Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2019 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, ou à défaut de réexaminer sa situation, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1910827 du 17 juillet 2020 le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 décembre 2020, M. B... C..., représenté par Me Gommeaux, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2019 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, ou à défaut de réexaminer sa situation, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention internationale sur les droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Lavail Dellaporta, président-assesseur.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., ressortissant égyptien, est, selon ses déclarations, entré sur le territoire français le 18 octobre 2010 et y réside depuis cette date de manière continue. Il a sollicité le 28 mars 2017, un titre de séjour " vie privée et familiale " en faisant valoir qu'il était père d'un enfant né le 12 février 2016 issu de sa relation avec une ressortissante somalienne titulaire d'une carte de résident en qualité de réfugiée. Par un arrêté du 28 août 2017, sa demande de titre de séjour a été rejetée au motif que 1'intéressé ne justifiait pas de la filiation invoquée et participer à 1'entretien et 1 'éducation de l'enfant. Le 28 mai 2019, M. C... a déposé une demande de renouvellement du titre de séjour dont il bénéficiait en qualité de travailleur temporaire, valable jusqu'au 29 juin 2019, l'intéressé, souhaitant aussi changer de statut, a également coché les cases du formulaire pour l 'obtention d'une carte de résident " 3 ans de séjour régulier (accords bilatéraux) " et " longue durée UE ". Par un arrêté du 16 septembre 2019, le préfet du Pas-de-Calais a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a astreint à se présenter au commissariat pendant la durée du délai de départ volontaire. M. C... relève appel du jugement du 17 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté notamment ses demandes d'annulation de l'arrêté du 16 septembre 2019.
Sur l'office du juge de l'excès de pouvoir :
2. Saisi d'un recours pour excès de pouvoir, le juge administratif ne peut, à peine d'irrégularité de sa décision, statuer au-delà ou en deçà des conclusions dont il est saisi, ni examiner - exception faite de ceux qui revêtent un caractère d'ordre public - d'autres moyens que ceux soulevés par le requérant.
3. Le motif par lequel le juge de l'excès de pouvoir juge fondé l'un quelconque des moyens de légalité soulevés devant lui ou des moyens d'ordre public qu'il relève d'office suffit à justifier l'annulation de la décision administrative contestée. Il s'ensuit que, sauf dispositions législatives contraires, le juge de l'excès de pouvoir n'est en principe pas tenu, pour faire droit aux conclusions à fin d'annulation dont il est saisi, de se prononcer sur d'autres moyens que celui qu'il retient explicitement comme étant fondé.
4. La portée de la chose jugée et les conséquences qui s'attachent à l'annulation prononcée par le juge de l'excès de pouvoir diffèrent toutefois selon la substance du motif qui est le support nécessaire de l'annulation. C'est en particulier le cas selon que le motif retenu implique ou non que l'autorité administrative prenne, en exécution de la chose jugée et sous réserve d'un changement des circonstances, une décision dans un sens déterminé. Il est, à cet égard, loisible au requérant d'assortir ses conclusions à fin d'annulation de conclusions à fin d'injonction, tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, ou à ce qu'il lui enjoigne de reprendre une décision dans un délai déterminé, sur le fondement de l'article L. 911-2 du même code.
5. Lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l'annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l'annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Mais, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée. Il en va également ainsi lorsque des conclusions à fin d'injonction sont présentées à titre principal sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et à titre subsidiaire sur le fondement de l'article L. 911-2.
6. De même, lorsque le requérant choisit de hiérarchiser, avant l'expiration du délai de recours, les prétentions qu'il soumet au juge de l'excès de pouvoir en fonction de la cause juridique sur laquelle reposent, à titre principal, ses conclusions à fin d'annulation, il incombe au juge de l'excès de pouvoir de statuer en respectant cette hiérarchisation, c'est-à-dire en examinant prioritairement les moyens qui se rattachent à la cause juridique correspondant à la demande principale du requérant.
7. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens assortissant la demande principale du requérant mais retient un moyen assortissant sa demande subsidiaire, le juge de l'excès de pouvoir n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler la décision attaquée ; statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande principale.
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant :
8. Aux termes de l'article 3-1 de la convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
9. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., de nationalité égyptienne, est père d'un enfant de nationalité somalienne né en France le 12 juin 2016, dont la mère, réfugiée statutaire réside régulièrement en France. L'appelant ne vit pas avec la mère de cet enfant, mais tous trois résident dans le même immeuble. Il verse au dossier des tickets de caisse d'achats pour son enfant et des photographies où ils sont ensembles. Dans ces conditions, il doit être regardé comme établissant de façon suffisante l'existence de liens effectifs et réguliers avec son fils. A... est dès lors fondé à soutenir que le préfet du Pas-de-Calais n'a pas pris en compte l'intérêt supérieur de son enfant en refusant de lui accorder un titre de séjour.
Sur le moyen tiré de l'absence d'examen sérieux de la situation de M. C... :
10. Il ressort, de plus, des pièces du dossier que, dans sa demande du 27 mai 2019 adressée au préfet du Pas-de-Calais, M. C... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement " travailleur temporaire ", " entrepreneur/profession libérale ", " carte de résident 3 ans de séjour régulier (accords bilatéraux)" et " carte de résident longue durée UE ". Or l'arrêté attaqué a uniquement été instruit à partir de la seule demande de renouvellement de sa carte de séjour mention " travailleur temporaire ". Ainsi le préfet du Pas-de-Calais n'a pas examiné les autres fondements de la demande de carte de séjour révélant ainsi l'absence d'examen sérieux de la situation de M. C.... Ce dernier est, dès lors, fondé à soutenir que l'arrêté du 16 septembre 2019 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a astreint à se présenter au commissariat pendant la durée du délai de départ volontaire est au surplus entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation.
11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement ou les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ".
13. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire, sans qu'une mesure d'astreinte soit nécessaire, au préfet du Pas-de-Calais de délivrer à M. C... un titre de séjour, dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
15. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, sous réserve que Me Gommeaux, avocate de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1910827 du 17 juillet 2020 rendu par le tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 16 septembre 2019 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a rejeté la demande de M. C... de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Pas-de-Calais de délivrer à M. C... un titre de séjour, dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Gommeaux, avocate de M. C..., à condition qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, la somme de mille euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié M. B... C..., au préfet du Pas de Calais, au ministre de l'intérieur et à Me Gommeaux.
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N°20DA01911