Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Tommasini Construction a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner solidairement l'office public de l'habitat Lille Métropole Habitat, la société civile de moyens D...-I..., M. G... D... et M. C... I... à lui verser la somme de 232 852 euros hors taxes majorée de la taxe sur la valeur ajoutée y afférente et la somme de 887 284 euros au titre de la perte d'efficience, de mettre à la charge solidaire de l'office public de l'habitat Lille Métropole Habitat, de la société civile de moyens D...-I..., de M. D... et de M. I... d'une part une somme de 30 000 euros à parfaire au titre des frais d'expertise devant le tribunal de grande instance de Lille, d'autre part une somme de 977,21 euros au titre des frais d'huissier qui ont été engagés et enfin une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1610319 du 11 juin 2019 le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes, mis à la charge de la société Tommasini Construction le versement d' une somme de 1 500 euros à Lille Métropole Habitat et à MM. D... et I... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté les conclusions de la société civile de moyens D...-I... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2019, la société Tommasini Construction, représentée par Me M..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en tant qu'il a rejeté sa demande ;
2°) de condamner M. G... D... et M. C... I... à lui verser la somme de 232 852 euros hors taxes, majorée de la taxe sur la valeur ajoutée y afférente et la somme de 887 284 euros au titre de la perte d'efficience ;
3°) de mettre à la charge de M. G... D... et de M. C... I... une somme de 30 000 euros à parfaire au titre des frais d'expertise devant le tribunal de grande instance de Lille ;
4°) de mettre à la charge solidaire de M. G... D... et de M. C... I... une somme de 977,21 euros au titre des frais d'huissier qui ont été engagés ;
5°) de mettre à la charge de M. G... D... et de M. C... I... une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur-public ;
- et les observations de Me M... représentant la société Tommasini Construction et Me K... représentant M. D... et M. I....
Considérant ce qui suit :
1. L'office public de l'habitat Lille Métropole Habitat a programmé une opération de travaux pour la construction de quarante logements sociaux, de parkings et de locaux à usage de bureaux dans le quartier de l'Epeule à Roubaix. La maîtrise d'oeuvre a été confiée par acte d'engagement du 28 décembre 2009 à un groupement d'entreprises composé de M. I... et M. D..., architectes, de la société ETR ingénierie, bureau d'étude, et de M. J... économiste, M. D... étant mandataire du groupement. Le lot n° 1 " gros-oeuvre fondations " a été confié à la société Tommasini Construction. Le démarrage des travaux a débuté le 21 février 2011 mais au cours de l'année 2011, les immeubles avoisinants ont été affectés par les travaux. Un arrêté de péril imminent a été pris par le maire de Roubaix, le 9 mai 2012, et un expert, M. A..., a été désigné dans le cadre de cette procédure de péril, par ordonnance du président du tribunal administratif de Lille du 13 avril 2012. Il a conclu à l'existence d'un péril imminent portant sur l'immeuble de M. H.... Par une ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Lille du 26 juin 2012, M. L... a été désigné pour constater l'existence de dommages affectant les immeubles, rechercher les causes de ces dommages et déterminer les réparations qui s'imposent. L'expert judiciaire a déposé son rapport le 6 décembre 2016. La société Tommasini a demandé la condamnation solidaire de Lille Métropole Habitat, de la société civile de moyens D...-I..., de M. D... et de M. I... à réparer les préjudices résultant de l'opération de travaux en cause. Par jugement du 11 juin 2019 le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes, mis à sa charge le versement d'une somme de 1 500 euros à Lille Métropole Habitat et à MM. D... et I... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions de la société civile de moyens D...-I... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La société Tommasini Construction, en relève appel en tant qu'il a rejeté sa demande. Elle demande la condamnation de M. G... D... et de M. C... I... à lui verser la somme de 232 852 euros hors taxes, majorée de la taxe sur la valeur ajoutée y afférente et la somme de 887 284 euros au titre de la perte d'efficience, de mettre à la charge de MM D... et I... une somme de 30 000 euros à parfaire au titre des frais d'expertise devant le tribunal de grande instance de Lille et une somme de 977,21 euros au titre des frais d'huissier qui ont été engagés.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique [...] Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. ".
3. Lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision. S'il a toujours la faculté dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.
