Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société CMEG a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) à lui verser une somme de 962 906,48 euros toutes taxes comprises, au titre du solde du marché de conception-réalisation d'un bâtiment à usage de laboratoire dénommé " plateforme d'excellence dans les sciences de la vie " à Verneuil-en-Halatte, assortie des intérêts capitalisés à compter du 2 août 2012 et des intérêts moratoires prévus à l'article 3.6. du cahier des clauses administratives particulières du marché capitalisés, de condamner solidairement la société d'aménagement de l'Oise (SAO), la société Sogeti Ingénierie et la société Union technique du bâtiment (UTB) à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre résultant de la fixation du solde du marché, de condamner l'INERIS à retourner l'original de la caution de retenue de garantie remise au titre du marché, et de mettre à la charge de toute partie succombant une somme totale de 13 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1703579 et 1803930 du 6 mars 2020, le tribunal administratif d'Amiens a estimé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions présentées dans la demande n° 1703579, a fixé le solde du marché à la somme négative de 1 067 131,88 euros toutes taxes comprises, a mis à la charge définitive de la société CMEG les frais du constat liquidés et taxés à la somme de 5 271,91 euros toutes taxes comprises, a mis à sa charge le versement de la somme de 1 500 euros à l'INERIS et à la SAO sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'une somme de 1 000 euros à la société Sogeti Ingénierie sur ce même fondement et a rejeté le surplus de ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juin 2020 et 2 juillet 2021, la société CMEG, représentée par Me Jobelot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à ses demandes ;
2°) de condamner l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) à lui verser une somme de 962 906,46 euros toutes taxes comprises, au titre du solde du marché de conception-réalisation d'un bâtiment à usage de laboratoire dénommé " plateforme d'excellence dans les sciences de la vie " à Verneuil-en-Halatte, assortie des intérêts capitalisés à compter du 2 août 2012 et des intérêts moratoires prévus à l'article 3.6. du cahier des clauses administratives particulières du marché capitalisés ;
3°) de condamner in solidum la société d'aménagement de l'Oise (SAO), la société Sogeti Ingénierie et la société Union technique du bâtiment (UTB) à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre résultant de la fixation du solde du marché ;
4°) de mettre à la charge de toute partie succombant une somme totale de 12 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- les conclusions présentées par l'INERIS et la SAO tendant à ce que le groupement soit condamné solidairement à leur verser la somme de 1 067 131,88 euros toutes taxes comprises au titre du solde du marché sont nouvelles en appel et donc irrecevables ;
- les premiers juges ont omis de statuer sur sa demande tendant à ce que les sociétés SAO, Sogeti Ingénierie et UTB la garantissent des sommes mises à sa charge par l'INERIS ;
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il a omis de statuer sur sa demande tendant à ce que les frais d'expertise lui soient payés ;
- elle sollicite le paiement de la somme de 532 526,86 euros hors taxes au titre de travaux et moyens supplémentaires qu'elle a dû engager ainsi que ses sous-traitants sur demande du maître d'ouvrage ou du fait du caractère indispensable de ces travaux pour la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art ; elle sollicite le paiement de cette même somme également au titre de fautes commises par le maître d'ouvrage ;
- la somme de 52 092,67 euros mise à la charge du groupement au titre du déplacement des registres du laboratoire n'est pas justifiée tant dans son principe que dans son quantum ;
- la somme de 373 733 euros mise à la charge du groupement au titre des travaux de reprise des équipements nécessaires au contrôle de la pression atmosphérique des locaux n'est justifiée ni dans son principe ni dans son quantum ;
- la somme de 561 317,80 euros mise à la charge du groupement au titre des frais d'entretien et de maintenance du bâtiment construit, pendant la période durant laquelle la mise en service de celui-ci a été retardée, n'est pas justifiée tant dans son principe que dans son quantum ;
- les pénalités mises à la charge du groupement ne sont pas dues dès lors notamment que la durée du marché aurait dû faire l'objet d'une prolongation ; la somme retenue est erronée dès lors que seule la somme de 290 984,81 euros toutes taxes comprises pourrait, le cas échéant, être mise à sa charge ; les pénalités devraient a minima faire l'objet d'une modération ;
- elle sollicite le versement par le maître d'ouvrage d'intérêts moratoires sur la retenue de garantie qu'il a conservée à tort ;
- elle sollicite la condamnation in solidum des sociétés SAO, Sogeti Ingénierie et UTB, en sa qualité de sous-traitant, à la garantir des sommes mises à sa charge par l'INERIS dans le décompte général du fait de leurs défaillances dans l'exécution de leurs missions respectives.
Par des mémoires, enregistrés les 5 août 2020 et 15 juin 2021, la société Union technique du bâtiment (UTB), représentée par Me Poux-Jalaguier, conclut au rejet des conclusions dirigées à son encontre, en sa qualité de sous-traitante, au titre des prestations du lot " chauffage-ventilation ", comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, à l'annulation du jugement, au rejet des demandes formulées à son encontre, et à ce que soient accueillies les conclusions de la société CMEG tendant au rejet des demandes relatives aux retenues et indemnités présentées par l'INERIS.
