Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Duca a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 23 août 2019 par lequel le préfet de l'Oise l'a mise en demeure de produire un rapport pédologique complémentaire concernant le projet d'aménagement de la résidence intergénérationnelle située à Saint-Paul et de suspendre tous travaux jusqu'à la délivrance d'une nouvelle autorisation administrative.
Par un jugement n° 1903289 du 22 décembre 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 février 2021 et un mémoire enregistré le 10 février 2022, la société Duca, représentée par Me Valéry Gollain, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 août 2019 du préfet de l'Oise ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal a procédé à une substitution de base légale sans solliciter les observations des parties ;
- l'arrêté attaqué méconnaît l'article L. 171-7 du code de l'environnement ;
- il méconnaît l'article L. 171-8 du même code ;
- il est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il examine la compatibilité du projet avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Seine-Normandie ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires en défense enregistrés le 14 janvier 2022 et le 11 mars 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens contenus dans la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 14 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er avril 2022 ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Corinne Baes-Honoré, présidente,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de Me Guillaume Herbet, représentant la société Duca.
Considérant ce qui suit :
1. La société Financière Vauban a déclaré le 16 avril 2014 au préfet de l'Oise sur le fondement de l'article L. 214-3 du code de l'environnement un projet d'aménagement d'une résidence intergénérationnelle composée de 82 logements sur le territoire de la commune de Saint-Paul. Par un courrier du 25 avril 2014, le préfet de l'Oise a accusé réception de cette déclaration. A la suite d'une visite sur les lieux effectuée par les services préfectoraux, ces derniers ont estimé que les travaux avaient été entrepris en méconnaissance de la déclaration de 2014, notamment en matière de gestion des eaux pluviales. Par un courrier du 20 novembre 2018, le préfet de l'Oise a sollicité des éléments d'expertise complémentaires concernant la gestion des eaux pluviales. Estimant que les éléments transmis par la société Financière Vauban, devenue société Duca, restaient lacunaires, le préfet de l'Oise l'a mise en demeure, par un arrêté du 23 août 2019 de fournir un rapport pédologique complémentaire et de suspendre tous travaux jusqu'à la délivrance d'une nouvelle autorisation administrative. La société Duca a demandé au tribunal administratif d'Amiens l'annulation de cet arrêté. Le tribunal a rejeté sa demande par un jugement du 20 décembre 2020 dont la société Duca relève appel.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges n'ont pas procédé à une substitution de base légale, mais ont estimé que l'arrêté attaqué avait été pris sur le fondement de l'article L. 171-7 du code de l'environnement. Par suite, l'appelante ne peut utilement soutenir qu'en s'abstenant de solliciter ses observations sur la possibilité d'une substitution d'office de base légale, les premiers juges ont entaché le jugement attaqué d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 171-7 du code de l'environnement : " I.- Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque (...) des travaux (...) ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement, (...) ou de la déclaration requis en application du présent code, (...) l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d'un an. / Elle peut, par le même acte ou par un acte distinct, suspendre (...) la poursuite des travaux, (...) ou aménagements jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la déclaration ou sur la demande d'autorisation, d'enregistrement, d'agrément, d'homologation ou de certification, à moins que des motifs d'intérêt général et en particulier la préservation des intérêts protégés par le présent code ne s'y opposent (...) / II.- S'il n'a pas été déféré à la mise en demeure à l'expiration du délai imparti, (...) l'autorité administrative (...) peut faire application du II de l'article L. 171-8 aux fins d'obtenir l'exécution de cette décision ". Aux termes du I de l'article L. 171-8 du code de l'environnement : " Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux (...) travaux, aménagements, (...), l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. (...) ".
