Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D... épouse G... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 4 mars 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure.
Par un jugement n° 2001283 du 8 septembre 2020, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'ensemble des décisions contenues dans l'arrêté du 4 mars 2020.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 28 septembre 2020 sous le n° 20DA01524, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme D... épouse G... devant le tribunal administratif de Rouen.
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II. Par une requête enregistrée le 28 septembre 2020 sous le n° 20DA01525, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution du jugement du tribunal administratif de Rouen du 4 mars 2020.
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Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... E..., présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur la jonction :
1. Les requêtes n° 20DA01524 et n° 20DA01525 présentées par le préfet de la Seine-Maritime sont relatives à la situation d'un même ressortissant étranger et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Mme D... épouse G..., ressortissante sénégalaise, née le 15 mars 1989, est entrée en France le 28 avril 2014. Le 20 mars 2019, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en sa qualité de conjointe de Français. Le préfet de la Seine-Maritime fait appel du jugement du 8 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 4 mars 2020 refusant à Mme D... épouse G... la délivrance d'un titre séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure.
3. Aux termes des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. "
4. Aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire (...) sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 311-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France ou de l'article L. 121-1, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire de l'un des documents de séjour suivants : / 1° Un visa de long séjour, d'une durée maximale d'un an (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 211-2-1 de ce même code : " (...) / Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour. "
5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la production d'un visa de long séjour, délivré, le cas échéant, selon les modalités fixées au sixième alinéa précité de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est au nombre des conditions auxquelles est subordonnée la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du même code. Dès lors, le préfet peut refuser une telle carte de séjour en se fondant sur le défaut de production par l'étranger d'un visa de long séjour. Toutefois, le dépôt d'une demande de carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile vaut implicitement dépôt d'une demande de visa de long séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 211-2-1 du même code.
6. La légalité d'une décision administrative frappée d'un recours pour excès de pouvoir s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise. Ainsi, il appartient, en principe, au préfet d'apprécier si les conditions posées par les dispositions législatives et réglementaires applicables à la délivrance ou au renouvellement d'un titre de séjour sont remplies à la date à laquelle il se prononce sur la demande.
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... épouse G... est entrée régulièrement en France le 28 avril 2014 munie d'un visa de court séjour. Elle produit pour la première fois en appel des pièces attestant suffisamment de sa présence en France entre 2014 et 2017. Elle réside dans la commune de Saumont La Poterie, dans le département de Seine-Maritime, depuis l'année 2017. Le 10 novembre 2018, elle a épousé sur le territoire français un ressortissant français. Les attestations et les pièces produites en première instance démontrent l'existence d'une communauté de vie avec son époux, qui n'a pas cessé entre le mariage et la date du 4 mars 2020 de l'arrêté attaqué, pris un an après sa demande de titre de séjour. Si son époux a informé le préfet de la Seine-Maritime que Mme G... avait quitté le domicile conjugal le 4 juillet 2020 et qu'une procédure de divorce était en cours, ces circonstances, postérieures à l'arrêté litigieux, sont sans influence sur sa légalité alors, en outre, que Mme G... soutient que son départ du domicile conjugal résulte des violences conjugales que lui faisait subir son époux et qu'elle produit un certificat médical en date du 24 juin 2020 corroborant ses dires ainsi qu'une attestation de prise en charge du pôle d'accueil violence intra familiale. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité de conjointe de Français, le préfet de la Seine-Maritime a méconnu les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile
8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 4 mars 2020.
Sur les conclusions de la requête tendant au sursis à l'exécution du jugement du 8 septembre 2020 :
9. La cour se prononçant, par le présent arrêt, sur les conclusions du préfet de la Seine-Maritime tendant à l'annulation du jugement du 8 septembre 2020, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me F..., avocat de Mme D... épouse G..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me F... de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du préfet de la Seine-Maritime enregistrée sous le numéro 20DA01525.
Article 2 : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros au titre des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me F... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêté sera notifié à Mme B... D... épouse G..., au ministre de l'intérieur, au préfet de la Seine-Maritime et à Me C... F....
N°20DA01524,20DA01525 2