4. Il ressort des pièces du dossier que la note en délibéré adressée par Messieurs D... et I... le 6 juin 2019 avait pour seul objet de répondre à la note déposée par la société Tommasini Construction le 22 mai 2019 et elle ne comportait pas l'énoncé d'une circonstance de fait dont ils n'auraient pas été en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction ni l'énoncé d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devait relever d'office. Par suite, la société Tommasini Construction n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Lille ayant visé sans l'analyser et communiquer la note en délibéré en question, et sans rouvrir l'instruction, aurait méconnu le principe du contradictoire et les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales entachant ainsi son jugement d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. La circonstance que les premiers juges ont relevé au point 9 du jugement que la société Tommasini Construction n'est pas fondée à rechercher la responsabilité contractuelle des deux architectes alors que celle-ci fondait son action sur leur responsabilité quasi-délictuelle constitue une simple erreur de plume, laquelle est, par elle-même, sans incidence dès lors qu'il n'existait aucune ambiguïté sur le raisonnement juridique, tel que cela ressort des points n° 6 et n° 7, du tribunal lequel reposait sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle.
6. La société Tommasini Construction recherche la responsabilité quasi délictuelle de MM. D... et I..., maîtres d'oeuvre. Elle fait valoir que leur responsabilité doit être engagée pour avoir validé la méthodologie de talutage proposée et surtout, pour avoir tardé à traiter le sinistre provoqué à un immeuble voisin, du fait d'une absence de suivi des travaux et de retards de prise de décisions et donc d'avoir favorisé des retards supplémentaires du chantier.
7. D'une part aux termes de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. ". Il résulte de ces dispositions que la prescription qu'elles instituent court à compter de la manifestation du dommage, c'est-à-dire de la date à laquelle la victime a une connaissance suffisamment certaine de l'étendue du dommage, quand bien même le responsable de celui-ci ne serait à cette date pas encore déterminé.
8. D'autre part, aux termes de l'article 2241 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige : " La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. / Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure ". Aux termes de l'article 2245 de ce code : " L'interpellation faite à l'un des débiteurs solidaires par une demande en justice ou par un acte d'exécution forcée ou la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription contre tous les autres, même contre leurs héritiers. ". Aux termes de l'article 2239 du code civil dans sa version résultant de la loi précitée : " La prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée ".
9. Il résulte de l'instruction que des désordres et les retards, causes des préjudices dont la société Tommasini Construction se prévaut, sont survenus entre avril 2012 et juin 2013. Elle doit ainsi être regardée comme ayant eu une connaissance suffisamment certaine de l'étendue des dommages subis au plus tard en juin 2013, date à partir de laquelle le délai de prescription de cinq années prévu à l'article 2224 du code civil a commencé à courir. Or ce n'est que le 31 janvier 2019 que la société Tommasini Construction, par l'enregistrement de son mémoire devant le tribunal administratif, a demandé la condamnation de M. G... D... et de M. C... I... à l'indemniser de ses préjudices. Si elle a engagé une procédure de référé expertise en juin 2012, elle y a attrait la société civile de moyens D...-I..., société dotée de la personnalité morale, et non M. G... D... et M. C... I... personnes physiques distinctes de la société civile précitée. Aussi l'action en référé expertise n'a pas interrompu le cours de la prescription à l'encontre de M. D... et de M. I.... Par suite, la société Tommasini Construction n'est pas fondée à soutenir, que sa demande tendant à la condamnation des architectes maîtres d'oeuvre sur le fondement de la responsabilité quasi délictuelle, présentée après l'expiration du délai de cinq années prévu à l'article 2224 du code civil , n'était pas prescrite.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Tommasini Construction n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal a rejeté sa demande. Doivent par voie de conséquence, et en tout état de cause, être également rejetées ses conclusions afin de remboursement des frais d'expertise devant le tribunal de grande instance de Lille, des frais d'huissier qu'elle a engagés et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Tommasini Construction une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par MM. D... et I... et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société Tommasini Construction une somme au titre des frais exposés par l'office public de l'habitat Lille Métropole Habitat.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Tommasini Construction est rejetée.
Article 2 : La société Tommasini Construction versera une somme globale de 1 500 euros à MM. D... et I... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de l'office public de l'habitat Lille Métropole Habitat présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me M... pour la société Tommasini Construction, à Me E... pour M. I... et pour M. D..., à la société civile de moyens D... I..., à Me F... pour l'office public de l'habitat Lille Métropole Habitat, et à Me B... pour la société Atlas fondations.
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N° 19DA01732