Elle soutient que, dès lors qu'elle a la qualité de sous-traitante de la société CMEG au titre des prestations du lot " chauffage-ventilation ", la juridiction administrative n'est pas compétente pour statuer sur la demande présentée par la société CMEG à son encontre, que l'absence de mise en service du bâtiment construit est exclusivement imputable à l'INERIS et que le préjudice invoqué par cette dernière n'est pas établi.
Par des mémoires, enregistrés les 13 octobre 2020, 4 juin 2021 et 15 février 2022, la société Atelier d'architecture et d'urbanisme de la Brétèque (ATAUB), représentée par Me de Bazelaire de Lesseux, conclut au rejet de la requête, au rejet des demandes formulées à son encontre, à la condamnation solidaire de l'INERIS et de la SAO à lui verser la somme de 54 763,85 euros toutes taxes comprises, avec les intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2012, au titre de prestations qu'elle a effectuées et à la condamnation de l'INERIS, de la SAO et de la société Sogeti Ingénierie à lui verser la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que sa responsabilité ne saurait être engagée en l'absence de toute faute reprochée au maître d'œuvre et que la maîtrise d'ouvrage lui reste redevable de la somme de 54 763,85 euros toutes taxes comprises.
Par des mémoires, enregistrés les 22 mars, 15 septembre et 8 octobre 2021, l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) et la société d'aménagement de l'Oise (SAO), représentés par Me Couette, concluent au rejet de la requête, à ce que le montant du décompte général soit fixé à la somme de 5 111 882,88 euros toutes taxes comprises, à la condamnation solidaire des sociétés CMEG, UTB, Sogeti Ingénierie et ATAUB à leur verser la somme de 1 067 131,88 euros toutes taxes comprises au titre du solde négatif du marché et à ce qu'il soit mis à la charge de chacun des membres du groupement titulaire du marché une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent qu'ils avaient implicitement mais nécessairement demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner solidairement le groupement d'entreprises à leur verser la somme de 1 067 131,88 euros toutes taxes comprises au titre du solde du marché et qu'aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé.
Par un mémoire, enregistré le 30 juin 2021, la société Dagard, représentée par la Selarlu Pradillon, conclut au rejet de la requête, au rejet des demandes formulées à son encontre et à ce qu'il soit mis à la charge de la société CMEG une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé.
Par un mémoire, enregistré le 2 juillet 2021, la société Sogeti Ingénierie, représentée par Me Malbesin, conclut au rejet des demandes formulées à son encontre, à ce que les sociétés UTB, Dagard, ATAUB et CMEG la garantissent des sommes prononcées à son encontre et à ce qu'il soit mis à la charge de l'INERIS et de la société CMEG une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les conclusions présentées par l'INERIS et la SAO tendant à ce que le groupement soit condamné solidairement à leur verser la somme de 1 067 131,88 euros toutes taxes comprises au titre du solde du marché sont nouvelles en appel et donc irrecevables et qu'aucune faute ne saurait lui être reprochée au regard des missions qui lui étaient imparties.
Par une ordonnance du 1er février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er mars 2022.
Un mémoire, enregistré le 29 mars 2022, a été présenté par la société ATAUB, représentée par Me de Bazelaire de Lesseux.
Par un courrier du 25 mars 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de soulever d'office les moyens tirés, d'une part, de l'irrecevabilité des conclusions d'appel provoqué contre les sociétés UTB, Dagard et ATAUB présentées par la société Sogeti Ingénierie dont la situation ne serait pas aggravée dans l'hypothèse où la cour rejetterait les conclusions de l'appel principal de la société CMEG concernant sa demande de condamnation in solidum et, d'autre part, de l'irrecevabilité des conclusions présentées pour la première fois en appel par la société ATAUB tendant à la condamnation solidaire de l'INERIS et de la SAO.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;
- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;
- l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 ;
- le décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 ;
- le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux approuvé par le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- et les observations de Me Debengy pour la société CMEG et de Me Couette pour l'Institut national de l'environnement industriel et des risques et la société d'aménagement de l'Oise.
