Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 29 octobre 2016 par laquelle la Métropole Européenne de Lille (MEL) a refusé implicitement de déplacer la canalisation d'évacuation des eaux pluviales implantée irrégulièrement sur leur terrain et d'enjoindre à la MEL de procéder à ses frais au déplacement de cette canalisation.
Par un jugement n° 1701403 du 23 avril 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 juin 2021 et 14 octobre 2022, M. B... et Mme C..., représentés par Me Jean-François Pambo, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cette décision du 29 octobre 2016 ;
3°) d'enjoindre à la Métropole Européenne de Lille de réaliser les travaux nécessaires au déplacement de la canalisation d'évacuation des eaux pluviales située sur leur terrain ;
4°) et de mettre à la charge de la Métropole Européenne de Lille le paiement d'une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- cette canalisation d'évacuation des eaux pluviales, ouvrage affecté à un intérêt général, présente les caractères d'un ouvrage public ;
- elle a été irrégulièrement implantée sur leur terrain ;
- elle leur cause un préjudice important et seul un déplacement de son implantation apparaît désormais envisageable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2022, et un mémoire enregistré le 2 novembre 2022 qui n'a pas été communiqué, la Métropole Européenne de Lille, représentée par Me Thibault Soleilhac, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge des requérants le paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 14 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 novembre 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Carole Régnier, rapporteur public,
- et les observations de Me Jean-François Pambo, représentant M. B... et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. M. D... B... et Mme A... C... ont acquis un terrain à bâtir, cadastré BX 355, situé 12 rue d'Hespel à Bondues, le 24 septembre 2015. Lors de l'instruction de leur demande de permis de construire déposée le 7 mars 2016, la ville de Bondues a porté à la connaissance de M. B... et Mme C... l'existence d'une canalisation d'écoulement des eaux pluviales traversant leur terrain. Par une lettre du 29 août 2016, M. B... et Mme C... ont demandé à la MEL de déplacer la canalisation. Par deux décisions des 29 octobre 2016 et 21 décembre 2016, la MEL a rejeté cette demande. M. B... et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision de refus de la MEL et d'enjoindre à la MEL de réaliser les travaux nécessaires au déplacement de la canalisation d'évacuation des eaux pluviales située sur leur terrain, qu'ils estiment irrégulièrement implantée. Par un jugement du 23 avril 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur requête.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. La circonstance qu'un ouvrage n'appartienne pas à une personne publique ne fait pas obstacle à ce qu'il soit regardé comme une dépendance d'un ouvrage public s'il présente, avec ce dernier, un lien physique ou fonctionnel tel qu'il doive être regardé comme un accessoire indispensable de l'ouvrage.
3. En l'espèce, il ne résulte certes pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas soutenu, que la canalisation en litige aurait été commandée ou financée par une personne publique. Cependant, il résulte de cette même instruction, et notamment des extraits du plan d'eau et d'assainissement de la commune de Bondues ainsi que du plan cartographique du système d'eau et d'assainissement de la MEL, que cette canalisation de 600 mm de diamètre reçoit les eaux pluviales provenant non seulement des champs situés de l'autre côté de la rue René d'Hespel, mais aussi de la voie publique que constitue cette rue. La commune de Bondues avait, au demeurant, indiqué dans sa décision de refus de permis de construire du 22 juillet 2016 que le terrain des requérants est grevé d'une canalisation d'écoulement des eaux pluviales qui " présente un intérêt stratégique dans le système de récupération et le bon écoulement des eaux pluviales provenant de la rue d'Hespel ", et la MEL indique elle-même dans sa lettre du 21 décembre 2016 que cette canalisation, qui résulterait d'un busage d'un fossé lors de la parcellisation de l'unité foncière, " reprend les eaux issues de la voirie départementale et des champs ". Cette canalisation ne peut ainsi être regardée comme relevant de la seule servitude de l'article 640 du code civil, comme le fait valoir la MEL, dès lors qu'elle reçoit notamment les eaux pluviales et de ruissellement provenant de l'aménagement propre de la voirie publique. Il résulte de ce qui précède que cette canalisation s'incorpore matériellement à un réseau public de collecte des eaux pluviales et en constitue ainsi un élément indissociable. Celui-ci doit, par suite, être regardé comme un accessoire indispensable de ce réseau, et être qualifié d'ouvrage public.
4. Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition à l'administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.
5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les requérants n'ont pris connaissance de l'existence de cette canalisation, qui n'avait donné lieu ni à expropriation pour motif d'intérêt général, ni à l'institution d'une servitude, ni même à un accord amiable, qu'à l'occasion du refus de permis de construire qui leur a été opposé, le 22 juillet 2016, par la commune de Bondues. L'implantation d'un ouvrage public sur la parcelle des requérants ne peut, dans ces circonstances, qu'être regardée comme constitutive d'une emprise irrégulière.
6. En deuxième lieu, en vue de rechercher si une régularisation de l'ouvrage est possible, il n'y a pas lieu pour le juge administratif d'examiner celles des solutions proposées par le propriétaire privé qui impliquent nécessairement, non le maintien de l'ouvrage en litige, mais son déplacement ou sa destruction. Dès lors est sans incidence la proposition émanant des requérants consistant à régulariser la situation par le déplacement de la canalisation en limite de leur parcelle. Il résulte, par ailleurs, de l'instruction, notamment des termes des lettres adressées par M. B... et Mme C... les 29 août 2016 et 15 février 2017 à la MEL, et de la réponse de la MEL du 21 décembre 2016, ainsi que des écritures des parties devant le juge d'appel, que les requérants ne sont pas disposés à consentir une servitude conventionnelle, et que la MEL n'a entrepris à ce jour aucune démarche d'institution d'une servitude légale ni envisagé une procédure d'expropriation, qui paraît au demeurant insusceptible d'aboutir compte tenu de la construction d'une maison au-dessus de la canalisation en litige, à la suite de l'octroi du permis de construire le 29 décembre 2016. Dès lors, il ne résulte pas de l'instruction qu'une régularisation appropriée de l'ouvrage soit possible.
7. En troisième lieu, d'une part, cette canalisation qui relie les conduites d'eaux pluviales recevant les eaux de la rue René d'Hespel et des champs situés de l'autre côté de cette route traverse la parcelle de M. B... et Mme C... et constitue dès lors une contrainte, a dû être prise en compte dans le permis de construire qui leur a été délivré le 29 décembre 2016 pour l'édification de leur maison d'habitation. Toutefois, le déplacement de la canalisation, demandé par les requérants, aurait un coût évalué par la MEL d'au minimum 850 euros par mètre sur 50 mètres, évaluation qui n'est pas sérieusement contestée, et se heurterait en outre à des difficultés techniques compte tenu des pentes et de l'altimétrie des canalisations et fils d'eau auxquelles elle est connectée, ainsi qu'il ressort notamment de la décision de refus de permis de construire du 22 juillet 2016 et des plans joints au dossier d'instruction. Ce déplacement supposerait, de plus, l'institution de nouvelles servitudes de passage sur des parcelles privées. La construction de la maison au-dessus de la canalisation en dépit de l'existence de celle-ci, alors que les requérants ne font pas état de nuisances particulières liées au fonctionnement de cet ouvrage, atteste de la gêne minime occasionnée par la canalisation enterrée. Dans ces conditions, et alors qu'aucun inconvénient majeur n'est établi, le déplacement de cette canalisation entraînerait, en l'espèce, une atteinte excessive à l'intérêt général. Par suite, les conclusions des appelants doivent être rejetées.
8. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande. Par suite, la requête de M. B... et Mme C... doit être rejetée, y compris leurs conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais de l'instance :
9. Les appelants n'étant pas parties gagnantes, les conclusions qu'ils présentent sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. B... et Mme C... le paiement à la MEL d'une somme de 1 000 euros sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... et Mme C... est rejetée.
Article 2 : M. B... et Mme C... verseront une somme de 1 000 euros à la Métropole européenne de Lille, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Mme A... C..., et à la Métropole européenne de Lille.
Copie en sera adressée à la commune de Bondues.
Délibéré après l'audience publique du 12 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Thierry Sorin, président,
M. Marc Baronnet, président-assesseur,
M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2023.
Le président-rapporteur,
Signé : M. BaronnetLe président de chambre,
Signé : T. SorinLa greffière,
Signé : A-S Villette
La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Anne-Sophie Villette
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N°21DA01348