Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... B... et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner in solidum la commune de Cambrai et le département du Nord à garantir Mme C... de la somme de 16 922,39 euros susceptible d'être mise à sa charge par le tribunal de grande instance de Nanterre à l'occasion de l'instance liée à l'assignation en date du 15 janvier 2018 qui lui a été délivrée par la société de location de véhicules Rent-a-Car.
Par un jugement n° 1804867 du 11 mai 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 juin et 25 novembre 2020, M. B... et Mme C..., représentés par Me F... D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner solidairement la commune de Cambrai et le département du Nord à garantir Mme C... de la somme de 11 493,49 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er août 2017, mise à sa charge par un jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 4 juin 2020 ;
3°) de condamner solidairement la commune de Cambrai et le département du Nord à verser à M. B... une somme de 2 000 euros en indemnisation du préjudice moral résultant de l'accident du véhicule qu'il conduisait ;
4°) de condamner solidairement la commune de Cambrai et le département du Nord à leur verser la somme de 3 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code la voierie routière ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n °2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- l'arrêté du 7 juin 1977 relatif à la signalisation des routes et autoroutes ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience :
- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,
- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,
- et les observations de Me F... D..., représentant Mme C... et M. B....
Une note en délibéré présentée pour Mme C... et M. B... a été enregistrée le 2 février 2021.
Considérant ce qui suit :
1. Le 22 décembre 2016, le véhicule utilitaire que conduisait M. B... et que Mme C... avait loué auprès de la société Rent-a-car, a heurté le tablier du pont enjambant le chemin de la Blanchisserie dans la commune de Cambrai. Estimant qu'un défaut de signalisation de la hauteur du pont, constitutif d'un défaut d'entretien de la voirie routière, était à l'origine de cet accident, M. B... et Mme C... ont saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande tendant à la condamnation solidaire de la commune de Cambrai et du département du Nord à leur verser, en indemnisation des préjudices subis, la somme totale de 16 922,39 euros. M. B... et Mme C... interjettent appel du jugement du 11 mai 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille, a rejeté leur demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller ou ayant une ancienneté minimale de deux ans statue en audience publique et après audition du rapporteur public, sous réserve de l'application de l'article R. 732-1-1 : (...) 10° Sauf en matière de contrat de la commande publique, sur toute action indemnitaire ne relevant pas des dispositions précédentes, lorsque le montant des indemnités demandées est inferieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15. " L'article R. 222-14 précise que ces dispositions sont applicables aux demandes dont le montant n'excède pas 10 000 euros. Aux termes de l'article R. 222-15 : " Ce montant est déterminé par la valeur totale des sommes demandées dans la requête introductive d'instance (...) ".
3. En l'espèce, dans leur requête introductive d'instance enregistrée le 4 juin 2018 au tribunal administratif de Lille, Mme C... et M. B... ont demandé la condamnation solidaire de la commune de Cambrai et du département du Nord à garantir Mme C... " des sommes qui seraient mises à sa charge par le tribunal de grande instance de Nanterre dans l'instance l'opposant à la société Rent-a-Car au titre de l'assignation qui lui a été délivrée en date du 15 janvier 2018 " par cette société. La copie de cette assignation, dans laquelle la société Rent-a-Car demandait qu'il soit jugé que Mme C... lui était redevable de la somme de 12 922,39 euros correspondant au coût de réparation du véhicule qu'elle avait loué, était jointe à leur requête introductive d'instance. L'action indemnitaire ainsi introduite par Mme C... et M. B... devant le tribunal administratif de Lille tendait à ce que Mme C... soit garantie par la commune de Cambrai et le département du Nord des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle par le juge judiciaire dans la limite de 12 922,39 euros. Par suite, le litige n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions du 10° de l'article R. 222-13 du code de justice administrative et n'était donc pas au nombre de ceux sur lesquels le juge unique pouvait statuer.
4. Il résulte de ce qui précède que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille n'était pas compétent pour statuer sur la demande présentée par Mme C... et M. B.... Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen d'irrégularité soulevé, le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé.
5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... et M. B... devant le tribunal administratif de Lille.
Sur la responsabilité de la commune de Cambrai et du département du Nord :
6. D'une part, il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'ouvrage. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit de l'entretien normal de l'ouvrage, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.
7. D'autre part, aux termes de l'article L. 113-1 du code de la voirie routière : " Les règles relatives au droit de placer en vue du public des indications ou signaux concernant la circulation sont fixées par l'article L. 411-6 du code de la route, ci-après reproduit : Art. L. 411-6. - Le droit de placer en vue du public, par tous les moyens appropriés, des indications ou signaux concernant, à un titre quelconque, la circulation n'appartient qu'aux autorités chargées des services de la voirie. " Aux termes de l'article L. 411-1 du code de la route : " Les règles relatives aux pouvoirs de police de la circulation routière dévolus au maire dans la commune (...) sont fixées par les articles L. 2213-1 à L. 2213-6 du code général des collectivités territoriales. " Aux termes de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et l'ensemble des voies publiques ou privées ouvertes à la circulation publique à l'intérieur des agglomérations, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat dans le département sur les routes à grande circulation. " L'article R. 411-25 du code de la route dispose que : " Le ministre chargé de la voirie nationale et le ministre de l'intérieur fixent par arrêté conjoint publié au Journal officiel de la République française les conditions dans lesquelles est établie la signalisation routière pour signifier une prescription de l'autorité investie du pouvoir de police ou donner une information aux usagers (...) ".