Considérant ce qui suit :
1 Par un acte d'engagement du 24 août 2009, l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), représenté par son mandataire, la société d'aménagement de l'Oise (SAO), a attribué le marché de conception-réalisation d'un bâtiment à usage de laboratoire à Verneuil-en-Halatte dénommé " plateforme d'excellence dans les sciences de la vie " à un groupement solidaire composé des sociétés CMEG, Atelier d'architecture et d'urbanisme de la Brétèque (ATAUB), ETIC, Sogeti Ingénierie et Union technique du bâtiment (UTB), et dont la société CMEG était le mandataire. Selon cet acte d'engagement et l'acte de mise au point du marché signé le même jour, le montant du marché a été fixé au prix forfaitaire de 5 145 000 euros hors taxes, soit 6 153 420 euros toutes taxes comprises, et comporte une répartition des paiements par prestation à exécuter par chacun des membres de ce groupement. Selon un avenant n° 1 à ce marché conclu le 24 septembre 2010, le délai d'exécution des prestations a été fixé à 10 mois à compter du 11 mai 2010, soit au 11 mars 2011. La réception des travaux a été prononcée avec réserves le 29 février 2012, la date retenue pour l'achèvement des travaux ayant été fixée au 3 novembre 2011. La société CMEG a établi, le 2 août 2012, un projet de décompte final, puis a demandé, par un courrier du 12 novembre 2012, au maître d'ouvrage, l'établissement du décompte général en précisant maintenir ses demandes issues de son projet de décompte final. Par un courrier du 27 septembre 2016, la SAO a rejeté, en tant que mandataire du maître d'ouvrage, ce projet de décompte, notamment au motif qu'il ne comprenait que les sommes dues au mandataire du groupement et non celles revenant à chacun de ses membres. La société CMEG a établi, le 27 décembre 2017, un nouveau projet de décompte final. L'INERIS a établi, le 12 février 2018, le décompte général du marché à hauteur de 4 963 921,50 euros toutes taxes comprises, lequel faisait apparaître un solde négatif de 1 215 093,26 euros toutes taxes comprises. La société CMEG a adressé, le 29 mars 2018, un mémoire en réclamation au maître d'ouvrage demandant le règlement d'un solde de 992 678, 77 euros toutes taxes comprises aux membres du groupement, dont 962 906, 46 euros toutes taxes comprises au titre de ses propres prestations. L'INERIS a rejeté ces réclamations par un courrier du 27 juin 2018.
2. Par un jugement du 6 mars 2020, le tribunal administratif d'Amiens a notamment fixé le solde du marché, après avoir réintégré certaines sommes initialement déduites par l'INERIS, à la somme négative de 1 067 131,88 euros toutes taxes comprises et rejeté le surplus de la demande présentée par la société CMEG tendant à la condamnation de cet établissement à lui verser une somme de 962 906,48 euros hors taxes au titre du solde du marché, assortie des intérêts, et à ce que les sociétés SAO, Sogeti Ingénierie et UTB soient condamnées solidairement à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre résultant de la fixation du solde de ce marché. La société CMEG relève appel de ce jugement dans cette mesure.
Sur la fin de non-recevoir opposée par les sociétés CMEG et Sogeti Ingénierie aux conclusions présentées par l'INERIS et la SAO :
3. Il résulte des écritures de première instance que l'INERIS et la SAO se sont bornés à demander au tribunal administratif d'Amiens de fixer le montant du décompte général. Dans ces conditions, les sociétés CMEG et Sogeti Ingénierie sont fondées à soutenir que les conclusions présentées par l'INERIS et la SAO tendant à la condamnation solidaire des sociétés CMEG, UTB, Sogeti Ingénierie et ATAUB à leur verser la somme de 1 067 131,88 euros toutes taxes comprises sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables.
Sur la régularité du jugement :
4. En premier lieu, il résulte du point 29 du jugement attaqué que le tribunal administratif d'Amiens a estimé que les conclusions de la société CMEG tendant à ce qu'elle soit garantie par les sociétés SAO, Sogeti Ingénierie et UTB des condamnations prononcées à son encontre devaient être rejetées en l'absence de toute condamnation prononcée par le jugement. Par suite et alors que le bien-fondé du motif retenu par les premiers juges sera apprécié dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, la société CMEG n'est pas fondée à soutenir que le jugement contesté est entaché d'une omission à statuer. En revanche, la compétence de la juridiction administrative pour connaître des litiges nés de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux ne s'étend pas à l'action en garantie du titulaire du marché contre son sous-traitant avec lequel il est lié par un contrat de droit privé. Dans ces conditions, en rejetant comme infondée la demande de la société CMEG tendant à être indemnisée par la société UTB, en sa qualité de sous-traitante, au titre des travaux " chauffage-climatisation " qu'elle a réalisés pour un montant de 776 000 euros hors taxe, et non en sa qualité de membre du groupement d'entreprises chargée, à ce titre, des travaux de plomberie, des sommes mises à sa charge alors que la juridiction administrative n'était pas compétente pour connaître d'un tel litige, ainsi que le soutient la société UTB, les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité. Par suite, cette dernière est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué dans cette seule mesure.
