Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2021 par lequel le préfet de l'Aisne l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2103149 du 22 septembre 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 16 septembre 2021.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 octobre 2021, le préfet de l'Aisne demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif d'Amiens.
Il soutient que c'est à tort que la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté litigieux pour défaut de base légale dès lors qu'une assignation à résidence peut être légalement fondée sur une interdiction de retour sur le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2022, M. C... A..., représenté par Me Thelma Cariti-Brankov, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement du 22 septembre 2021 ayant annulé l'arrêté du 16 septembre 2021 et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que le moyen de la requête n'est pas fondé, qu'il y a lieu de confirmer le jugement de première instance et il reprend les moyens soulevés en première instance à l'encontre de l'arrêté préfectoral du 16 septembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Anne Seulin, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., ressortissant algérien né le 23 juin 1971, a déclaré résider en France depuis " plus de trente ans ". Par un arrêté du 2 septembre 2019, le préfet de police a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ de trente jours. Par un arrêté du 7 juillet 2020, l'intéressé a ensuite fait l'objet d'une décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Du 7 juillet 2020 au 5 septembre 2020, M. A... a été placé en rétention. Suite à son interpellation, un second arrêté de placement en rétention lui a été notifié le 14 septembre 2021. A la suite de l'annulation de ce placement en rétention par une décision du juge de la détention et des libertés du tribunal judiciaire de Lille, M. A... a été libéré du centre de rétention administrative de Lille-Lesquin le 16 septembre 2021. Le même jour, le préfet de l'Aisne l'a assigné à résidence. Le préfet de l'Aisne interjette appel du jugement du 22 septembre 2021 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a annulé son arrêté du 16 septembre 2021 portant assignation à résidence de M. A....
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) ". L'article L. 722-8 du même code dispose : " Lorsque l'étranger ne peut être éloigné en exécution d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative ne peut pas procéder à l'exécution d'office de l'interdiction de retour assortissant cette obligation de quitter le territoire français. " Aux termes de l'article L. 731-1 du même code : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; / 2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ; (...) ". L'article R. 613-6 de ce code dispose : " L'étranger auquel est notifiée une interdiction de retour sur le territoire français est informé du caractère exécutoire de cette décision et de ce que la durée pendant laquelle il lui est interdit de revenir sur le territoire commence à courir à la date à laquelle il satisfait à son obligation de quitter le territoire français. Il est également informé des conditions d'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français mentionnées à l'article R. 711-1, ainsi que des conditions dans lesquelles il peut justifier de sa sortie du territoire français conformément aux dispositions de l'article R. 711-2. "
3. Il résulte de ces dispositions combinées que l'assignation à résidence, qui a pour objet de permettre la mise à exécution d'une mesure d'éloignement, ne peut être fondée sur une interdiction de retour sur le territoire que lorsque celle-ci a commencé à courir, donc après l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français et le retour irrégulier de l'intéressé pendant la durée de l'interdiction.
4. En l'espèce, M. A... a fait l'objet d'une mesure d'éloignement par un arrêté du 2 septembre 2019, puis d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans prononcée le 7 juillet 2020. Il est constant qu'à la date de l'arrêté attaqué du 16 septembre 2021, la mesure d'éloignement n'avait pas été exécutée depuis plus d'un an, ni l'interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, la décision d'assignation à résidence prise à l'encontre de M. A... ne pouvait se fonder sur les dispositions précitées du 2° de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par conséquent, le préfet de l'Aisne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a jugé que son arrêté portant assignation à résidence était dépourvu de base légale.
5. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Aisne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a annulé son arrêté du 16 septembre 2021 portant assignation à résidence de M. A....
Sur les frais liés à l'instance :
6. En application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et M. A... ne justifiant pas avoir déposé devant la cour une demande d'aide juridictionnelle, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à M. A....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de l'Aisne est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au préfet de l'Aisne, à M. C... A... et à Me Cariti-Brankov.
Délibéré après l'audience publique du 26 avril 2022 à laquelle siégeaient :
La présidente-assesseure,
Signé : A. ChauvinLa présidente de chambre
Signé : A. Seulin
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière
Anne-Sophie Villette
N°21DA02489 2