8. Pour rechercher la responsabilité de la commune de Cambrai et du département du Nord, les requérants soutiennent que la hauteur maximale des véhicules autorisés à passer sous le pont enjambant le chemin de la Blanchisserie n'était pas correctement signalée, en méconnaissance des dispositions de l'instruction interministérielle sur la signalisation routière du 22 octobre 1963 approuvée par l'arrêté du 7 juin 1977 relatif à la signalisation des routes et autoroutes, et dont l'article 61 dispose " que tous les passages où la hauteur libre au-dessus d'un point quelconque de la chaussée est inférieure à 4,30 mètres doivent être signalés (...). Dans le cas d'un pont ou d'un tunnel, il est recommandé de répéter le panneau B12 sur l'ouvrage dans l'axe de la chaussée ". Ils soutiennent également que les dispositions de l'article 33 (partie II) de ladite instruction, relatives aux passages inférieurs ou tunnels de hauteur limitée, selon lesquelles " les conducteurs des véhicules dont le gabarit atteint ou dépasse la hauteur autorisée doivent être prévenus de cette limitation en un point, en général origine de déviation, d'où ils peuvent contourner l'obstacle ", ont été méconnues.
9. Il résulte de l'instruction qu'un panneau rappelant la hauteur du pont était installé directement sur le tablier du pont dans l'axe de la chaussée, de sorte que la responsabilité du département du Nord, chargé de l'entretien du pont, ne peut être engagée pour défaut d'entretien normal de cet ouvrage public. En revanche, s'agissant de la voirie communale, il résulte de l'instruction qu'en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 33 de l'instruction interministérielle, le panneau B12 d'indication de la hauteur du pont était implanté le long de la rue du Marais Cantimpré et non à l'angle de cette rue et de la rue du Champ de tir, à un endroit où le véhicule, déjà engagé, ne rencontrerait plus d'autre croisement permettant de contourner l'obstacle constitué par la hauteur insuffisante du pont. Cette signalisation inappropriée de la hauteur limitée du pont sur la voirie communale est constitutive d'un défaut d'entretien normal de nature à engager la responsabilité de la commune de Cambrai, chargée de l'entretien de la voie.
10. Il résulte toutefois de l'instruction que M. B... s'est engagé à une vitesse élevée sous le pont, malgré la hauteur excessive de son véhicule qu'il ne pouvait ignorer, alors qu'ainsi qu'il a été dit au point précédent, un panneau rappelant la hauteur limitée du pont était apposé sur le tablier de cet ouvrage public, qu'il avait été préalablement informé de cette hauteur limitée par le premier panneau situé le long de la rue du Marais Cantimpré et qu'une large esplanade se trouvait à l'angle de la rue du Marais Cantimpré et du chemin de la Blanchisserie où il aurait pu, le cas échéant, réaliser un demi-tour. Il y a, par suite, lieu de juger que ces fautes d'imprudence et de manque de vigilance sont de nature à exonérer la commune de Cambrai de sa responsabilité à hauteur de 60 %.
Sur la réparation des préjudices subis :
11. Par jugement du 4 juin 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a condamné Mme C... à verser à la société Rent-a-Car une somme de 11 493,49 euros correspondant aux frais de réparation du véhicule endommagé. Compte tenu du partage de responsabilité retenu au point 10, il y a lieu de condamner la commune de Cambrai à verser à Mme C... une somme de 4 597,40 euros. En revanche, M. B... n'établissant pas la réalité de son préjudice moral, il n'y a pas lieu de condamner la commune de Cambrai à lui verser une indemnité à ce titre.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Cambrai demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Cambrai la somme de 1 500 euros à verser à Mme C....
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du département du Nord dirigées contre M. B... et Mme C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ni de faire droit aux conclusions de la commune de Cambrai dirigées contre M. B..., ni de faire droit aux conclusions de M. B... et de Mme C... dirigées contre le département du Nord, ni de faire droit aux conclusions de M. B... dirigées contre la commune de Cambrai, au titre de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1804867 du tribunal administratif de Lille du 11 mai 2020 est annulé.
Article 2 : La commune de Cambrai est condamnée à verser à Mme C... une somme de 4 597,40 euros.
Article 3 : La commune de Cambrai versera à Mme C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions du département du Nord, de la commune de Cambrai et de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à M. E... B..., à la commune de Cambrai et au département du Nord.
N°20DA00826 2