Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 20 avril 2020 du préfet du Calvados lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination de cette mesure et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2001508 du 15 mai 2020, la présidente du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2020, M. D..., représenté par Me B... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 avril 2020 du préfet du Calvados ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. D... de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien relatif à l'entrée et au séjour du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., de nationalité tunisienne né le 24 janvier 1988, entré en France à la fin de l'année 2010, selon ses déclarations, s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français et a été écroué le 30 janvier 2020 à la maison d'arrêt de Caen à la suite de sa condamnation à quatre mois d'emprisonnement pour des faits d'apologie publique d'un acte de terrorisme au moyen d'un service de communication en ligne. Il relève appel du jugement du 15 mai 2020 par lequel la présidente du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 avril 2020 du préfet du Calvados lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination de cette mesure et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, M. D... soulève à nouveau de manière identique ses moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision en litige et du défaut d'examen complet de sa situation personnelle. Toutefois, il n'apporte pas en appel d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le premier juge sur ces moyens. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge, de les écarter.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale : " I. - Dans le cadre des enquêtes prévues à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, aux articles L. 114-1, L. 114-2, L. 211-11-1, L. 234-1 et L. 234-2 du code de la sécurité intérieure et à l'article L. 4123-9-1 du code de la défense, les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes, à l'exception des cas où sont intervenues des mesures ou décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenues définitives, ainsi que des données relatives aux victimes, peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par : (...) 5° Les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'Etat. L'habilitation précise limitativement les motifs qui peuvent justifier pour chaque personne les consultations autorisées. Lorsque la consultation révèle que l'identité de la personne concernée a été enregistrée dans le traitement en tant que mise en cause, l'enquête administrative ne peut aboutir à un avis ou une décision défavorable sans la saisine préalable, pour complément d'information, des services de la police nationale ou des unités de la gendarmerie nationale compétents et, aux fins de demandes d'information sur les suites judiciaires, du ou des procureurs de la République compétents. Le procureur de la République adresse aux autorités gestionnaires du traitement un relevé des suites judiciaires devant figurer dans le traitement d'antécédents judiciaires et relatif à la personne concernée. 17 indique à l'autorité de police administrative à l'origine de la demande si ces données sont accessibles en application de l'article 230-8 du présent code (...) ". Aux termes de l'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité´ : " Il est procédé´ à la consultation prévue à l'article L. 234-1 du code de la sécurité´ intérieure pour l'instruction des demandes d'acquisition de la nationalité´ française et de délivrance et de renouvellement des titres relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers ainsi que pour la nomination et la promotion dans les ordres nationaux ". Aux termes de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure : " (...) V. - Il peut être procédé à des enquêtes administratives dans les conditions prévues au second alinéa du I du présent article pour la délivrance, le renouvellement ou le retrait d'un titre ou d'une autorisation de séjour sur le fondement des articles L. 121-4, L. 122-1, L. 311-12, L. 313-3, L. 314-3 et L. 316-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou des stipulations équivalentes des conventions internationales ainsi que pour l'application des articles L. 411-6, L. 711-6, L. 712-2 et L. 712-3 du même code ".
4. Si M. D... soutient que le préfet a procédé à la consultation des données à caractère personnel le concernant figurant dans le traitement des procédures judiciaires en cours ou closes alors que cette décision n'entre pas dans le champ d'application du V de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, d'une part, il n'établit pas la réalité de cette allégation et, d'autre part, et en tout état de cause, le préfet du Calvados justifie, par l'extrait de casier judiciaire de l'intéressé qu'il produit, qu'il s'est fondé sur les condamnations y figurant pour prendre la décision en litige. Il n'a ainsi pas procédé à la consultation du fichier des antécédents judiciaires du requérant. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 7° L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française (...) ".
6. M. D... soutient qu'il est marié depuis le 16 mai 2015 avec une ressortissante française et que leur union dure depuis huit ans. Toutefois, les seules factures produites et les attestations de proches peu circonstanciées ne permettent pas d'établir la réalité et l'effectivité de la vie commune. En outre, il ressort des pièces versées par le préfet du Calvados, en particulier de l'entretien de communauté de vie effectué à la demande de cette autorité, que des discordances importantes dans les déclarations de M. D... et de son épouse, placée sous curatelle renforcée, ont été relevées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
7. M. D... soutient que la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation résultant de l'impossibilité de quitter le territoire en raison de la fermeture des frontières due aux mesures de confinement adoptées dans le cadre de la lutte contre la crise sanitaire. Toutefois, cette circonstance, qui est relative à l'exécution de la décision litigieuse, est, par elle-même, sans incidence sur sa légalité.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans :
8. La décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant trois ans n'est prise ni sur le fondement de la décision refusant d'octroyer à M. D... un délai de départ volontaire, ni pour son application. Par suite, le requérant ne peut utilement exciper de l'illégalité de cette seconde décision à l'encontre de la première. En tout état de cause, il résulte de ce qui précède que la décision interdisant à M. D... de retourner sur le territoire français de trois ans n'est pas dépourvue de base légale.
9. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger (...). La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
10. M. D... est entré irrégulièrement sur le territoire français et n'a jamais cherché à régulariser sa situation administrative. En outre, il est connu sous huit identités différentes et s'est soustrait à deux mesures d'éloignement prononcées les 11 mars 2015 et 15 novembre 2017. Compte tenu de ces éléments et au regard de la situation familiale de M. D... rappelée au point 6 ainsi que des condamnations pénales dont M. D... a fait l'objet pour des faits de recel de bien provenant d'un vol avec destruction ou dégradation en 2015, d'usage illicite de stupéfiants en 2015, d'apologie publique d'un acte de terrorisme au moyen d'un service de communication en ligne en 2018, et d'agression sexuelle sur mineure, cette dernière infraction ayant donné lieu en 2017 à une peine de cinq ans et six mois d'emprisonnement, le préfet du Calvados n'a pas commis d'erreur d'appréciation en fixant à trois ans la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à l'encontre de l'intéressé, eu égard aux nécessités de la sécurité publique, de la défense de l'ordre et de la prévention des infractions pénales. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la présidente du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 par le conseil de l'intéressé.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., au ministre de l'intérieur et à Me B... C....
Copie sera adressée au préfet du Calvados.
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N°20DA00940