Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) ... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2018 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France a délivré à Mme A... B... l'autorisation d'exploiter la parcelle cadastrale n° A 123 sur le territoire de la commune de Blangy-sur-Ternoise pour une superficie de 5 hectares 47 ares 20 centiares et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1808700 du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 mai 2021 et le 14 mars 2022, l'EARL ..., représentée par Me Vincent Bué, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée a été prise en méconnaissance de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime dès lors que l'autorisation d'exploiter délivrée à Mme B... compromet la viabilité de l'exploitation du preneur en place ;
- elle a été prise en méconnaissance de l'ordre de priorités établi par le schéma directeur régional des exploitations agricoles en Nord-Pas-de-Calais dès lors que Mme B..., pluriactive, ne disposant pas d'un plan de professionnalisation personnalisé, ni du matériel nécessaire à l'exploitation de la parcelle en cause, ne justifie pas de la réalité de son installation et ne pouvait donc être située au rang de priorité n° 2 comme le preneur en place ;
- à supposer même que Mme B... puisse être regardée comme relevant du même rang de priorité que le preneur en place, la priorité qui lui a été donnée n'est ni motivée, ni fondée ;
- l'autorisation d'exploiter n'a pas été délivrée à la personne visée par le congé délivré le 9 octobre 2017, l'identité mentionnée dans le congé n'étant pas celle de Mme A... B....
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2022, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête en appel de l'EARL ....
Il soutient que :
- le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée est irrecevable en appel ;
- il n'est pas démontré que l'autorisation délivrée à Mme B... compromettrait la viabilité de l'EARL ... ;
- l'installation de Mme B..., à titre individuel et à titre principal, relevait bien du rang de priorité n° 2, sans qu'elle eût à justifier des conditions de capacité ou d'expérience professionnelle qui ont seulement trait aux cas dans lesquels les opérations sont soumises à autorisation préalable ;
- à rang de priorité égal, Mme B... était prioritaire par rapport à la requérante par application de l'article 3 du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Nord-Pas-de-Calais, s'agissant d'une première installation, la parcelle en litige étant indispensable à la viabilité de son projet ;
- l'erreur matérielle affectant le congé délivré à l'EARL requérante portant sur le prénom de l'identité du bénéficiaire de la reprise n'a pas induit en erreur l'administration sur l'identité du bénéficiaire de l'autorisation d'exploiter.
La requête a été communiquée à Mme B..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- l'arrêté préfectoral portant schéma directeur régional des exploitations agricoles en Nord-Pas-de-Calais ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère,
- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par acte du 9 octobre 2017, M. C... B..., propriétaire de la parcelle cadastrale n° A 123 sur le territoire de la commune de Blangy-sur-Ternoise d'une superficie de 5 hectares 47 ares 20 centiares, a donné congé à l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) ... du bail dont celle-ci bénéficiait sur cette parcelle, aux fins de reprise de l'exploitation par sa fille, Mme B.... Par un arrêté du 17 juillet 2018, le préfet de la région Hauts-de-France a délivré l'autorisation d'exploiter cette parcelle à Mme B... dont l'installation a été regardée comme prioritaire par rapport à celle du preneur en place. Par un jugement du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de l'EARL ... tendant à l'annulation de cet arrêté. L'EARL ... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, l'EARL ... n'avait soulevé que des moyens tirés de l'illégalité interne de la décision contestée. Si devant la cour, elle soutient en outre que cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation s'agissant des considérations pour lesquelles la demande de Mme B... a été regardée comme prioritaire par rapport au preneur en place, à rang de priorité égal, ce moyen, fondé sur une cause juridique distincte, constitue une demande nouvelle irrecevable en appel.
3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : (...) 2° Lorsque l'opération compromet la viabilité de l'exploitation du preneur en place ; (...) ". D'autre part, l'article 1er du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Nord-Pas-de-Calais dispose que : " (...) pour le Nord-Pas-de-Calais, l'exploitation agricole viable est définie comme étant une exploitation dont la superficie est égale à la moyenne régionale de toutes les exploitations confondues, (...) arrondi à la dizaine inférieure soit 60 ha. (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, l'EARL ... exploitait une surface de 139 hectares et 10 ares. Dès lors que la reprise de la parcelle en cause porte sur 5 hectares 47 ares et 20 centiares, l'installation de Mme B... ne compromet pas la viabilité de l'exploitation du preneur en place qui continuera à exploiter plus de 133 hectares. L'EARL ... n'est donc pas fondée à soutenir que le préfet de la région Hauts-de-France a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime en autorisant une opération qui compromettrait la viabilité de son exploitation.
5. En troisième lieu, aux termes du 1° de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime, l'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut aussi être refusée " lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1. " Selon l'article 3 du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Nord-Pas-de-Calais : " Ordre de priorités (...) Rang 2 : / - installation dans la limite de 60 hectares par unité de main d'œuvre après reprise (...) / - agrandissement, réunion ou concentration d'exploitations dans la limite de 60 hectares par unité de main d'œuvre après reprise. (...) Priorité à l'installation : / En cas de demandes relevant d'un même rang de priorité et lorsque la demande d'autorisation porte sur une part de foncier indispensable à la viabilité du projet d'un nouvel installé, l'ordre de priorité à l'intérieur du rang sera le suivant (...) / 3- Autres nouveaux installés hors reprise du conjoint (...) ".
6. Il ressort des indications de l'administration, non sérieusement contredites par l'EARL ..., que Mme B..., qui n'était pas pluriactive, dès lors qu'elle n'exerçait plus aucune activité rémunérée à la date du dépôt de sa demande, avait pour projet d'exploiter une parcelle de 5 hectares 47 ares pour y exercer une activité agricole de maraîchage biologique et de culture de sapins de Noël. Sa situation correspondait ainsi à une installation dans la limite de 60 hectares par unité de main d'œuvre après reprise relevant du rang de priorité n° 2 du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Nord-Pas-de-Calais. L'EARL ..., constituée de trois associés et exploitant après reprise 133 hectares 62 ares et 80 centiares, relevait également du rang de priorité n° 2 précité. Il suit de là que c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet de la région Hauts-de-France a retenu des rangs de priorité égaux entre le preneur en place et Mme B....
7. Il est également constant que la demande d'autorisation de Mme B... a porté sur une part de foncier indispensable à la viabilité de son projet. Dans ces conditions, en sa qualité de " nouvelle installée hors reprise du conjoint " et sans que le préfet de la région Hauts-de-France fût tenu d'examiner les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnées au 3° du I de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation qu'il a considéré que l'installation de Mme B... devait être regardée comme prioritaire à l'intérieur du rang n° 2.
8. En dernier lieu, la circonstance que le congé délivré à l'EARL ... comporte une erreur sur le prénom du bénéficiaire de la reprise est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision contestée. Ce moyen doit donc être écarté comme étant inopérant.
9. Il résulte de tout ce qui précède que l'EARL ... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 17 juillet 2018 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France a délivré à Mme A... B... l'autorisation d'exploiter la parcelle cadastrale n° A 123 sur le territoire de la commune de Blangy-sur-Ternoise.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, le versement à l'EARL ... d'une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'exploitation agricole à responsabilité limitée ... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'exploitation agricole à responsabilité limitée ..., au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à Mme A... B....
Copie sera adressée au préfet de la région Hauts-de-France.
Délibéré après l'audience publique du 26 avril 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,
- Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure,
- Mme Anne Khater, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022.
La rapporteure,
Signé : A. KhaterLa présidente de chambre,
Signé : A. Seulin
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Anne-Sophie Villette
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N°21DA00977