5. En second lieu, il résulte du point 32 du jugement attaqué que le tribunal administratif d'Amiens a mis à la charge définitive de la société CMEG les frais du constat prescrit par le juge des référés de ce même tribunal au titre de l'instance n° 1300546, liquidés et taxés à hauteur de 5 271,91 euros toutes taxes comprises aux termes d'une ordonnance du président de ce tribunal du 12 juillet 2013. Si la société appelante soutient qu'il a omis, en outre, de se prononcer sur les frais de l'expertise établie le 17 décembre 2018, il résulte de l'instruction que celle-ci a été ordonnée, à la demande de la société CMEG, par une ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Senlis. Dans ces conditions, ces frais d'expertise ne faisant pas partie des dépens de l'instance introduite devant la juridiction administrative, c'est à bon droit que les premiers juges ont implicitement mais nécessairement rejeté la demande présentée par la société CMEG à ce titre.
6. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu seulement d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société CMEG devant le tribunal administratif d'Amiens tendant à la condamnation de la société UTB, en sa qualité de sous-traitante, à la garantir des sommes mises à sa charge par l'INERIS dans le décompte, en la rejetant comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, et de statuer, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, pour le surplus des conclusions des parties.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les travaux supplémentaires et préjudices invoqués par la société CMEG pour un montant total de 532 526,86 euros hors taxes :
7. D'une part, les dispositions de l'article 15.3 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, qui prévoient l'indemnisation des travaux supplémentaires réalisés au-delà de la masse initiale des travaux et sur ordre de service du maître d'ouvrage, pour des montants, dans le cas des marchés à prix forfaitaire, excédant le vingtième de la masse initiale, ne font pas obstacle à l'indemnisation de travaux supplémentaires réalisés sans ordre de service du maître d'ouvrage, mais indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art, quel qu'en soit le montant.
8. D'autre part, les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.
S'agissant des travaux supplémentaires et préjudices invoqués par la société CMEG pour elle-même :
9. En premier lieu, si la société CMEG sollicite le paiement de travaux supplémentaires pour un montant de 39 493,90 euros qu'elle indique avoir réalisés à la demande du maître d'ouvrage, elle n'établit pas l'existence d'une telle demande en se bornant à produire cinq devis. Par ailleurs et alors que le marché a été fixé à un prix global et forfaitaire, elle ne démontre pas que ces travaux auraient été indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art. Enfin, contrairement à ce qu'elle allègue, elle n'établit pas l'existence d'une faute du maître d'ouvrage dans l'estimation de ses besoins ou dans la conception du marché qui lui ouvrirait droit à l'indemnisation d'un préjudice sur ce fondement.
10. En second lieu, si la société CMEG sollicite l'indemnisation d'un préjudice pour un montant de 31 080 euros au titre des moyens humains supplémentaires qu'elle indique avoir dû mettre en œuvre entre le 5 avril et le 3 novembre 2011 du fait d'atermoiements du maître d'ouvrage dans le cadre des opérations préalables à la réception des travaux, elle n'établit pas l'existence d'une faute de ce dernier à ce titre.
S'agissant des travaux supplémentaires et préjudices invoqués par la société CMEG pour ses sous-traitants :
11. La société CMEG n'établit pas que les travaux exécutés par deux de
ses sous-traitants, les sociétés INEO et UTB, tout comme les frais de gestion afférents qu'elle aurait elle-même pris en charge, auraient été sollicités par le maître d'ouvrage. Elle n'établit pas davantage, et alors que le marché a été fixé à un prix global et forfaitaire, que ces travaux auraient été indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art. Enfin, elle n'apporte pas d'éléments permettant d'estimer que ces travaux résulteraient d'une faute du maître d'ouvrage dans l'estimation de ses besoins, dans la conception du marché ou dans sa mise en œuvre qui aurait engendré un décalage du calendrier.
En ce qui concerne les sommes mises à la charge du groupement titulaire du marché par l'INERIS au titre des préjudices subis par celui-ci :
S'agissant de la modification des registres du laboratoire pour un montant de 52 092,67 euros :
12. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise établie le 17 décembre 2018, qu'il a été estimé nécessaire de pallier le manque d'étanchéité des régulateurs mécaniques à débit constant. A cette fin, il résulte de l'instruction que des travaux visant à inverser la position de ces régulateurs et registres étanches motorisés ont été réalisés de façon à sortir les régulateurs des volumes à décontaminer. Si la société CMEG soutient qu'il s'agissait de travaux d'amélioration et non de simple reprise des désordres existants, il résulte de l'instruction que tel n'est pas le cas, contrairement aux travaux de remplacement des soixante-quatre diffuseurs de soufflage avec leur gaine souple et des soixante-cinq grilles de reprises avec leur plenum qui ont, eux, fait l'objet de travaux d'amélioration et ont été pris en charge par l'INERIS et son assureur. Toutefois, s'agissant du montant des travaux en litige, il résulte de l'instruction que le devis de 52 000 euros hors taxes établi par la société Bouygues, produit par l'INERIS, fait apparaître des postes de travaux allant au-delà de ceux concernant la seule modification des registres du laboratoire, de sorte qu'il n'y a lieu de retenir que la somme concernant ces travaux, soit 8 452,20 euros.