4. Il résulte des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet de l'Oise n'a pas mis en demeure la société Duca de mettre en conformité les travaux effectués avec ceux déclarés le 16 avril 2014, mais de produire des éléments d'expertise complémentaires afin de régulariser des travaux modificatifs non déclarés. Eu égard à l'objet de cette mise en demeure, l'arrêté attaqué doit être regardé comme pris sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 171-7 du code de l'environnement, alors même qu'il ne mentionne pas cet article dans ses visas. S'il rappelle dans ses motifs les sanctions prévues au II de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, de telles sanctions peuvent être aussi prononcées en cas de manquement à une mise en demeure édictée sur le fondement de l'article L. 171-7 du même code. Il s'ensuit que l'appelante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 171-8 du code de l'environnement à l'encontre de l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen doit être écarté comme inopérant.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 214-40 du code de l'environnement : " Toute modification apportée par le déclarant à l'ouvrage ou l'installation, à son mode d'utilisation, à la réalisation des travaux ou à l'aménagement en résultant ou à l'exercice de l'activité ou à leur voisinage et de nature à entraîner un changement notable des éléments du dossier de déclaration initiale doit être portée avant sa réalisation à la connaissance du préfet, qui peut exiger une nouvelle déclaration. / La déclaration prévue à l'alinéa précédent est soumise aux mêmes formalités que la déclaration initiale ". Aux termes du I de l'article 214-40-3 du même code : " Sauf cas de force majeure ou de demande justifiée et acceptée de prorogation de délai, la déclaration d'un projet cesse de produire effet lorsque celui-ci n'a pas été mis en service ou réalisé dans le délai fixé par l'arrêté d'autorisation ou, à défaut, dans un délai de trois ans à compter de la date de déclaration (...) ".
6. Il résulte de l'instruction et notamment des éléments déclarés par la pétitionnaire le 16 avril 2014 au préfet de l'Oise que le projet initial consistait à construire une résidence de 82 logements et que les eaux pluviales issues du ruissellement sur l'ensemble des surfaces imperméabilisées devaient être acheminées vers des " bassins de rétention " partiellement étanches, avant d'être rejetées, par l'intermédiaire d'une " noue aménagée le long du chemin rural " , dans le " réseau existant situé en amont du carrefour entre la rue des Auges et la route départementale n° 931 ". Il résulte de l'instruction et notamment des éléments déclarés par la pétitionnaire que ce dispositif de traitement des eaux pluviales a été choisi en raison des conditions peu favorables d'infiltration des eaux " au vu des essais de perméabilité réalisés sur le site par la société Fondasol ".
7. Or il résulte de l'instruction et notamment des éléments portés à la connaissance du préfet de l'Oise le 14 novembre 2018 par la société Duca que le projet de construction modifié ne comportera plus que 58 logements et que les eaux pluviales de ruissellement, autres que celles issues des " voiries nouvelles (accès, parkings, chaussées, espaces verts) ", " seront traitées à la parcelle via des tranchées drainantes individuelles ". Ces modifications, compte tenu de leur ampleur ainsi que des caractéristiques physiques du terrain d'assiette du projet rappelées au point précédent, sont constitutives d'un changement notable de la déclaration initiale qui devait être porté, avant sa réalisation, à la connaissance du préfet dans les conditions prévues par l'article R. 214-40 du code de l'environnement, alors même que ces modifications ont fait l'objet d'un permis de construire modificatif et ne méconnaîtraient pas les dispositions du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Paul.
8. En vue de régulariser ces travaux qui n'avaient pas été déclarés le 16 avril 2014, le préfet de l'Oise a pu demander à bon droit à la société pétitionnaire la production d'éléments complémentaires par des courriers du 20 novembre 2018, du 18 décembre 2018 et du 15 mars 2019, portant en particulier sur la perméabilité des parcelles d'infiltration des eaux pluviales. Il résulte de l'instruction et notamment des courriers adressés le 18 mars 2019 et le 18 juillet 2019 au préfet de l'Oise par la société Duca que cette dernière n'a pas produit l'étude de perméabilité demandée. Si l'appelante soutient qu'elle est dans l'impossibilité de réaliser cette étude dès lors que des bâtiments correspondant à la première tranche du projet sont d'ores et déjà construits, elle ne produit aucun élément précis et circonstancié à l'appui de ses allégations, alors que le préfet de l'Oise a fait valoir en première instance, sans être sérieusement contredit, que l'étude demandée pourra être réalisée à l'aide d'une tarière sans déploiement de matériels lourds sur les parcelles en cause.
