Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de suspendre l'exécution du titre exécutoire émis le 26 juin 2018 par la maire de Lille mettant à sa charge une somme de 153,70 euros au titre des frais d'enlèvement et de nettoiement d'un dépôt sauvage et, d'autre part, d'annuler ce titre exécutoire, ensemble la décision du 2 août 2018 de rejet de son recours gracieux formé à l'encontre de ce titre et de le décharger de l'obligation de payer cette somme.
Par un jugement n°1808514 du 5 février 2021, le tribunal administratif de Lille, après avoir rejeté ses conclusions relatives à la suspension de l'exécution du titre exécutoire comme étant dépourvues d'objet, a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 15 et 27 mars 2021, 16 juin 2021 et 21 juillet 2021, M. B..., représenté par Me Manuel Gros, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du titre exécutoire émis à son encontre ;
2°) d'annuler le titre exécutoire ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Lille une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté n°1081 du 8 février 2002 portant règlement municipal de propreté des voies et espaces publics de la commune de Lille ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, première conseillère,
- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,
- et les observations de Me Julien Robillard, substituant Me Gros, représentant M. B... et de Me Thibaut Nougein, substituant Me Delgorgue, représentant la commune de Lille.
Considérant ce qui suit :
1. La brigade de propreté de la commune de Lille a constaté le mercredi 25 avril 2018, en dehors des heures et périodes de collecte des ordures ménagères par la société titulaire de la délégation de service public confiée par la métropole européenne de Lille, la présence de cartons mal présentés devant le domicile de M. B.... Par un courrier du 25 avril 2018, la maire de Lille a informé M. B... de ce qu'un constat de malpropreté avait été dressé devant son domicile en raison de la mauvaise présentation de cartons, dont il a été identifié comme étant le responsable et de l'engagement d'une procédure d'émission d'un titre de recettes à son encontre d'un montant de 153,70 euros correspondant aux frais d'enlèvement des détritus et de nettoiement par le service propreté. Un titre exécutoire a été émis par la maire de Lille le 26 juin 2018 mettant à la charge de M. B... l'obligation de payer cette somme forfaitaire et un avis des sommes à payer lui a été adressé le même jour. M. B... a formé un recours gracieux le 1er juillet 2018 à l'encontre de ce titre exécutoire, qui a été rejeté le 2 août 2018. M. B... relève appel du jugement du 5 février 2021 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du titre exécutoire émis le 26 juin 2018.
Sur les conclusions à fin d'annulation du titre exécutoire :
2. Aux termes, d'une part, de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes de l'Etat qui y sont relatifs ". Aux termes de l'article L. 2212-2 du même code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l'éclairage, l'enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices et monuments funéraires menaçant ruine, l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées (...) ". Aux termes de l'article 9-1 de l'arrêté du maire de Lille du 8 février 2002 portant règlement municipal de propreté des voies et espaces publics : " Tout dépôt sauvage d'ordure ou détritus de quelque nature que ce soit ainsi que toute décharge brute d'ordures ménagères sont interdits ". L'article 9- 3 du même règlement ajoute : " Dans les conditions prévues par le conseil municipal, les frais d'élimination seront assurés d'office et mis à la charge du responsable du dépôt, étant entendu que cette notion de responsabilité s'étend au propriétaire du terrain ayant fait preuve de négligence, voire de complaisance, à l'égard des dépôts de déchets sur son terrain par des personnes non identifiées ".
3. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable". Aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ".
4. Il résulte des termes mêmes du courrier du 25 avril 2018, notifié le 22 juin suivant à M. B..., que la décision de la maire de Lille d'engager à son encontre une procédure visant à l'édiction d'un titre exécutoire a été prise en application du règlement municipal de propreté du 8 février 2002 fixant les règles minimales à respecter par les administrés, notamment en matière de collecte de déchets. Dans son courrier du 2 août 2018 rejetant le recours gracieux de M. B..., la maire de Lille qualifie expressément la mauvaise présentation des cartons par l'intéressé d'infraction au règlement municipal de propreté, rappelle la procédure suivie de constat de ce dépôt sauvage par un agent assermenté ainsi que les termes de l'article 3 du règlement municipal du 8 février 2002 selon lesquels la présentation en vrac des déchets est interdite et se fait exclusivement dans les bacs ou sacs fournis par la Métropole Européenne de Lille dite " MEL ", tout en soulignant que la collecte des ordures ménagères est une compétence communautaire et non municipale, réalisée par la " MEL " par les prestataires Lilébo et Esterra. Par ailleurs, le règlement du maire de Lille du 8 février 2002 renvoie expressément dans ses visas à l'article L. 2212-2 précité du code général des collectivités territoriales relatif au pouvoir de police municipale du maire en matière, notamment, de salubrité publique.
5. Ainsi, la décision de la maire de Lille de mettre à la charge de M. B..., par le titre exécutoire litigieux, le versement de la somme de 153,70 euros au titre des frais d'enlèvement et de nettoiement d'un dépôt sauvage a été prise dans le cadre de l'exercice de ses pouvoirs de police administrative en matière, notamment, de salubrité publique. L'émission de ce titre exécutoire a ainsi le caractère d'une mesure de police administrative entrant dans la catégorie des décisions administratives individuelles défavorables devant faire l'objet d'une procédure contradictoire préalable, en vertu de l'article L.121-1 précité du code des relations entre le public et l'administration. Il suit de là que la maire de Lille ne pouvait émettre le titre exécutoire litigieux sans respecter une procédure contradictoire préalable. Or, il est constant que le courrier du 25 avril 2018 informant M. B... de l'engagement de la procédure d'émission d'un titre exécutoire ne lui a été notifié que le 22 juin 2018 et que le titre a été émis le 26 juin suivant sans que M. B... n'ait été ni informé de la possibilité de présenter des observations préalablement à l'émission de ce titre exécutoire, ni à plus forte raison mis en mesure de le faire. Par suite, et quand bien-même la mesure d'enlèvement des déchets avait pour objet d'assurer la salubrité publique, M. B... est fondé à soutenir que les dispositions précitées de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ont été méconnues. Il en résulte, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M. B..., que ce titre exécutoire doit être annulé pour ce motif.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions à fin d'annulation du titre exécutoire du 26 juin 2018. Il convient donc de prononcer l'annulation du jugement.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante à l'instance, le versement à la commune de Lille d'une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Lille le versement à M. B... d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille est annulé en ce qu'il a rejeté les conclusions de M. B... tendant à l'annulation du titre exécutoire du 26 juin 2018.
Article 2 : Le titre exécutoire émis le 26 juin 2018 par la commune de Lille est annulé.
Article 3: La commune de Lille versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Lille au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Lille.
Copie sera adressée au préfet du Nord.
2
N°21DA00588