Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Avant-Propos a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'office public de l'habitat Lille Métropole Habitat à lui verser une somme de 272 638,39 euros toutes taxes comprises assortie des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de la requête et des intérêts capitalisés et de mettre à la charge de l'office public de l'habitat Lille Métropole Habitat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance n° 1605093 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 mars 2019 et le 18 mars 2020, la société Avant-Propos, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de condamner l'office public de l'habitat Lille Métropole Habitat à lui verser une somme de 272 638,39 euros toutes taxes comprises assortie des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de la requête devant le tribunal administratif le 6 juillet 2016 et des intérêts capitalisés ;
3°) de mettre à la charge de l'office public de l'habitat Lille Métropole Habitat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur ;
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public ;
- les observations de Me C..., représentant la société Avant-Propos et de Me B... pour l'office public de l'habitat Lille Métropole Habitat.
Considérant ce qui suit :
1.La société Avant-Propos a réalisé des premières esquisses concernant un projet de construction sur un terrain situé à Tourcoing, Section HT 284, rue de Bradford et rue d'Armentières, pour un groupement de promoteurs qui avait envisagé d'acquérir ce terrain. Toutefois l'opération n'a pas pu se faire pour une raison sans lien avec le présent litige. Le terrain a été acquis par la société CGC Investissements. Un permis de construire a été déposé pour le compte de la SCCV Bradford, contrôlée par la société CGC Investissements. Un contrat de vente a été conclu le 12 février 2015 entre la société CGC Investissements et l'office public de l'habitat Lille Métropole Habitat qui porte, à hauteur de 450 000 euros hors taxes sur le terrain nu destiné à la réalisation d'un immeuble collectif et, à hauteur de 227 199 euros hors taxes sur des " frais d'étude et de montage du permis de construire partiellement transféré. Le 27 mai 2013 l'office public de l'habitat Lille Métropole Habitat a conclu avec un groupement dont la société Avant-Propos était mandataire, un contrat de maîtrise d'oeuvre pour une mission portant notamment sur la relecture des pièces, des études de projet et l'assistance pour la passation des contrats de travaux, dans le cadre de la construction de 57 logements sur le même site.
2. Par courrier du 3 décembre 2015, la société Avant-Propos a demandé à l'office public de l'habitat Lille Métropole Habitat, qui en a refusé le paiement, le versement de la somme de 272 638,39 euros toutes taxes incluses pour des frais d'étude et de conception. Elle relève appel de l'ordonnance du 31 décembre 2018 prise sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à ce que l'office public de l'habitat Lille Métropole Habitat soit condamné à lui verser cette somme.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
3. En vertu de l'article L. 5 du code de justice administrative, l'instruction des affaires est contradictoire. En vertu du dernier alinéa de l'article R. 611-7 de ce code, il n'est pas fait application de l'obligation de communiquer aux parties un moyen susceptible d'être relevé d'office par la juridiction, prévue par le premier alinéa du même article, lorsqu'il est notamment fait application des dispositions de l'article R. 222-1 qui prévoient que : " (...) les présidents de formation de jugement de tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) / 2° rejeter les requêtes ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative ; / (...) ". En vertu du deuxième alinéa de l'article R. 611-1 du même code, le premier mémoire en défense de chaque défendeur est communiqué aux parties.
4. Par l'ordonnance attaquée du 31 décembre 2018 prise sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de la société Avant-Propos tendant à la condamnation de l'office public de l'habitat Lille Métropole Habitat à lui verser la somme de 272 638,39 euros comme irrecevables. Il ressort des pièces du dossier que le premier mémoire en défense de l'office public de l'habitat Lille Métropole Habitat qui relevait l'absence de lien contractuel avec la société Avant-Propos et notait qu'il appartenait à la société Avant-Propos d'agir contre la société CGC Investissements pour faire valoir ses droits au titre de leur relation contractuelle n'a pas été communiqué à la requérante alors même que l'ordonnance relève qu'il " n'est pas contesté que ces prestations trouvent leur cause juridique dans la conclusion de ce contrat de droit privé ".
