Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. H... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2019 par lequel la préfète de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 1900481 du 2 mai 2019, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 mai 2019, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Rouen.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme G... E..., présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant algérien né le 29 décembre 1968, est entré en France le 12 mai 2016 muni de son passeport revêtu d'un visa de court séjour accompagné de son épouse et de ses quatre enfants mineurs. Le 27 février 2018, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 17 janvier 2019, la préfète de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Le préfet de la Seine-Maritime interjette appel du jugement du 2 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ". Selon l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions de procédure s'appliquent aux demandes présentées par les ressortissants algériens : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".
3. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale en Algérie. Lorsque le défaut de prise en charge médicale risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, il appartient à l'autorité administrative, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie.
4. Pour refuser la délivrance du titre de séjour, la préfète de la Seine-Maritime, qui s'est référée à l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 10 décembre 2018, a considéré que si l'état de santé de M. C... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... présente depuis de nombreuses années une scoliose thoracolombaire, consécutive à une polyomélite contractée dans l'enfance, laquelle a entraîné une insuffisance respiratoire chronique équilibrée. Un syndrome d'apnée du sommeil modéré a été posé en novembre 2017 pour le traitement duquel il est appareillé d'une ventilation mécanique non invasive nocturne sans oxygénothérapie additionnelle. Il ne ressort d'aucun des documents médicaux émanant du centre hospitalier de Rouen où il est suivi que ce défaut d'appareillage entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé. Le certificat d'un médecin généraliste daté du 27 août 2019 qui fait état d'un handicap moteur sévère consécutif à l'amyotrophie des membres inférieurs et d'un membre supérieur droit invalide et des troubles respiratoires secondaires à une déformation thoracique importante n'est pas de nature non plus à remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII nonobstant l'indication selon laquelle " son handicap peut potentiellement s'aggraver dans les années à venir ". Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté. Par suite, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 17 janvier 2019 en litige, le tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur ce motif.
6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Rouen et devant la cour.
Sur le moyen commun à la décision portant refus de séjour, portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
7. Par un arrêté du 24 octobre 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, la préfète de la Seine-Maritime a donné délégation à M. D... A..., directeur des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer les décisions en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions contenues dans l'arrêté du 17 janvier 2019 ne peut qu'être écarté.
Sur la décision portant refus de séjour :
8. En vertu de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions individuelles défavorables doivent comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement. La décision attaquée vise les textes dont elle fait application, notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'accord franco-algérien, et mentionne les faits qui en constituent le fondement. En particulier, elle mentionne que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il lui permet de voyager sans risque. Ainsi, et alors même que ces motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, la décision de refus de séjour attaquée répond aux exigences de l'article L. 211-5 précité.
9. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit (...) 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; (...) ".
10. M. C... fait valoir qu'il réside en France avec son épouse et leurs quatre enfants, qui y sont scolarisés. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que son épouse est en situation irrégulière. Rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue en Algérie où le requérant a vécu jusqu'à l'âge de quarante-huit ans. Compte tenu de la faible ancienneté du séjour de l'intéressé sur le territoire national et des conditions de son séjour, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
11. L'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé. Toutefois, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit, en usant à cette fin du pouvoir discrétionnaire dont il dispose pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation. En l'espèce, la préfète de la Seine-Maritime n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle de M. C..., rappelée aux points 5 et 10, en ne procédant pas à une régularisation exceptionnelle de son séjour par la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale ".
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
12. Dès lors que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour est suffisamment motivée et que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision de refus d'un titre de séjour en application des dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
13. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 5 et 9 du présent arrêt, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
14. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
15. La décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an vise le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fait état de la durée de la présence en France de M. C... et de l'absence d'atteinte à sa vie privée et familiale. Elle n'avait pas, en revanche, à faire état expressément de l'absence de circonstances humanitaires susceptibles de faire obstacle en l'espèce au prononcé d'une interdiction de retour. Par suite, cette décision comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde. En conséquence, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
16. Il résulte de ce qui précède que les décisions de refus de séjour et faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'illégalité de ces décisions doit être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 17 janvier 2019 en litige. Par voie de conséquence, les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 par le conseil de l'intéressé doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1900481 du 2 mai 2019 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande de première instance et les conclusions d'appel de M. C... sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. H... C... et à Me B... F....
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
N°19DA01182 2