9. Dans ces conditions, le préfet de l'Oise a pu à bon droit, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 171-7 du code de l'environnement, prononcer les mises en demeure litigieuses, sans être tenu de constater sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 214-40-3 du code de l'environnement, la caducité de la déclaration effectuée le 16 avril 2014. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 171-7 et R. 214-40 du code de l'environnement et le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 214-3 du code de l'environnement : " I.- Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation (...). / Cette autorisation est l'autorisation environnementale régie par les dispositions du chapitre unique du titre VIII du livre Ier, sans préjudice de l'application des dispositions du présent titre. / II.- Sont soumis à déclaration les installations, ouvrages, travaux et activités qui, n'étant pas susceptibles de présenter de tels dangers, doivent néanmoins respecter les prescriptions édictées en application des articles L. 211-2 et L. 211-3. / Dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, l'autorité administrative peut s'opposer à l'opération projetée s'il apparaît qu'elle est incompatible avec les dispositions du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (...) ".
11. Aux termes de l'article R. 214-1 du code de l'environnement : " La nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 figure au tableau annexé au présent article. / (...) / Titre II / Rejets / 2.1.5.0. Rejet d'eaux pluviales dans les eaux douces superficielles ou sur le sol ou dans le sous-sol, la surface totale du projet, augmentée de la surface correspondant à la partie du bassin naturel dont les écoulements sont interceptés par le projet, étant : / 1° Supérieure ou égale à 20 ha (A) ; / 2° Supérieure à 1 ha mais inférieure à 20 ha (D) ". Aux termes de l'article R. 214-32 du même code : " I.- Toute personne souhaitant réaliser une installation, un ouvrage, des travaux ou une activité soumise à déclaration adresse une déclaration au préfet du département ou des départements où ils doivent être réalisés. / II.- Cette déclaration, remise en trois exemplaires et sous forme électronique, comprend : / (...) / 4° Un document : / (...) / c) Justifiant, le cas échéant, de la compatibilité du projet avec le schéma directeur ou le schéma d'aménagement et de gestion des eaux (...) ".
12. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, saisie d'un projet déclaré sur le fondement de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, relevant notamment du 2° de la rubrique 2.1.5.0 de l'annexe à l'article R. 214-1 du même code, l'autorité administrative doit notamment s'assurer de sa compatibilité avec les dispositions du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux applicable.
13. En l'espèce, l'arrêté attaqué n'a pas pour objet de vérifier la compatibilité du projet avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du bassin Seine-Normandie, mais se borne à rappeler que les dispositions de ce schéma exigent " une infiltration des eaux pluviales lorsque les conditions pédologiques le permettent ". Dès lors que le projet porté le 16 novembre 2020 à sa connaissance relève du 2° de la rubrique 2.1.5.0 de l'annexe à l'article R. 214-1 du code de l'environnement, le préfet a pu procéder à bon droit à ce rappel et estimé qu'il conviendra d'examiner ultérieurement la compatibilité de la nouvelle demande d'autorisation que lui présentera la société Duca avec les dispositions de ce schéma directeur. Par suite, alors même que le plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Paul doit lui-même être compatible avec ce schéma directeur, le moyen tiré d'erreur de droit doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la société Duca n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrête du 23 août 2019 du préfet de l'Oise.
Sur les frais liés à l'instance :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par la société Duca et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Duca est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Duca et à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Oise.
Délibéré après l'audience publique du 3 mai 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Denis Perrin, premier conseiller,
- Mme Naïla Boukheloua, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2022.
L'assesseur le plus ancien,
Signé : D. Perrin
La présidente de la formation de jugement,
Signé : C. Baes-Honoré
La greffière,
Signé : C. Sire
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Christine Sire
N° 21DA0368
2