la gravité de celui-ci et compte tenu de l'éventuelle atteinte portée à l'intérêt général, les conséquences à en tirer sur le contrat.
14. Tout d'abord, la recevabilité du moyen soulevé par M. D... est contestée par la société Territoires 62, mais les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge et à la différence des autres tiers au contrat, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini. Il n'y a donc pas de restriction ni au stade de la recevabilité, ni au stade de l'opérance, s'agissant du vice entachant le contrat de transaction, moyen soulevé par un élu communautaire dans le cadre du présent recours. L'exception d'irrecevabilité doit dès lors être écartée.
15. Le contrat de transaction en litige a pour objet de mettre fin au litige d'exécution financière du contrat de concession d'aménagement conclu en 1991, cité au point 1. Parmi les concessions réciproques qui sont consenties entre les parties à la transaction, la société Territoires 62 s'est engagée à renoncer à réclamer les intérêts moratoires qui lui étaient dus, pour un montant de 158 746 euros. Comme le fait valoir M. D..., pour en déduire que le contrat de traction est nul, l'article 67 de la loi n° 94-679 du 8 août 1994 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, qui a été abrogé lors de la codification du code de la commande publique, mais dont l'article L. 2192-14 de ce code reprend le même contenu, dispose : " Toute renonciation au paiement des intérêts moratoires est réputée non écrite. ".
16. Cette règle d'interdiction de renonciation au paiement des intérêts moratoires est d'ordre public, de sorte qu'on ne peut y renoncer par transaction, puisque les dispositions de l'article 67 de la loi du 8 août 1994 interdisent de façon absolue toute renonciation aux intérêts moratoires dus en raison de retards dans le règlement des marchés publics, que cette renonciation intervienne lors de la passation du marché ou postérieurement. Ainsi, notamment, toute délibération de l'organe délibérant de la personne publique responsable du marché qui autoriserait une transaction avec le titulaire du marché ou ses sous-traitants par laquelle ceux-ci renonceraient à tout ou partie des intérêts qui leur seraient dus, serait illégale, quel que soit le moment où elle interviendrait. Toutefois, cette règle d'interdiction de renonciation au paiement des intérêts moratoires ne vaut qu'en matière de marchés publics, et non si le contrat en cause est un contrat d'une autre nature.
17. Ensuite, il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que le contrat conclu le 12 août 1991 est une concession d'aménagement. Les concessions d'aménagement, prévues aux articles L. 300-4 et suivants et R. 300-4 et suivants du code de l'urbanisme, permettent à l'État, aux collectivités territoriales ainsi que leurs établissements publics, de concéder à un tiers, aménageur, sous sa maîtrise d'ouvrage, la réalisation d'une opération ayant pour objet de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. L'aménageur assure la réalisation des travaux et équipements concourant à l'opération prévue dans la concession d'aménagement, ainsi que les études et toutes missions nécessaires à leur exécution. Il peut également être chargé, par le concédant, d'acquérir des biens nécessaires à la réalisation de l'opération, y compris, le cas échéant, par voie d'expropriation ou de préemption. Le concessionnaire se rémunère en procédant à la vente, à la location ou à la concession des biens immobiliers situés à l'intérieur du périmètre de la concession.
18. Les contrats de concession d'aménagement, qui ne constituent pas une catégorie autonome de contrat, revêtent tantôt le caractère d'un marché public, tantôt celui d'une concession, ce qui résulte des dispositions des articles R. 300-4 et suivants du code de l'urbanisme qui distinguent clairement les deux types de concessions d'aménagement. Le critère permettant de distinguer les concessions d'aménagement qui relèvent du droit des marchés publics de celles qui relèvent du droit des concessions réside dans la question de savoir si un risque d'exploitation est supporté par l'aménageur. L'existence d'un risque assumé par l'aménageur doit s'apprécier au regard de l'ensemble des stipulations du contrat de concession conclu en 1991, s'agissant du mode de rémunération retenu, de l'importance des apports et subventions des collectivités publiques, du sort des biens non commercialisés en fin de contrat et des garanties consenties par la personne publique contractante. En l'absence de risques pour le concessionnaire, le contrat de concession d'aménagement relève du régime des marchés publics, résultant notamment de la deuxième partie du code de la commande publique, sous réserve des règles spécifiques édictées par les articles R. 300-11-2 et R. 300-11-3 du code de l'urbanisme, dont l'article L. 2192-14, qui reprend l'article 67 de la loi du 8 août 1994, mentionné au point 15.
