Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 6 juin 2018 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a refusé de l'autoriser à reprendre ses fonctions complètes de personnel de direction, ensemble la décision du 12 juillet 2018 rejetant son recours gracieux, d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de l'affecter sur un poste de personnel de direction en établissement dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1809619 du 8 janvier 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 mars et 24 novembre 2021, M. C... A..., représenté par Me Athon-Perez, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 6 juin 2018 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a refusé de l'autoriser à reprendre ses fonctions complètes de personnel de direction, ensemble la décision du 12 juillet 2018 rejetant son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports de l'affecter sur un poste de personnel de direction en établissement dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre de la première instance et de 2 500 euros, sur le fondement des mêmes dispositions, au titre de l'appel.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- et les observations de Me Achard pour M. C... A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C... A..., personnel de direction de 2ème classe, a été affecté en qualité de principal adjoint au collège Jean-Baptiste Lebas à Roubaix à compter du 1er septembre 2012. Il a été placé en congé de longue maladie pour la période du 1er avril 2015 au 30 novembre 2017. A la suite de l'avis du comité médical départemental du 13 octobre 2017, le recteur de l'académie de Lille a autorisé M. C... A... à reprendre ses fonctions à compter du 4 décembre 2017 et l'a affecté, à titre provisoire, au pôle académique des affaires juridiques au rectorat de l'académie de Lille. Par une décision du 6 juin 2018, en réponse à la demande du 10 mai 2018 de M. C... A..., le ministre de l'éducation nationale lui a refusé une reprise de ses fonctions complètes de personnel de direction. Le ministre de l'éducation nationale, saisi par l'intéressé d'un recours gracieux, a, le 12 juillet 2018, confirmé cette décision. M. C... A... relève appel du jugement du 8 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 6 juin et 12 juillet 2018.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.
3. Il ressort des pièces du dossier que le mémoire en défense produit par le ministre de l'éducation nationale le 18 novembre 2019 devant le tribunal administratif de Lille a été transmis à M. C... A... qui y a répliqué par un mémoire daté du 16 décembre 2019. Par une ordonnance du 18 décembre suivant, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 janvier 2020. Postérieurement à cette clôture, le ministre de l'éducation nationale a, le 11 décembre 2020, soit cinq jours avant l'audience, produit un nouveau mémoire. Il ressort de celui-ci qu'il se bornait à conclure au non-lieu à statuer de la demande présentée par M. C... A... au motif que ce dernier avait été affecté, à compter du 1er septembre 2019, en qualité de proviseur adjoint au lycée professionnel César Baggio de Lille. Cette affectation avait toutefois déjà été mentionnée par le ministre de l'éducation nationale, dans son mémoire en défense du 18 novembre 2019, de sorte que sa production du 11 décembre 2020 ne pouvait être regardée comme contenant l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction. En tout état de cause, cette circonstance n'était pas susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire dès lors que l'arrêté ministériel du 6 juin 2019 portant affectation de M. C... A... au 1er septembre 2019 n'avait pas procédé au retrait des décisions attaquées, de sorte que le non-lieu à statuer opposé par le défendeur n'était pas fondé. Dans ces conditions, les premiers juges n'étaient pas tenus de rouvrir l'instruction et devaient se borner à viser ce mémoire sans l'analyser. Si le jugement vise la production de ce mémoire en défense du 11 décembre 2020, sans le mentionner comme produit après la clôture de l'instruction, il apparaît que ce mémoire n'a pas été analysé et que le jugement ne se prononce pas sur cette demande de non-lieu à statuer. Par suite, malgré la maladresse de rédaction des visas du jugement, M. C... A... n'est pas fondé à soutenir que le principe du contradictoire de la procédure a été méconnu du fait de l'absence de communication de ce mémoire.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article 41 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Le bénéficiaire d'un congé de longue maladie ou de longue durée ne peut reprendre ses fonctions à l'expiration ou au cours dudit congé que s'il est reconnu apte, après examen par un spécialiste agréé et avis favorable du comité médical compétent. (...) " Aux termes de l'article 42 du même décret : " Si, au vu de l'avis du comité médical compétent et, éventuellement, de celui du comité médical supérieur, dans le cas où l'administration ou l'intéressé juge utile de le provoquer, le fonctionnaire est reconnu apte à exercer ses fonctions, il reprend son activité éventuellement dans les conditions prévues à l'article 43 ci-dessous. " Aux termes de l'article 43 du même décret, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le comité médical consulté sur la reprise des fonctions d'un fonctionnaire qui avait bénéficié d'un congé de longue maladie ou de longue durée peut formuler des recommandations sur les conditions d'emploi du fonctionnaire, sans qu'il puisse être porté atteinte à la situation administrative de l'intéressé. ".
