Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... et Mme F... G... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner le centre hospitalier universitaire d'Amiens à leur verser, chacun, une somme de 30 000 euros au titre de la perte de chance de donner naissance à un enfant vivant et une somme de 5 000 euros au titre de leur préjudice moral.
Par un jugement n° 1601059 du 6 décembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 février 2019 et 24 septembre 2020, M. C... et Mme G..., représentés par Me B... D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner le centre hospitalier universitaire d'Amiens à leur verser, chacun, une somme de 30 000 euros au titre de la perte de chance de donner naissance à un enfant vivant et une somme de 5 000 euros au titre de leur préjudice moral ;
3°) à titre subsidiaire, de diligenter avant dire droit une expertise complémentaire ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire d'Amiens les entiers dépens et le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,
- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,
- et les observations de Me E... H..., représentant le centre hospitalier universitaire d'Amiens.
Considérant ce qui suit :
1. Mme G..., enceinte depuis le 29 septembre 2011 et présentant un tabagisme chronique, se rend le 22 mai 2012 au centre hospitalier universitaire d'Amiens pour une suspicion de rupture de la poche des eaux, écartée par les examens réalisés, qui se révèlent normaux. Elle y est par la suite quotidiennement suivie du 4 au 7 juin 2012, en raison de l'irrégularité constatée du rythme cardiaque foetal ainsi que de douleurs ressenties dans le bas-ventre. Le 8 juin, à la suite de l'arrêt des mouvements actifs foetaux, elle se rend à nouveau au centre hospitalier universitaire d'Amiens, où la mort in utero du foetus est constatée. Estimant fautives les conditions de sa prise en charge, Mme G..., accompagnée de M. C..., le père de l'enfant, saisissent le centre hospitalier universitaire d'Amiens d'une demande en indemnisation qui sera rejetée par une décision du 31 juillet 2013 notifiée le 7 août 2013. Ils saisissent le 7 octobre 2013 le tribunal administratif d'Amiens d'une demande d'expertise, à laquelle il est fait droit par une ordonnance du 7 mai 2014 et dont le rapport est remis par le docteur Delcroix le 4 novembre 2014. Mme G... et M. C... interjettent appel du jugement du 6 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à l'engagement de la responsabilité du centre hospitalier universitaire d'Amiens et à sa condamnation à réparer les préjudices subis de ce fait.
2. Les requérants soutiennent que les premiers juges ne pouvaient légalement écarter la responsabilité du centre hospitalier universitaire d'Amiens à leur égard, alors qu'il résulte du rapport d'expertise du docteur Delcroix que le tabagisme de Mme G... n'ayant pas été mesuré, le centre hospitalier n'a pu mettre en place les techniques médicales pertinentes permettant de sauver le foetus décédé, selon l'expert, d'une hypoxie provoquée par une intoxication au monoxyde de carbone sévère. Ils soutiennent que la mise de Mme G... sous oxygénothérapie dès le 4 juin 2012 aurait permis la normalisation de l'oxygénation de l'enfant à naître et d'éviter son décès in utero.
3. Il résulte cependant de l'instruction, et notamment du rapport critique établi à la demande de l'assureur du centre hospitalier universitaire d'Amiens par le docteur Senthiles, que cette expertise, qui procède par voie d'affirmations péremptoires et comporte des erreurs notamment quant au degré d'intoxication tabagique de Mme G... évalué à quatre paquets par jour alors qu'il est constant qu'elle ne dépassait pas un paquet, est contredite, d'une part, par l'absence d'anormalité morphologique du foetus constatée à la délivrance et, d'autre part, par les recommandations de la Haute autorité de santé qui relève que, si le tabagisme maternel doit donner lieu à une surveillance accrue du rythme cardiaque foetal et faciliter le recours à l'oxygénothérapie, aucune étude ne permet de mesurer l'impact de l'intoxication tabagique sur le risque hypoxique foetal et les complications obstétricales. Le rapport du docteur Senthiles ajoute qu'aucune société savante nationale ou internationale n'a, au demeurant, recommandé la mise sous oxygénothérapie des parturientes tabagiques pour prévenir les morts foetales in utero. En tout état de cause, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la prise en charge du tabagisme chronique de Mme G... à compter du 22 mai 2012, soit à 36 semaines d'aménorrhée, n'aurait pas été de nature à prévenir le risque réalisé de mort foetale in utero.
4. Par ailleurs, il résulte de l'instruction et, notamment, des documents médicaux produits par les requérants eux-mêmes et du rapport critique du docteur Senthiles, que le décès in utero de l'enfant de Mme G... est " secondaire à un double circulaire serré associé à un noeud au cordon avec une strangulation faciale " et qu'une telle anomalie funiculaire était impossible à détecter en anténatal. Ainsi, contrairement à ce qu'affirme le docteur Delcroix, les troubles du rythme cardiaque foetal et la diminution des mouvements actifs du foetus ne trouvent pas leur origine dans l'intoxication tabagique du foetus, aucune étude n'ayant permis d'établir un tel lien, mais ont pu en revanche être provoqués par la pathologie funiculaire intra-utérine.
5. Il résulte enfin de l'instruction que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le rapport critique du docteur Senthiles aborde la question de la perte de chance d'éviter la mort foetale in utero par un déclenchement anticipé de l'accouchement, et qu'il relève à cet égard que " l'absence de décision de déclenchement ne peut être considérée comme fautive et responsable d'une perte de chance ". Or, les requérants n'apportent aucun élément de nature à contredire cette conclusion puisque que si le 4 juin le monitoring pratiqué montrait un rythme cardiaque foetal irrégulier, le second monitoring réalisé le 5 juin se révélera rassurant et, le rythme cardiaque étant revenu à la normale les 6 et 7 juin, l'état de Mme G... n'imposait pas le déclenchement anticipé de l'accouchement.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de diligenter une nouvelle expertise, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à l'engagement de la responsabilité du centre hospitalier universitaire d'Amiens à leur égard.
Sur les dépens :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de confirmer le jugement en tant qu'il laisse les frais d'expertise à la charge de Mme G... et de M. C....
Sur les frais liés à l'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier universitaire d'Amiens, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à Mme G... et M. C... la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme G... et M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... G..., à M. A... C..., au centre hospitalier universitaire d'Amiens et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise.
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N°19DA00306