Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 23 mai 2019 du préfet de la Seine-Maritime refusant de lui renouveler son titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure.
Par un jugement n° 1903190 du 12 décembre 2019, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à sa demande et a enjoint au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 17 janvier 2020, le 16 octobre 2020 et le 5 novembre 2020, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Rouen.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., de nationalité marocaine née le 6 mai 1978, entrée en France le 28 février 2013 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour valable du 16 février 2013 au 16 mai 2013, a demandé, le 12 octobre 2015, son admission au séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-14 du même code. Elle s'est vu délivrer en qualité d'étranger malade un titre de séjour valable du 24 mars 2016 jusqu'au 23 mars 2017, renouvelé jusqu'au 23 mars 2018. Le 19 février 2018, Mme B... a demandé le renouvellement de son titre de séjour. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 12 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a, à la demande de Mme B..., annulé l'arrêté du 23 mai 2019 refusant de lui renouveler son titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure.
Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. " Aux termes de l'article 62 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " L'admission provisoire est demandée sans forme au président du bureau ou de la section ou au président de la juridiction saisie. Elle peut être prononcée d'office si l'intéressé a formé une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été définitivement statué. "
3. Eu égard aux circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur le moyen d'annulation retenu par le jugement contesté :
4. Pour annuler l'arrêté du 23 mai 2019 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de renouveler le titre de séjour de Mme B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination de cette mesure, le tribunal administratif de Rouen a estimé que Mme B... justifiait d'une insertion professionnelle, démontrait sa capacité d'intégration par le travail et avait des liens stables, anciens et intenses sur le territoire français et qu'ainsi, la décision de refus de titre de séjour était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Il ressort tout d'abord des pièces du dossier que, si à la date de l'arrêté en litige, Mme B... travaillait depuis le 2 janvier 2014 comme coiffeuse, cette activité a cependant été exercée à temps partiel jusqu'au 1er juin 2019, date à laquelle elle a bénéficié d'un contrat à durée indéterminée à temps plein, postérieurement à l'arrêté du 23 mai 2019 attaqué. Par ailleurs, Mme B... est célibataire et sans charge de famille et n'établit pas avoir constitué des liens privés et familiaux intenses en France. En outre, elle n'établit pas être isolée dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-cinq ans, malgré la présence en France de son frère et de sa soeur, tous deux de nationalité française. Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'en refusant de renouveler son titre de séjour, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Par suite, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté attaqué du 23 mai 2019.
5. Il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et en appel par Mme B....
Sur le refus de titre de séjour :
6. En premier lieu, la décision attaquée du 23 mai 2019 vise les dispositions du 7° et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle vise aussi l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 1er octobre 2018 et fait également état de la situation de Mme B... tant personnelle que familiale au regard des conditions et de la durée de son séjour en France. Par suite, et alors même que ses motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle et familiale de l'intéressée, la décision en litige, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est régulièrement motivée au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".
8. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. "
9. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant: a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. "
10. L'avis émis le 1er octobre 2018 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui n'avait pas à comporter la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical relatif à l'état de santé de Mme B..., a été produit par l'autorité administrative en appel et cet avis a été établi conformément au modèle figurant à l'annexe C de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, cet avis a été émis par le collège des médecins de l'OFII, qui ont été désignés par une décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 17 janvier 2017, modifiée par une décision du 14 février 2019 publiée au bulletin officiel du ministère de l'intérieur. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les moyens tirés de l'incompétence des auteurs de cet avis, de l'insuffisance de motivation et du vice de procédure doivent être écartés.
11. En troisième lieu, l'avis émis le 1er octobre 2018 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration précise que l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Si Mme B... souffre d'un lupus érythémateux systémique pour lequel elle suit un traitement médical dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle ne produit pas en appel de nouveaux éléments susceptibles de remettre en cause le bien-fondé de l'avis émis le 1er octobre 2018 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a considéré qu'elle pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que son état de santé ne s'opposait pas à un voyage vers le Maroc. En outre, le préfet de la Seine-Maritime établit que l'hydroxychloroquine est disponible et commercialisé au Maroc et qu'ainsi, Mme B... peut effectivement y bénéficier du traitement de sa pathologie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
12. Pour les motifs énoncés aux points précédents, le moyen tiré de l'illégalité de la décision faisant obligation à Mme B... de quitter le territoire français à raison de l'illégalité du refus de titre de séjour, doit être écarté.
13. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 4, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de Mme B... doit également être écarté.
14. Il résulte de ce qui vient d'être dit, que la demande de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mai 2019 du préfet de la Seine-Maritime refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination de cette mesure doit être rejetée.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement du 12 décembre 2019 du tribunal administratif de Rouen doit être annulé et que la demande de première instance de Mme B... doit être rejetée, ensemble ses conclusions d'appel en injonction et celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Mme B... est admise, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le jugement n° 1903190 du 12 décembre 2019 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 3 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Rouen et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme D... B... et à Me A... C....
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
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N°20DA00090