S'agissant des travaux de reprise des équipements nécessaires au contrôle de la pression atmosphérique des locaux pour un montant de 373 733 euros :
13. Aux termes de l'article 41-1 du décret du 30 décembre 2005 fixant les règles applicables aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs mentionnés à l'article 3 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, alors en vigueur : " I. Un marché de conception-réalisation est un marché de travaux qui permet à un pouvoir adjudicateur de confier à un groupement d'opérateurs économiques ou, pour les seuls ouvrages d'infrastructure, à un seul opérateur économique une mission portant à la fois sur l'établissement des études et l'exécution des travaux. / Les pouvoirs adjudicateurs mentionnés à l'article 1er de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée ne peuvent, en application du I de l'article 18 de cette loi, recourir à un marché de conception-réalisation, quel qu'en soit le montant, que si des motifs d'ordre technique, liés à la destination ou à la mise en œuvre technique de l'ouvrage, rendent nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études. Cette forme de marché s'applique aux opérations dont la finalité majeure est une production dont le processus conditionne la conception, la réalisation et la mise en œuvre ainsi qu'à celles dont les caractéristiques, telles que des dimensions exceptionnelles ou des difficultés techniques particulières, exigent de faire appel aux moyens et à la technicité propres des opérateurs économiques. (...) ".
14. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise établie le 17 décembre 2018, que les travaux d'étanchéité réalisés n'ont pas permis d'améliorer la cascade de pression et qu'il a été nécessaire de mettre en œuvre un programme de travaux portant sur la régulation des débits et des réseaux aérauliques. Si la société CMEG soutient que ces difficultés résultent d'une mauvaise définition des besoins par le maître d'ouvrage, il résulte du programme technique détaillé qu'il y était notamment mentionné que les installations comprendront " des laboratoires et des installations d'expérimentation destinés aux animaux de laboratoire, en zone confinée de niveau 1 et 2 ", que " le confinement est assurée par une action dynamique (ventilation) évitant la dispersion d'agents à confiner et une action statique (sas, portes étanches) ", que " la pression de toutes les pièces des zones confinées 1 et 2 sera contrôlée en permanence ", que " le système de traitement d'air (HVAC) permet de maîtriser le risque de contamination " et qu'il " devra répondre à la faisabilité des cascades de pressions pour les confinements décrits dans le présent dossier ".
15. En outre, il résulte de l'instruction que le pouvoir adjudicateur a précisément eu recours à un marché de conception-réalisation afin de faire appel aux moyens et à la technicité propres des opérateurs économiques au regard des difficultés techniques particulières du projet. Si l'article 5-2 du cahier des clauses administratives particulières prévoit que les études de projet ont pour objet notamment de permettre au maître de l'ouvrage et à son représentant d'arrêter définitivement le niveau des prestations au regard du programme, la circonstance que, le 15 juin 2010, le dossier " projet " a été validé ne saurait exonérer le groupement titulaire du marché de ses responsabilités dans la conception et la réalisation de ce projet. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société CMEG, il ne résulte pas de l'instruction que les travaux effectués par la société MCI relatifs à la modification de la régulation des débits et des réseaux aérauliques du bâtiment n° 195 concerné auraient, eu égard aux dysfonctionnements identifiés, été au-delà de ceux qui étaient nécessaires pour rendre l'ouvrage conforme à sa destination. Enfin, s'agissant du niveau de la somme en litige, il résulte de l'instruction qu'un montant total de 373 733 euros a été versé par l'INERIS à la société MCI à la suite des différentes factures qu'elle a émises, ainsi qu'en atteste l'agent comptable de l'INERIS. Par suite, c'est à bon droit que l'INERIS a mis cette somme à la charge du groupement titulaire du marché.
S'agissant des frais d'entretien et de maintenance du bâtiment pendant la période durant laquelle la mise en service a été retardée pour un montant de 561 317,80 euros :
16. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise établie le 17 décembre 2018, que les problèmes d'étanchéité n'ont pas permis de mettre en œuvre efficacement la cascade de pression et que, pour ce motif, l'INERIS n'a pu obtenir l'agrément des services vétérinaires, ce qui a retardé la mise en service du bâtiment, dont la réception des travaux a été prononcée au 3 novembre 2011, au mois de décembre 2015. Si la société CMEG conteste l'existence de frais afférents à ce bâtiment entre les années 2012 et 2015 au cours desquelles il n'était pas en service, il résulte de l'instruction qu'il a fait l'objet de dépenses d'entretien et de maintenance. S'agissant des consommations électriques, si la société appelante soutient que les factures produites concernent l'ensemble du site, il résulte du relevé signé par le directeur des services généraux de l'INERIS que le montant du préjudice retenu a été établi en fonction des relevés de compteurs des bâtiments n° 195, correspondant au laboratoire construit, et n° 30, correspondant à l'ancienne animalerie. S'agissant du chauffage, il résulte de ce même document que le montant du préjudice retenu a été établi en fonction du relevé de factures, lesquelles comportent bien une ventilation par bâtiment. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que les factures émises par la société Novair pour l'entretien d'un générateur Orlane, par la société Eneria pour la maintenance de groupes électrogènes et par la société Valée Peintures concernent les bâtiments n° 195 ou n° 30. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction que les factures de la société Cisa pour des montants respectifs de 13 500 euros hors taxe et 1 176 euros hors taxe, de la société Steri2pro pour un montant de 1 181,25 euros hors taxe et du bureau Véritas pour un montant de 700 euros hors taxes porteraient sur des frais d'entretien et de maintenance des deux bâtiments concernés. Ainsi, il y a lieu de déduire ces quatre dernières sommes de celles mises à la charge du groupement titulaire du marché.