5. Si le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Lille pouvait prendre une ordonnance sur le fondement de l'ordonnance de l'article R. 222-1 du code de justice administrative même après avoir communiqué la requête au défendeur, il ne pouvait rejeter la demande dont il était saisi en se fondant sur les éléments contenus dans le mémoire en défense produit par l'office public de l'habitat Lille Métropole Habitat sans avoir préalablement mis à même la société Avant-Propos de présenter ses observations sur ce mémoire en le lui communiquant. L'ordonnance qui a ainsi été rendue en violation du caractère contradictoire de l'instruction, est irrégulière et doit être annulée.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de la société Avant-Propos présentées devant le tribunal administratif de Lille.
Sur les conclusions indemnitaires de la société Avant-Propos :
7. En premier lieu, la société Avant-Propos demande la condamnation de l'office public de l'habitat Lille Métropole Habitat à lui verser la somme de 272 638,39 euros en faisant valoir l'existence d'un accord de relation d'affaires non formalisé, concernant des études d'esquisses et d'avant-projet visant au dépôt du dossier de permis de construire, et concernant donc des missions distinctes de celles visées par le contrat signé le 27 mai 2013 avec cet office.
8. Il résulte toutefois de l'instruction que la société Avant-Propos a adressé le 21 février 2013 à la société CGC Investissement, un courrier lui rappelant qu'elle lui avait confié une mission de maîtrise d'oeuvre partielle comprenant des études d'esquisse et d'avant-projet, pour le projet situé rue d'Armentières à Tourcoing, pour un montant de 227 199,55 euros hors taxes. Pour cette même opération, elle lui a adressé le 18 février 2015 une note d'honoraires pour des esquisses et avant-projet pour un montant de 272 638,39 euros toutes taxes comprises. Elle n'a pu obtenir le règlement de cette somme par la société CGC Investissement. Mais en l'absence de tout élément probant accréditant l'existence d'une volonté de l'office public de l'habitat Lille Métropole Habitat de se lier à elle pour ces études d'esquisse et d'avant-projet, elle n'est pas fondée à soutenir que l'office se serait engagé contractuellement à son égard pour ces mêmes prestations, dont le seul donneur d'ordre était la société CGC Investissements et alors qu'au demeurant l'office en a réglé le coût à cette société lors de l'achat du terrain.
9. En deuxième lieu, la société Avant-Propos soutient que l'office public de l'habitat Lille Métropole Habitat profiterait de ses prestations et d'un enrichissement sans cause. Toutefois, en l'espèce, alors que l'absence de toute intention contractuelle est avérée, les conclusions ayant pour fondement l'enrichissement sans cause développées pour la première fois en cause d'appel constituent une demande nouvelle et sont dès lors irrecevables. En tout état de cause, ainsi que cela a été dit au point 8, l'office a réglé le coût des prestations d'esquisses et d'avant-projet réalisés par la société Avant-Propos à la société CGC Investissements.
10. En troisième lieu, la société Avant-Propos soutient que la responsabilité quasi-délictuelle de l'office public de l'habitat Lille Métropole Habitat doit être engagée. Toutefois elle se borne à alléguer à titre subsidiaire ce fondement de responsabilité, sans l'assortir des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Avant-Propos n'est pas fondée à obtenir la condamnation de l'office public de l'habitat Lille Métropole Habitat à lui verser une somme de 227.199,55 euros hors taxes soit 272 638,39 euros toutes taxes comprises.
Sur les frais d'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'office public de l'habitat Lille Métropole Habitat une somme à ce titre tant en première instance qu'en appel. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Avant-Propos le versement à l'office public de l'habitat Lille Métropole Habitat d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui tant en première instance qu'en appel et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1605093 du 31 décembre 2018 du tribunal administratif de Lille est annulée.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Avant-Propos est rejeté.
Article 3 : La société Avant-Propos versera à l'office public de l'habitat Lille Métropole Habitat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Avant-Propos et à l'office public de l'habitat Lille Métropole Habitat.
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N°19DA00592