Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 11 juin 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour " salarié " ou de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte journalière de 100 euros par jour de retard et de mettre la somme de 1 200 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2102769 du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 février 2022, Mme B... A..., représentée par Me Anna-Laurine Castor, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;
- la décision portant refus de titre de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet lui a opposé la tardiveté de sa demande malgré l'existence de circonstances nouvelles ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2022, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête de Mme A....
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués au soutien de la requête n'est fondé.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2022.
Par une ordonnance du 23 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour et des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., ressortissante guinéenne se disant née le 10 octobre 2001, déclare être entrée en France le 10 février 2018, a été confiée au service de l'aide sociale à l'enfance et a bénéficié d'une protection " jeune majeur " à compter du 10 février 2020. Le 22 octobre 2019, elle a sollicité l'asile qui lui a été refusé en dernier lieu par la cour nationale du droit d'asile le 20 avril 2021. Entre temps, le 17 mai 2020, elle a demandé son admission exceptionnelle au séjour, en qualité de salariée, sur le fondement des dispositions des articles L. 313-14 et L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 11 juin 2021, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de cet arrêté. Mme A... relève appel de ce jugement.
Sur l'arrêté attaqué dans son ensemble :
2. Si Mme A... soutient que l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente, ce moyen, qui n'est assorti d'aucune précision nouvelle en appel, a été écarté par de justes motifs, qu'il y a lieu d'adopter, aux points 2, 7 et 10 du jugement attaqué.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 431-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur depuis le 1er mai 2021 : " Les conditions dans lesquelles les demandes de titres de séjour sont déposées auprès de l'autorité administrative compétente sont fixées par voie réglementaire ". Aux termes de l'article L. 431-2 du même code : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 611-3, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour. (...) ". Aux termes de l'article D. 431-7 du même code : " Pour l'application de l'article L. 431-2, les demandes de titres de séjour sont déposées par le demandeur d'asile dans un délai de deux mois.(...) ".
4. En l'espèce, s'il ressort des motifs de la décision contestée que le préfet de la Seine-Maritime a mentionné que Mme A... avait présenté sa demande de régularisation plus de deux mois après avoir sollicité l'asile et qu'elle ne répondait pas aux conditions imposées par les dispositions précitées de l'article L. 431-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il a néanmoins examiné les conditions de fond de l'admission exceptionnelle au séjour demandée par Mme A... sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que Mme A... ne peut utilement se prévaloir de l'inexacte application par le préfet de la Seine-Maritime des dispositions précitées de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. S'il ressort des pièces du dossier que Mme A... a été employée durant deux années par un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes pendant l'état d'urgence sanitaire et y a manifesté une implication remarquable, ce recrutement était limité à la durée de l'instruction de sa demande d'asile et ne saurait masquer les incertitudes pesant sur son âge lors de son entrée sur le territoire français, Mme A... ayant elle-même reconnu avoir falsifié ses documents de voyage. Par ailleurs, Mme A... est célibataire et sans enfant à charge et ne justifie pas d'une vie privée et familiale sur le territoire français. C'est donc sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet de la Seine-Maritime a considéré que l'admission au séjour de Mme A... ne se justifiait pas au regard de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'a pas non plus porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée et n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ces moyens doivent donc être écartés.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui a été énoncé aux points 3 à 6 du présent arrêt que Mme A... n'est pas fondée à se prévaloir de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
8. En second lieu, au vu de la situation de Mme A... telle que décrite au point 6, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
9. En premier lieu, l'arrêté contesté mentionne la nationalité de Mme A... et indique que son retour en Guinée ne l'expose pas à des traitements prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
10. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été énoncé aux points 7 et 8 du présent arrêt que Mme A... n'est pas fondée à se prévaloir de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
12. Mme A..., dont la demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par la cour nationale du droit d'asile, ne fait valoir aucun élément susceptible d'établir le bien-fondé des craintes pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui a été énoncé aux points 3 à 6 du présent arrêt que Mme A... n'est pas fondée à se prévaloir de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
14. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français.
Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
15. Compte tenu de la situation de Mme A... telle que précédemment décrite au regard, d'une part, de ses conditions d'entrée et de séjour sur la base de documents falsifiés et de déclarations frauduleuses sur son âge et, d'autre part, de ce que l'intéressée résidait depuis deux années en France à la date de l'arrêté attaqué et de son implication manifestée au cours de la période de crise sanitaire, en prenant une décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée limitée à un an, le préfet n'a ni méconnu les dispositions précitées de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Anne-Laurine Castor.
Délibéré après l'audience publique du 5 juillet 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,
- Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure,
- Mme Anne Khater, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juillet 2022.
La rapporteure,
Signé : A. KhaterLa présidente de chambre,
Signé : A. Seulin
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière
Anne-Sophie Villette
2
N°22DA00403