Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2021 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un certificat de résidence algérien dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2109913 du 13 avril 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Laïd, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté du 16 novembre 2021 ;
3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer le titre de séjour sollicité, à défaut de réexaminer sa situation, sous astreinte de 155 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, en application de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle méconnaît les stipulations du 4° de l'article 6 et de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien ainsi que celles de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la réalité de la menace à l'ordre public invoquée n'est pas établie ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle a été prise en violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
- en l'absence de menace pour l'ordre public ou de risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement, les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2022, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés et doivent être écartés pour les motifs exposés dans ses écritures de première instance.
Par une ordonnance du 9 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 26 septembre 2022 à 12 heures.
Par une décision du 30 août 2022, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 25 janvier 1981, est entré en France en 2016, de façon irrégulière. Le préfet du Nord lui a délivré un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ", valable du 21 février 2020 au 20 février 2021.
Le 19 mars 2021, M. B... a sollicité le renouvellement de son certificat de résidence algérien mention " vie privée et familiale " en tant que parent d'enfant français, pour une durée de dix ans. Par un arrêté du 16 novembre 2021, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer le certificat de résidence demandé, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. M. B... relève appel du jugement du 13 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, l'arrêté en litige vise les textes dont il fait application et comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens visés à l'article 7 peuvent obtenir un certificat de résidence de dix ans s'ils justifient d'une résidence ininterrompue en France de trois années. Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence dont ils peuvent faire état, parmi lesquels les conditions de leur activité professionnelle et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande. Le certificat de résidence valable dix ans, renouvelé automatiquement, confère à son titulaire le droit d'exercer en France la profession de son choix, dans le respect des dispositions régissant l'exercice des professions réglementées. / Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : (...) g) Au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins, à l'échéance de son certificat de résidence d'un an ; (...) ".
4. Ces stipulations ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence de dix ans lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.
5. M. B..., père de deux enfants français nés le 30 décembre 2018 et le 25 novembre 2019, soutient qu'il remplissait les conditions posées par les stipulations précitées de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié pour l'obtention d'un certificat de résidence.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été condamné, par un jugement du 20 juillet 2020 du tribunal correctionnel de Valenciennes, à une peine d'un an et six mois d'emprisonnement dont un an avec sursis pour des faits d'acquisition, d'offre ou cession, détention et transport non autorisé de stupéfiants. Si M. B... fait valoir qu'il s'agit d'une condamnation isolée et qu'il n'est allégué aucune autre convocation en justice, poursuite ou signalement à son encontre, compte tenu de la gravité des faits et de leur caractère récent, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que la poursuite du séjour de M. B... en France constituait une menace pour l'ordre public et a pu légalement, pour ce seul motif, lui refuser la délivrance du certificat de résidence sollicité sur le fondement des stipulations de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
7. M. B... soutient qu'il remplit cependant les conditions pour obtenir un certificat de résidence, fixées par les stipulations citées précédemment de l'accord franco-algérien, dès lors, d'une part, qu'il est parent ascendant de deux enfants français, sur lesquels il exerce l'autorité parentale, à l'entretien et à l'éducation desquels il contribue et dans la mesure, d'autre part, où il entretient une relation de concubinage avec la mère de ces enfants, ressortissante de nationalité française. Toutefois, il résulte de ce qui a été exposé au point précédent que, pour le seul motif tenant à la menace pour l'ordre public que constitue sa présence en France, le préfet pouvait refuser à M. B... la délivrance du certificat de résidence sollicité sur le fondement des stipulations de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Il résulte des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ce motif. Dès lors, M. B... ne peut utilement soutenir qu'il remplit les conditions prévues par les stipulations précitées de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 pour prétendre à la délivrance d'un certificat de résidence.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Par ailleurs, aux termes du 1) de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France en 2016, alors qu'il était âgé de trente-cinq ans. Pour attester de sa vie en concubinage avec une ressortissante de nationalité française, mère de ses deux enfants, il produit deux attestations établies par la caisse d'allocations familiales, communes aux deux parents, justifiant du versement de prestations d'allocations familiales pour les seuls mois de juillet et août 2019 ainsi qu'un avenant au bail locatif du logement correspondant à l'adresse du foyer familial, établi le 4 octobre 2021, soit un mois avant la décision attaquée, indiquant que le nom de M. B... a été ajouté au contrat. S'agissant de sa contribution à l'éducation et à l'entretien de ses deux enfants français, M. B... se prévaut des deux attestations de versement de prestations d'allocations familiales précitées, d'un certificat de scolarité pour la période 2021-2022 pour sa fille née en en 2018, de quelques photographies, d'un certificat médical établi le 12 mai 2022 mentionnant pour l'année 2021 des consultations au cabinet médical avec ses enfants, de témoignages peu circonstanciés du voisinage ou d'amis ainsi que d'une attestation de la mère de ses enfants. Ces éléments sont insuffisants à témoigner de l'intensité et de la réalité des liens familiaux qu'il allègue, ce d'autant que la commission du titre de séjour réunie le 9 septembre 2021 en sa présence, a émis un avis défavorable à la délivrance d'un titre de séjour, après avoir estimé qu'il n'apportait pas d'éléments concrets sur sa vie commune et ses relations avec ses enfants. En outre, s'il a bénéficié d'un contrat d'insertion à temps partiel pour une durée déterminée auprès d'une association, du 23 mars au 22 novembre 2021, il ne justifie pas d'une activité professionnelle régulière en France, ni d'une intégration sociale. Dans ces circonstances, le préfet du Nord, en lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence, n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, ni méconnu l'intérêt supérieur des deux enfants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 9 que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision refusant un titre de séjour, ne peut qu'être écarté.
11. Aux termes du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 5° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ".
12. Pour démontrer qu'il contribue à l'éducation et à l'entretien de ses deux enfants français, M. B... produit deux attestations de versement de prestations d'allocations familiales établies par la caisse d'allocations familiales pour les mois de juillet et août 2019, un certificat de scolarité 2021-2022 pour sa fille née en 2018, quelques photographies, un certificat médical établi le 12 mai 2022, soit postérieurement à l'arrêté attaqué, des témoignages peu circonstanciés du voisinage ou d'amis ainsi qu'une attestation de la mère de ses enfants. Cependant ces éléments sommaires et insuffisants, ne sont pas de nature à établir sa contribution effective à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants depuis leur naissance ou depuis au moins deux ans. Le préfet du Nord n'a, dès lors, pas méconnu les dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'obligeant à quitter le territoire français.
13. Enfin, compte tenu de ce qui a été énoncé au point 9, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 13 que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.
15. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". Et aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) ".
16. M. B... soutient que le préfet ne pouvait, sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation, fonder sa décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire sur les dispositions précitées du 1° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, ce moyen doit être écarté.
17. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Bilel Laïd.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 17 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Nathalie Massias, présidente,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2023.
Le rapporteur,
Signé : F. Malfoy
La présidente,
Signé : N. Massias
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
C. Huls-Carlier
N° 22DA01476 2