Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure.
Par un jugement n° 2100449 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à sa demande et a enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer à M. E... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 2 août 2021 sous le n° 21DA01853, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Rouen.
II. Par une requête, enregistrée le 2 août 2021 sous le n° 21DA01854, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour de prononcer le sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Rouen du 8 juillet 2021.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, première conseillère,
- et les observations de Me Julie Aubertin, substituant Me Cécile Madeline, représentant M. E....
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant algérien, né le 1er août 1966, père de quatre enfants, est entré en France le 9 décembre 2019 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen de type C afin de rejoindre son épouse, entrée sur le territoire français le 3 mai 2016 sous couvert d'un visa de court séjour, accompagnée de ses deux plus jeunes enfants. A... a demandé le 8 décembre 2020 son admission au séjour sur le fondement du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien en se prévalant de l'état de santé défaillant de ses deux enfants. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 8 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Rouen a, à la demande de M. E..., annulé l'arrêté du 8 décembre 2020 par lequel il a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination de cette mesure. Il demande également, par une requête distincte, qu'il soit sursis à l'exécution du jugement sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.
2. Les requêtes enregistrées sous le n° 21DA01853 et le n° 21DA01854 présentées par le préfet de la Seine-Maritime, sont dirigées contre le même jugement et concernent la situation d'une même personne. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur le moyen d'annulation retenu par le jugement contesté :
3. Pour annuler l'arrêté du 8 décembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. E..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination de cette mesure, le tribunal administratif de Rouen a estimé que les deux enfants mineurs de l'intéressé, reconnus handicapés et dépendants de leurs parents pour tous les actes de la vie courante, étaient atteints d'une maladie génétique rare nécessitant un suivi médical particulièrement étroit en France. Il a relevé que la fille de M. E... bénéficiait d'un protocole de traitement expérimental dispensé par l'équipe du service immuno-onco-hépato pédiatrique du centre hospitalier universitaire de Rouen et que son épouse, qui bénéficie d'un titre de séjour " vie privée et familiale " n'était plus en mesure d'assurer seule leur prise en charge. Il a estimé, au regard de l'ensemble de ces éléments et malgré la faible ancienneté de séjour de M. E..., que le préfet avait, dans les circonstances particulières de l'espèce, commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'admettre au séjour l'intéressé. Le préfet de la Seine-Maritime soutient que l'un des deux enfants a bénéficié d'une greffe osseuse en 2011, qu'il est ainsi guéri et que si M. E... est entré en France pour assister son épouse dans la prise en charge de leurs deux enfants, qui souffrent d'une maladie génétique et d'une encéphalopathie, il peut repartir avec son fils en B... qui peut y bénéficier d'un traitement adapté.
4. Toutefois, le préfet ne conteste pas que les deux enfants mineurs sont atteints d'une maladie génétique rare et d'une encéphalopathie nécessitant une prise en charge médicale, ni que ces deux enfants ne sont pas autonomes dans les actes de la vie courante et qu'ils nécessitent l'assistance quotidienne de l'un au moins des parents. En outre, le préfet reconnaît que la jeune fille, C..., âgée de 11 ans à la date de l'arrêté attaqué, est en attente d'une greffe de moelle osseuse. Il ressort également des pièces versées au dossier par M. E... que sa fille doit bénéficier, dans l'attente de sa greffe, d'un traitement hebdomadaire de sa thrombopénie centrale, sous haute surveillance, au service d'immuno-hémato-oncologie pédiatrique du centre hospitalier universitaire de Rouen et que les soins qui lui sont dispensés ne peuvent l'être en B.... En outre, il ressort d'un certificat médical de la pédiatre du centre hospitalier universitaire de Rouen que C... est incluse dans deux protocoles de recherche, l'un hématologique et l'autre sur le plan cytogénétique. Le préfet de la Seine-Maritime, en se bornant à produire un article de presse datant du 26 juin 2016 sur l'ouverture d'un service de greffe de moelle osseuse au centre hospitalier de Tizi Ouzou, situé à plusieurs centaines de kilomètres de la région dont est originaire le requérant, n'établit pas que la fille de M. E... pourrait bénéficier d'une prise en charge médicale adaptée en B.... Par ailleurs, si le fils de G... E..., F..., âgé de 13 ans à la date de l'arrêté attaqué, a pu bénéficier d'une greffe de moelle osseuse du fait que son père était donneur compatible, il demeure cependant atteint d'un handicap psychomoteur lourd en raison de l'encéphalopathie dont il souffre et nécessite l'assistance quotidienne de ses parents, en particulier celle de M. E..., qui exerçait la profession d'infirmier dans son pays d'origine. Enfin, il ressort des pièces du dossier que les deux enfants du requérant ont été reconnus handicapés avec un taux d'incapacité supérieur ou égal à 80% par la maison départementale des personnes handicapées de la Seine-Maritime. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le préfet de la Seine-Maritime a, en refusant d'admettre au séjour M. E..., entaché la décision attaquée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 8 décembre 2020 rejetant la demande de M. E... de délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte et sur la requête tendant au sursis à exécution du jugement attaqué :
5. Le présent arrêt n'appelle pas d'autres mesures d'exécution que celles qui ont été prononcées en première instance. Il n'y a, en outre, pas lieu de prononcer une astreinte.
6. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête du préfet de la Seine-Maritime tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n°21DA01854 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. E... d'une somme de 1 000 euros, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête n° 21DA01853 du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21DA01854 tendant au sursis à l'exécution du jugement.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros au conseil de M. E... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au préfet de la Seine-Maritime, à M. D... E... et à Me Cécile Madeline.
N°21DA01853,21DA01854 4