17. Dans la mesure où, pour établir la somme de 561 317,80 euros mise à la charge de ce groupement, l'INERIS produit un relevé établi par le directeur des services généraux pour un préjudice total de 928 681,17 euros hors taxes, il y a lieu de recalculer le montant du préjudice dû au titre des frais d'entretien et de maintenance, pendant la période durant laquelle la mise en service a été retardée, à partir de ce document. Ainsi, il convient de retrancher de cette somme totale de 928 681,17 euros, outre les sommes des quatre dernières factures précitées, la somme de 373 733 euros figurant dans ce relevé et versée à la société MCI, dès lors qu'elle ne porte pas sur des frais d'entretien et de maintenance et qu'elle a déjà fait l'objet d'une indemnisation ainsi qu'il a été dit au point 15, et celle de 40 092,67 euros hors taxes figurant dans ce relevé et versée à la société Bouygues dès lors que la somme de 8 452,20 euros a déjà fait l'objet d'une indemnisation ainsi qu'il a été dit au point 12 et que la partie excédant cette somme ne porte pas sur des frais d'entretien et de maintenance. Dans ces conditions, le groupement titulaire du marché ne reste redevable envers l'INERIS, au titre des frais d'entretien et de maintenance du bâtiment pour la période allant de 2012 à 2015, que de la somme de 498 298,25 euros.
En ce qui concerne les pénalités de retard mises à la charge du groupement titulaire du marché pour un montant de 318 234,11 euros toutes taxes comprises :
18. Aux termes de l'article 3.11.1 du cahier des clauses administratives particulières : " (...) L'appréciation des retards se fera par comparaison avec les dates et délais figurant dans le calendrier détaillé de conception et réalisation établi lors de la mise au point du marché (...) Le retard constaté donnera lieu à application de pénalités journalières égales à 1/3.000ème du montant du marché TTC, augmenté le cas échéant de ses avenants (...) ".
19. En premier lieu, il résulte de l'avenant n° 1 au marché que les travaux ont débuté le 11 mai 2010. L'article 3.1 de l'acte d'engagement mentionne un délai de réalisation des travaux de dix mois, soit jusqu'au 11 mars 2011. La réception définitive des travaux a été prononcée le 3 novembre 2011. S'il est constant que l'avenant n° 2 au marché qui prévoit des travaux modificatifs pour un montant de 4 974,80 euros hors taxes et la prolongation du délai global d'exécution du marché au 31 mai 2011 n'a pas été signé par la société CMEG, il n'est pas contesté que les travaux y figurant ont été réalisés et rémunérés, de sorte que le délai d'exécution du marché doit être regardé comme ayant été reporté au 31 mai 2011, date qui est au demeurant plus favorable au groupement. Par ailleurs, si la société CMEG soutient que le délai d'exécution des travaux aurait dû être prolongé ultérieurement, elle n'établit pas, ainsi qu'il a été dit précédemment, l'existence de travaux supplémentaires ou d'une faute du maître d'ouvrage qui le justifierait. Dans ces conditions, c'est à bon droit qu'un retard de 155 jours a été retenu jusqu'au 3 novembre 2011 et qu'au regard du montant total du marché de 6 159 360 euros toutes taxes comprises, incluant le montant des travaux mentionnés plus haut de 4 974,80 euros hors taxes, le maître d'ouvrage a, en application des dispositions précitées de l'article 3.11.1 du cahier des clauses administratives particulières, infligé au groupement titulaire du marché une pénalité de 318 234,11 euros.
20. En second lieu, les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu'un retard dans l'exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi. Si, lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un marché public, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l'ampleur du retard constaté dans l'exécution des prestations. Lorsque le titulaire du marché saisit le juge de conclusions tendant à ce qu'il modère les pénalités mises à sa charge, il ne saurait utilement soutenir que le pouvoir adjudicateur n'a subi aucun préjudice ou que le préjudice qu'il a subi est inférieur au montant des pénalités mises à sa charge. Il lui appartient de fournir aux juges tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif. Au vu de l'argumentation des parties, il incombe au juge soit de rejeter les conclusions dont il est saisi en faisant application des clauses du contrat relatives aux pénalités, soit de rectifier le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché dans la seule mesure qu'impose la correction de leur caractère manifestement excessif.
