Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Au Refuge Berbère a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 28 janvier 2020 portant fermeture pour une durée de vingt-et-un jours de l'établissement " La maison du Bonheur " et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance n° 2000443 du 6 octobre 2020 la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2020, la société Au Refuge Berbère, représentée par Me de Couessin, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de renvoyer l'affaire n° 2000443 devant le tribunal administratif de Rouen.
Elle soutient que :
- elle n'a jamais reçu notification de l'ordonnance du 21 février 2020 rejetant sa demande en référé-suspension et n'a jamais été informée du fait qu'elle devait manifester, dans le mois de cette ordonnance, sa volonté de maintenir son recours en annulation, de sorte que les dispositions de l'article R 612-5-2 du code de justice administrative ne lui sont pas applicables ;
- elle a manifesté sa volonté de maintenir son recours au fond par la communication de huit nouvelles pièces le 9 juin 2020, soit dans le délai qui lui était imparti conformément aux dispositions de l'ordonnance 2020-306 relative à la prolongation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et de l'adaptation des procédures ;
- l'ordonnance qui ne fait pas état de cette communication de pièces est ainsi entachée d'une erreur matérielle et d'une erreur de fait.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2021 le ministre de l'intérieur conclut, à titre principal, à sa mise hors de cause et, à titre subsidiaire, s'en remet à la décision de la cour et, dans l'hypothèse où la cour annulerait cette ordonnance, au renvoi de l'affaire devant le tribunal administratif de Rouen.
La requête a été communiquée à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par ordonnance du 8 juin 2021, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 25 juin 2021 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur,
- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Au Refuge Berbère a fait l'objet le 2 mars 2019 d'un contrôle, par les agents de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, de son établissement " La Maison Du Bonheur " situé à Rouen. Ce contrôle ayant révélé une dissimulation d'emploi salarié, le préfet de la Seine-Maritime a décidé, par arrêté du 28 janvier 2020, pris sur le fondement de l'article L. 8272-2 du code du travail, la fermeture de cet établissement pour une durée de vingt-et-un jours. La société Au Refuge Berbère relève appel de l'ordonnance du 6 octobre 2020 par laquelle la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté du 28 janvier 2020.
2. Aux termes de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative : " En cas de rejet d'une demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 au motif qu'il n'est pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, il appartient au requérant, sauf lorsqu'un pourvoi en cassation est exercé contre l'ordonnance rendue par le juge des référés, de confirmer le maintien de sa requête à fin d'annulation ou de réformation dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce rejet. A défaut, le requérant est réputé s'être désisté. / Dans le cas prévu au premier alinéa, la notification de l'ordonnance de rejet mentionne qu'à défaut de confirmation du maintien de sa requête dans le délai d'un mois, le requérant est réputé s'être désisté ". Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période : " I. - Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus. (...) " et aux termes de l'article 2 de la même ordonnance : " Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. (...)".
3. Pour donner acte à la société Au Refuge Berbère de son désistement, le premier juge s'est fondé sur la circonstance que l'intéressée avait demandé au juge des référés de suspendre l'exécution de l'arrêté du 28 janvier 2020 dont elle sollicitait l'annulation, que cette requête en référé avait été rejetée par une ordonnance du 21 février 2020 notifiée le même jour et qu'elle n'avait pas exercé un pourvoi en cassation contre cette ordonnance du juge des référés ni confirmé le maintien de sa requête à fin d'annulation de l'arrêté en question dans le délai d'un mois à compter du 24 juin 2020 comme l'exigent les dispositions précitées de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative.
4. Si la capture d'écran de l'extrait de l'application informatique " Sagace" du dossier de première instance fait apparaître que l'ordonnance du 21 février 2020 a été communiquée à la société Au Refuge Berbère le 22 février 2020 par lettre du greffe, comportant la mention qu'à défaut de confirmation du maintien de sa requête aux fins d'annulation dans le délai d'un mois, elle sera réputée s'être désistée, la société Au Refuge Berbère conteste avoir reçu ces éléments. Or, une mention dans l'application informatique interne à la juridiction, distincte de celle mentionnée à l'article R. 414-1 du code de justice administrative, ne saurait à elle seule avoir valeur probante. Par ailleurs, il n'est pas établi par les pièces du dossier, malgré les diligences effectuées par la cour auprès du greffe du tribunal administratif de Rouen tendant à la production de l'accusé de réception d'envoi postal, que la société Au Refuge Berbère ait reçu notification de l'ordonnance du 21 février 2020. Par suite, c'est à tort que la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Rouen a considéré que la société Au Refuge Berbère devait, en vertu des dispositions de l'article R. 612-5-2, être réputée s'être désistée de sa requête au motif qu'aucune confirmation du maintien de ses conclusions n'était parvenue à la juridiction.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la société Au Refuge Berbère est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance contestée, le premier juge lui a donné acte du désistement de sa requête. Par suite, il y a lieu d'annuler cette ordonnance et, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Rouen pour qu'il statue à nouveau sur la demande de la requérante.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 2000443 du 6 octobre 2020 de la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Rouen est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Rouen.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Au Refuge Berbère, au ministre de l'intérieur et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience publique du 12 mai 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Denis Perrin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 mai 2022.
Le président-rapporteur,
Signé : M. A...
La présidente de chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
C. Huls-Carlier
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N° 20DA01934