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25/11/2021 | FRANCE | N°21DA01925

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 25 novembre 2021, 21DA01925


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure:

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 9 février 2021 par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2100773 du 8 juillet 2021, le tribunal a

dministratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure:

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 9 février 2021 par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2100773 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 août 2021, Mme A..., représentée par Me Ailey Alagapin-Graillot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté du 9 février 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour ou de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention franco-malienne du 26 septembre 1994 relatives aux conditions d'entrée des ressortissants des deux Etats cocontractants ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante malienne, née le 11 juin 1970, est entrée en France le 11 avril 2013 selon ses déclarations. Le 13 février 2020, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 9 février 2021, la préfète de l'Oise a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Mme A... relève appel du jugement du 8 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce qu'allègue la requérante, le jugement attaqué répond de manière suffisante à chacun des moyens soulevés. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit être écarté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) ". Aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) ".

4. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que Mme A... serait mariée à un ressortissant français. Dès lors, elle ne remplit pas les conditions pour obtenir un titre de séjour en qualité de conjoint de français. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour au motif qu'elle pouvait obtenir de plein droit un tel titre doit être écarté.

5. Mme A... ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 5 de la convention franco-malienne du 26 septembre 1994 relatives aux conditions d'entrée des ressortissants des deux Etats cocontractants, dès lors que la décision en litige porte sur le refus de son admission exceptionnelle au séjour et non sur ses conditions d'entrée en France. Par suite, le moyen doit être écarté.

6. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".

7. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de ces dispositions, par un étranger qui ne vit pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'elle a portée sur l'un ou l'autre de ces points.

8. Mme A... fait valoir qu'elle réside sur le territoire français depuis 2013, qu'elle paie des impôts et qu'elle détient un contrat à durée indéterminée en tant qu'agent d'exploitation, depuis mai 2019, métier pour lequel il existe une forte demande. Elle fait valoir également qu'elle ne pourra pas retrouver un tel emploi au Mali. Toutefois, ces éléments ne constituent pas des circonstances humanitaires ou, à eux-seuls, des motifs exceptionnels. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. Mme A..., qui est célibataire, déclare vivre en France depuis huit ans et occuper un emploi d'agent d'exploitation en contrat à durée indéterminée. Si elle soutient héberger son fils majeur atteint de schizophrénie, il n'est pas établi par l'unique certificat médical du psychiatre de son fils, que sa présence serait indispensable à ses côtés. Ce dernier est en tout état de cause également en situation irrégulière. Il ne ressort pas de cette attestation du médecin psychiatre du 25 février 2021, ni d'un article de Santé Sud, relatif à la prise en charge des patients souffrant de troubles mentaux par un réseau de médecins généralistes communautaires en zone rurale que son fils ne pourrait pas être pris en charge au Mali. Mme A... n'établit pas être dépourvue de tous liens privés et familiaux dans son pays d'origine, qu'elle n'a quitté qu'à l'âge de quarante-trois ans et où réside son autre enfant. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, Mme A... vivrait en concubinage avec un ressortissant français avec lequel elle a un projet de mariage, le contrat d'abonnement d'électricité et l'assurance habitation étant désormais établis à son seul nom et non plus à leurs noms communs comme en 2015. En dépit de son insertion professionnelle et de la durée de présence en France, la préfète de l'Oise n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel la décision a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier qu'en prenant cette décision, la préfète de l'Oise aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 9 que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de titre de séjour est entachée d'illégalité.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur la situation personnelle de Mme A... doivent être écartés.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'illégalité.

Sur la décision fixant le pays de destination :

13. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / (...).

14. Ainsi qu'il a été dit au point 9, Mme A... n'établit pas la nécessité de sa présence en France auprès de son fils malade, lequel est d'ailleurs en situation irrégulière. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur d'appréciation en fixant le Mali, pays dont Mme A... a la nationalité. Par suite, le moyen doit être écarté.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an :

15. Il ressort des termes mêmes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.

16. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

17. Pour faire interdiction à Mme A... de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an, la préfète de l'Oise, selon les motifs mêmes de l'arrêté contesté, a pris en compte la durée de sa présence en France, l'absence de lien en France hormis celle de son fils, qui a vocation à repartir avec elle et le fait qu''elle a déjà fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement le 4 janvier 2019 et quelle n'est pas une menace à l'ordre public. Par suite, le préfet, qui a examiné l'ensemble des critères prévus par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a suffisamment motivé, en fait comme en droit, sa décision.

18. Si Mme A... soutient que la décision est entachée d'une erreur de droit, elle n'assortit son moyen d'aucune précision permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

19. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information à la préfète de l'Oise.

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N°21DA01925

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01925
Date de la décision : 25/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : ALAGAPIN-GRAILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-11-25;21da01925 ?
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