21. Il ne résulte pas de l'instruction que les pénalités infligées atteignent un montant manifestement excessif, eu égard au montant du marché et compte tenu de l'ampleur du retard constaté dans l'exécution des prestations. La circonstance invoquée que l'INERIS ne démontre pas le préjudice subi par le retard dans l'exécution des travaux est inopérante. Par suite, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de modération des pénalités en litige sollicitée par la société CMEG.
En ce qui concerne l'application par le maître d'ouvrage d'une retenue de garantie :
22. Aux termes de l'article 14. du cahier des clauses administratives particulières : " En application de l'article 4.2 du CCAG, il sera appliqué sur tous les acomptes toutes taxes comprises délivrés au titulaire une retenue de garantie de 5 % (...). La retenue de garantie ne pourra pas être remplacée par une caution personnelle et solidaire. La retenue de garantie pourra être remplacée par une garantie à première demande au gré du titulaire. Cette garantie à première demande devra être constituée au plus tard à la date à laquelle le titulaire remettra la demande de paiement correspondant au premier acompte. En cas d'avenant, elle devra être complétée dans les mêmes conditions. A défaut de complément ou de constitution dans ce délai, la retenue de garantie correspondant à l'acompte est prélevée et le titulaire perd jusqu'au la fin de l'expiration du délai de garantie de parfait achèvement des travaux, la possibilité de substituer la garantie à première demande à la retenue de garantie (...) ".
23. Il résulte de l'instruction que, le 12 juillet 2010, un établissement bancaire a établi une garantie à première demande d'un montant de 214 502,60 euros afin de couvrir les réserves formulées à la réception des travaux et celles formulées pendant le délai de garantie par la personne publique à l'encontre du titulaire du marché. Par ailleurs, le 21 juillet 2011, le même établissement a apporté une garantie à première demande pour un montant complémentaire de 58 006 euros. Il résulte des termes mêmes de l'article 14 précité du cahier des clauses administratives particulières que la retenue de garantie peut être remplacée par une garantie à première demande au gré du titulaire. Dans ces conditions et alors que l'INERIS n'établit ni même n'allègue que cette garantie à première demande est irrégulière, la société CMEG est fondée à soutenir qu'en refusant de libérer, au plus tard le 21 juillet 2011, la retenue de garantie déjà versée, la personne publique a commis une faute de nature à engager sa responsabilité et à ouvrir droit au versement d'intérêts moratoires sur le montant retenu à tort. La somme de 9 584,02 euros sollicitée par la société CMEG à ce titre n'étant pas sérieusement contestée, il y a lieu de la mettre à la charge de l'INERIS.
En ce qui concerne le solde du marché :
24. Il résulte de tout ce qui précède, en particulier des points 12, 17 et 23, qu'il y a lieu de réformer le solde du marché de conception-réalisation d'un bâtiment à usage de laboratoire dénommé " plateforme d'excellence dans les sciences de la vie " à Verneuil-en-Halatte, fixé par le tribunal administratif d'Amiens, à la somme négative de 1 067 131,88 euros toutes taxes comprises, en le portant à la somme négative de 950 887,84 euros toutes taxes comprises. Il en résulte que la société CMEG est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes, mais seulement dans cette mesure.
En ce qui concerne les intérêts moratoires et leur capitalisation :
25. Le solde du marché s'établissant à une somme négative, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société CMEG tendant au paiement d'intérêts moratoires et à leur capitalisation.
Sur les conclusions présentées par la société CMEG tendant à la condamnation des sociétés SAO et Sogeti Ingénierie à la garantir des sommes mises à sa charge :
26. En premier lieu, il résulte de l'article 3 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée, qui a été codifié aux articles L. 2422-5 et suivants du code de la commande publique, qu'il appartient aux constructeurs, s'ils entendent obtenir la réparation de préjudices consécutifs à des fautes du mandataire du maître d'ouvrage dans l'exercice des attributions qui lui ont été confiées, de rechercher la responsabilité du maître d'ouvrage, seule engagée à leur égard, et non celle de son mandataire, y compris dans le cas où ce dernier a signé les marchés conclus avec les constructeurs, dès lors qu'il intervient au nom et pour le compte du maître d'ouvrage, et n'est pas lui-même partie à ces marchés. Le cas échéant, le maître d'ouvrage dont la responsabilité est susceptible d'être engagée à ce titre peut appeler en garantie son mandataire sur le fondement du contrat de mandat qu'il a conclu avec lui. La responsabilité du mandataire du maître d'ouvrage à l'égard des constructeurs, qui ne peut jamais être mise en cause sur le terrain contractuel, ne peut l'être, sur le terrain quasi-délictuel, que dans l'hypothèse où les fautes alléguées auraient été commises en-dehors du champ du contrat de mandat liant le maître d'ouvrage et son mandataire. En revanche, les constructeurs ne sauraient rechercher la responsabilité du mandataire du maître d'ouvrage en raison de fautes résultant de la mauvaise exécution ou de l'inexécution de ce contrat.
27. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les conclusions présentées par la société CMEG contre la SAO, mandataire du maître d'ouvrage, sont mal dirigées et doivent être rejetées.
28. En second lieu, un constructeur dont la responsabilité est recherchée par un maître d'ouvrage est fondé à demander à être garanti par un autre constructeur si et dans la mesure où les condamnations qu'il supporte correspondent à un dommage imputable à ce constructeur. Dans le cas d'un groupement, il appartient au juge administratif d'apprécier l'importance des fautes respectives de chaque membre de celui-ci pour déterminer le montant de cette garantie en se fondant, le cas échéant, sur la répartition des tâches prévue dans l'acte d'engagement.
29. Si le solde du marché s'établit, ainsi qu'il a été dit au point 24, à une somme négative, le présent arrêt rejette, ainsi qu'il a été dit au point 2, la demande de condamnation solidaire présentée par l'INERIS et la SAO à l'encontre des sociétés CMEG, UTB, Sogeti Ingénierie et ATAUB à leur verser cette somme. Dans ces conditions et en l'absence de condamnation supportée par la société CMEG, ses conclusions tendant à ce que la société Sogeti Ingénierie la garantisse des sommes mises à sa charge doivent être rejetées. Au surplus, si la société CMEG mentionne l'existence d'un titre exécutoire émis, postérieurement au jugement attaqué, par l'INERIS et tendant au recouvrement de la somme due au titre du solde du marché, sa contestation relève d'un litige distinct qui est au demeurant pendant devant le tribunal administratif d'Amiens, comme elle le relève elle-même.
30. Il résulte de ce qui précède que la société CMEG n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la condamnation des sociétés SAO et Sogeti Ingénierie à la garantir des sommes mises à sa charge.
Sur les conclusions présentées par la société Sogeti Ingénierie :
31. En premier lieu, des conclusions d'appel provoqué sont recevables si la situation de celui qui les forme est susceptible d'être aggravée par l'admission de l'appel principal. Par suite, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les conclusions d'appel provoqué présentées par la société Sogeti Ingénierie à l'encontre des sociétés UTB, Dagard et ATAUB doivent être rejetées comme irrecevables, ainsi qu'en ont été informées les parties.
32. En second lieu, pour le même motif que celui mentionné au point 29, et en l'absence de toute condamnation prononcée à l'encontre de la société Sogeti Ingénierie, celle-ci n'est pas fondée à demander que la société CMEG la garantisse des sommes mises à sa charge.
Sur les conclusions présentées par la société ATAUB :
33. La société ATAUB sollicite, pour la première fois en appel, la condamnation de l'INERIS et de la SAO à lui verser la somme de 54 763,85 euros toutes taxes comprises au titre de prestations qu'elle a effectuées. Toutefois, cette demande est nouvelle en appel et, par suite, irrecevable, ainsi qu'en ont été informées les parties.
Sur les dépens :
34. Ainsi qu'il a été dit au point 5, les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Senlis ne font pas partie des dépens de la présente instance. Par ailleurs, c'est à bon droit que les premiers juges ont mis à la charge définitive de la société CMEG les seuls frais du constat prescrit par le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens au titre de l'instance n° 1300546, liquidés et taxés à hauteur de 5 271,91 euros toutes taxes comprises aux termes d'une ordonnance du président de ce tribunal du 12 juillet 2013. Par suite, les conclusions présentées par la société CMEG au titre des dépens doivent être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
35. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société CMEG qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante au titre des frais exposés par l'INERIS et la SAO et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les sociétés CMEG, UTB, ATAUB, Dagard et Sogeti Ingénierie au titre de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 6 mars 2020 est annulé en tant qu'il se prononce sur les conclusions présentées par la société CMEG à l'encontre de la société UTB, en sa qualité de sous-traitante.
Article 2 : Les demandes présentées par la société CMEG devant le tribunal administratif d'Amiens à l'encontre de la société UTB, en sa qualité de sous-traitante, sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 3 : Le solde du marché de conception-réalisation d'un bâtiment à usage de laboratoire dénommé " plateforme d'excellence dans les sciences de la vie " à Verneuil-en-Halatte est fixé à la somme négative de 950 887,84 euros toutes taxes comprises.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et des conclusions présentées par les autres parties est rejeté.
Article 5 : Les articles 2 et 5 du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 6 mars 2020 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société CMEG, à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), à la société d'aménagement de l'Oise (SAO), à la société Sogeti Ingénierie, à la société Union technique du bâtiment (UTB), à la société Atelier d'architecture et d'urbanisme de la Brétèque (ATAUB), à la société Dagard et à M. B... A..., expert.
Délibéré après l'audience publique du 7 avril 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 avril 2022.
Le rapporteur,
Signé : N. Carpentier-Daubresse
La présidente de chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
C. Huls-Carlier
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N°20DA00832
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N°"Numéro"