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. C... A... a été placé en congé de longue maladie jusqu'au 3 décembre 2017, en dernier lieu par un arrêté du 5 décembre 2017. Par un arrêté du même jour, le recteur de l'académie de Lille, après avoir visé l'avis du comité médical du 13 octobre 2017 et indiqué que celui-ci avait répondu favorablement à la reprise d'activité de l'intéressé, a autorisé M. C... A... à reprendre ses fonctions à compter du 4 décembre 2017. L'appelant soutient que, par la décision contestée du 6 juin 2018, qui lui refuse une reprise complète de fonctions, le ministre de l'éducation nationale doit être regardé comme ayant abrogé l'arrêté du 5 décembre 2017 qui, selon lui, ne comportait pas de restrictions quant à la reprise de fonctions. Mais l'arrêté du 5 décembre 2017 liait, dans son article 2, l'avis du comité médical et la reprise de fonctions, et dès lors que le bénéficiaire d'un congé de longue maladie ne peut reprendre ses fonctions à l'expiration de ce congé que s'il est reconnu apte, ainsi que le prévoient les dispositions précitées de l'article 41 du décret du 14 mars 1986, cet arrêté ne peut être lu que compte-tenu de cet avis du comité médical du 13 octobre 2017 selon lequel M. C... A... était inapte à la reprise de ses fonctions complètes de personnel de direction mais apte à une reprise sous certaines conditions. Cet arrêté n'impliquait donc pas une reprise sur des fonctions de personnel de direction. Il en résulte que la décision contestée du 6 juin 2018 qui répond à une demande de l'intéressé visant à sa réintégration sur un poste de personnel de direction adapté, en lui indiquant qu'il ne peut pas reprendre ses fonctions complètes de direction et qu'il doit envisager une réorientation professionnelle pour une reprise d'activité selon des modalités compatibles avec son état de santé, ne saurait en tout état de cause être regardée comme ayant abrogé l'arrêté du 5 décembre 2017. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté comme inopérant.
7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, préalablement à son placement en congé de longue maladie à compter du 1er avril 2015, M. C... A... était affecté en qualité de principal adjoint au collège Jean-Baptiste Lebas à Roubaix depuis le 1er septembre 2012. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, le comité médical a estimé, le 13 octobre 2017, qu'il n'était pas apte à reprendre des fonctions complètes de personnel de direction. Le certificat médical daté du 15 juin 2018, qui fait au demeurant référence à une consultation du 17 septembre 2015, et celui du 16 juillet 2018 sont insuffisants pour remettre en cause le constat d'inaptitude à une reprise de ses fonctions complètes de personnel de direction et d'une aptitude à une reprise sous certaines conditions, notamment d'absence de déplacement et d'absence de contact avec le public. Enfin, la circonstance que l'appelant a, par un arrêté du 21 juin 2018, été affecté du 7 juin au 31 août 2018 en qualité de proviseur adjoint du lycée des Flandres d'Hazebrouck est sans incidence sur la légalité des décisions en litige. Dès lors, M. C... A... n'est pas fondé à soutenir que le ministre de l'éducation nationale a entaché les décisions contestées d'une erreur d'appréciation. Par suite, ce moyen doit être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa version alors en vigueur : " Afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, les employeurs visés à l'article 2 prennent, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 5212-13 du code du travail d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer et d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée, sous réserve que les charges consécutives à la mise en œuvre de ces mesures ne soient pas disproportionnées, notamment compte tenu des aides qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l'employeur. (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit précédemment, que l'état de santé de M. C... A... n'était pas, à la date des décisions contestées, compatible avec une reprise de ses fonctions complètes de personnel de direction. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la décision du 6 juin 2018, qu'elle mentionne que les services de la rectrice de l'académie de Lille examinent les possibilités de réorientation professionnelle pour permettre une reprise d'activité compatible avec l'état de santé de M. C... A.... Dans ces conditions, les décisions contestées, qui ne constituent pas des mesures de reclassement contrairement à ce que soutient l'appelant, ne sauraient être regardées comme méconnaissant les obligations qu'a l'administration de prendre les mesures appropriées au cas par cas pour permettre l'accès de chaque personne handicapée à l'emploi correspondant à ses qualifications. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires doit être écarté.
10. En dernier lieu, lors de la contestation d'une décision dont il est soutenu qu'elle est empreinte de discrimination, le juge doit attendre du requérant qui s'estime lésé par une telle mesure qu'il soumette au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte au principe de l'égalité de traitement des personnes. Il incombe alors au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
11. Ainsi qu'il a été dit précédemment, les décisions des 6 juin et 12 juillet 2018 qui refusent à M. C... A... la reprise de ses fonctions complètes de personnel de direction sont fondées sur un motif médical. La circonstance que l'avis du médecin de prévention, alors que l'intervention de celui-ci était mentionnée dans l'avis du comité médical du 13 octobre 2017, n'avait pas été encore rendu à la date des décisions contestées ne saurait, à elle seule, permettre de présumer l'existence d'une discrimination à l'encontre de l'appelant. De même, il ne ressort pas des pièces du dossier, et y compris s'agissant de son affectation du 4 décembre 2017 au 6 juin 2018 au pôle académique des affaires juridiques du rectorat de Lille, que l'administration aurait souhaité l'écarter des missions propres à son corps d'emploi. Enfin, si M. C... A... invoque des mesures d'adaptation insuffisantes au regard de son état de santé, la décision contestée du 6 juin 2018 prévoit que les services du rectorat examinent les possibilités de réorientation professionnelle pour permettre une reprise d'activité compatible avec son état de santé. Dans ces conditions, les éléments de fait produits par l'appelant ne sont pas de nature à laisser présumer l'existence d'une discrimination à son encontre. Par suite, ce moyen doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 juin 2018 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a refusé de l'autoriser à reprendre ses fonctions complètes de personnel de direction, ensemble la décision du 12 juillet 2018 rejetant son recours gracieux. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative tant au titre de la première instance que de l'appel.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
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N°21DA00579
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