19. L'article 3 du traité de concession prévoit : " La ville s'engage à garantir, dans les conditions déterminées par le cahier des charges, si la demande en est faite par les organismes prêteurs, le service des intérêts et le remboursement des emprunts que la société contractera pour la réalisation de la présente opération et à inscrire, en conséquence, à son budget les sommes correspondantes. / Elle s'engage à mettre à la disposition de la Société le produit des emprunts qu'elle aurait souscrit pour la réalisation de cette opération " et l'article 5 du même contrat prévoit que : " l'opération de concession est réalisée sous le contrôle de la ville et à ses risques financiers. En conséquence, à l'expiration de la concession, la Ville bénéficiera du solde positif ou prendra en charge le solde négatif résultant des comptes de l'opération, dans les conditions précisées au cahier des charges ". Il résulte clairement de ces stipulations que le concédant, personne publique, assume les risques financiers du contrat. En outre, le titre V du cahier des charges consacré aux dispositions financières en cours de concession renseigne tout aussi nettement sur l'absence de risques encourus par le concessionnaire, l'article 24 bis relatif aux opérations locatives indiquant : " si toutefois, les droits accordées par le concessionnaire dans le cadre de ces locations à des tiers étaient supérieurs dans le temps à la durée de concession, et si le concédant donnait son accord sur de telles dispositions, le concédant serait tenu, une fois la concession terminée, de reprendre l'ensemble des droits et obligations accordés par le concessionnaire, sans que celui-ci ne puisse être recherché pour quoi que ce soit ", alors que l'article 25 stipule aussi : " Lorsqu'il résulte du budget prévisionnel prévu à l'article 18 que le concessionnaire n'est pas en mesure de faire face aux charges de la quote-part des emprunts garantis en application du présent article, le concédant inscrit à son budget primitif de l'année à venir les crédits nécessaires pour remplir ses obligations vis-à-vis des organismes prêteurs " et l'article 28 relatif à la rémunération du concessionnaire, indiquant au II : " En contrepartie des frais généraux et ses frais de fonctionnement, le concessionnaire perçoit, pour la mission qui lui est confiée à l'article une rémunération globale et forfaitaire calculée sur les dépenses comme suit : (...) ", ces termes étant ceux couramment admis en matière de marché public. ". Enfin, le titre VI du cahier des charges, portant sur les dispositions juridiques et financières sur l'expiration du contrat de concession, traduit également l'absence de risque. L'article 29 rappelle ainsi encore une fois que : " l'opération de concession est réalisée sous le contrôle du concédant et à ses risques financiers / Ainsi qu'il est explicité aux articles 31 et 32 ci-après, à l'expiration de la concession, après rachat de la totalité du patrimoine de l'opération, le bilan de clôture est arrêté par le concessionnaire et approuvé par le concédant. Ce bilan précise le montant définitif de la participation financière du concédant aux travaux d'aménagement de la zone nécessaire pour équilibrer les comptes, majoré de la rémunération de la société et de la perte cumulée ". Il résulte ainsi de ces stipulations que le concessionnaire ne prenait aucun risque financier dans cette opération, le concédant, c'est-à-dire la collectivité publique, supportant seul tous ces risques, le contrat de concession d'aménagement relevant ainsi du régime des marchés publics.
20. Pour le reste, compte tenu de ce qui précède, l'objet du contrat de transaction en litige est bien que la communauté d'agglomération prenne à sa charge le déficit de l'opération d'aménagement, pour un montant total de 857 654,64 euros, mais il prévoit aussi que l'aménageur, la société Territoires 62, s'engage à renoncer aux intérêts moratoires. Le contrat de concession d'aménagement conclu le 12 août 1991 relève donc du régime des marchés publics, et notamment de l'application de la règle de prohibition absolue à toute renonciation aux intérêts moratoires. La validité de la transaction en cause, qui a pour objet de prévoir une telle renonciation, est par suite entachée d'un vice d'une particulière gravité et non régularisable. En outre, ce vice touche une concession déterminante, de sorte que la clause du contrat de transaction prévoyant la renonciation par la société Territoires 62 au paiement des intérêts moratoires n'est pas divisible du reste de ce contrat qui ne pourrait donc être annulé dans cette mesure seulement.
21. Il y a lieu, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M. D..., d'annuler le contrat de transaction conclu le 13 août 2015 par la communauté d'agglomération de Lens-Liévin avec la société Territoires 62, dans sa totalité et sans aucune réserve, l'annulation de ce contrat ne portant pas une atteinte excessive à l'intérêt général, ainsi que le jugement attaqué. Dans ces conditions, M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 16 octobre 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à ce que soit prononcée l'annulation du protocole transactionnel signé le 13 août 2015 entre la communauté d'agglomération de Lens-Liévin et la société Territoires 62.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
22. M. D... demande à la cour, sans aucune précision ou commencement d'explication sur les sommes qui auraient déjà été versées au titre de l'exécution du protocole transactionnel en cause, d'ordonner les restitutions qu'implique l'annulation de ce protocole. Le présent arrêt, qui prononce l'annulation du contrat de transaction en litige, n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions de M. D... en ce sens doivent, par suite, être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par M. D..., à ce que soit mise à sa charge la somme que la communauté d'agglomération de Lens-Liévin et la société Territoires 62 réclament chacune au titre des frais liés au litige. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge solidaire de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin et de la société Territoires 62 la somme de 1 500 euros à verser à M. D... au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1504894 du 16 octobre 2018 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : Le protocole transactionnel conclu le 13 août 2015 entre la communauté d'agglomération de Lens-Liévin et la société Territoires 62 est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.
Article 4 : La communauté d'agglomération de Lens-Liévin et à la société Territoires 62 verseront solidairement la somme de 1 500 euros à M. D... au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par la communauté d'agglomération de Lens-Liévin et la Société Territoires 62 au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à la communauté d'agglomération de Lens-Lievin et à la société Territoires 62.
2
N°18DA02505