Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 4 juillet 2018 par laquelle la ministre des armées lui a refusé le bénéfice d'une pension en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie et d'enjoindre à cette dernière de réexaminer sa demande dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1904163 du 31 décembre 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 mai 2022, Mme A..., représentée par Me Ahmed Akaba, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 4 juillet 2018 par laquelle la ministre des armées lui a refusé le bénéfice d'une pension en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie ;
3°) d'enjoindre au ministre des armées de réexaminer sa demande dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le mémoire en défense produit par la ministre des armées en première instance devait être écarté des débats dès lors qu'il méconnaissait les dispositions de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative ;
- le lien entre sa pathologie et les faits de violence allégués durant la guerre d'Algérie est établi et lui donne par suite droit au bénéficie d'une pension en qualité de victime civile.
Par un mémoire enregistré le 20 octobre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête est irrecevable en raison de l'insuffisance de sa motivation et que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2023.
Par ordonnance du 9 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 février 2023 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, rapporteur ;
- et les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., née le 27 septembre 1958 à Foum El Guerza en Algérie, a demandé le 18 août 2017 l'attribution d'une pension en qualité de victime civile de guerre, en raison d'une blessure à l'œil gauche qu'elle impute à un fait de violence survenu durant la guerre d'Algérie. Mme A... fait appel du jugement n° 1904163 du 31 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la ministre des armées du 4 juillet 2018 lui refusant le bénéfice de cette pension.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes des deux derniers alinéas de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au litige : " Les parties et mandataires inscrits dans l'application doivent adresser tous leurs mémoires et pièces au moyen de celle-ci, sous peine de voir leurs écritures écartées des débats à défaut de régularisation dans un délai imparti par la juridiction. (...) / Lorsque les parties et mandataires inscrits dans l'application transmettent, à l'appui de leur mémoire, un fichier unique comprenant plusieurs pièces, chacune d'entre elles doit être répertoriée par un signet la désignant conformément à l'inventaire qui en est dressé. S'ils transmettent un fichier par pièce, l'intitulé de chacun d'entre eux doit être conforme à cet inventaire. Ces obligations sont prescrites aux parties et mandataires inscrits dans l'application sous peine de voir leurs écritures écartées des débats à défaut de régularisation dans un délai imparti par la juridiction. "
3. Il résulte de ces dispositions que la présentation des pièces jointes est conforme à leur inventaire détaillé lorsque l'intitulé de chaque signet au sein d'un fichier unique global ou de chaque fichier comprenant une seule pièce comporte au moins le même numéro d'ordre que celui affecté à la pièce par l'inventaire détaillé.
4. Mme A..., en soutenant que le jugement attaqué est irrégulier au motif que le mémoire en défense de la ministre des armées enregistré le 28 novembre 2019 n'était pas conforme aux prescriptions de l'article R. 414-3 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors en vigueur, doit être regardée comme invoquant la méconnaissance des dispositions de même portée, citées au point 2, applicables aux mémoires en défense.
5. Il résulte des pièces du dossier que l'intitulé de chaque signet au sein du fichier unique global de pièces jointes au mémoire en défense de la ministre des armées enregistré le 28 novembre 2019 correspondait au même numéro d'ordre que celui figurant sur l'inventaire détaillé de ces pièces. Dès lors, ce mémoire était conforme aux prescriptions des dispositions citées au point 2. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement sur ce point ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
6. D'une part, l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dispose que : " Les personnes ayant subi en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962 des dommages physiques, du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec la guerre d'Algérie, bénéficient des pensions de victimes civiles de guerre (...) ".
7. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article L. 124-20 du même code qu'il appartient aux postulants qui se prévalent des dispositions de l'article L. 113-6 de ce même code de faire la preuve de leurs droits à pension en établissant que l'infirmité invoquée a son origine dans une blessure ou dans une maladie causée par l'un des faits mentionnés au même article. Cette preuve, qui implique l'existence d'un lien de causalité direct et déterminant, ne saurait résulter d'une probabilité même forte, d'une vraisemblance ou d'une hypothèse médicale.
8. En vue d'établir le lien entre les dommages physiques dont elle a été victime et un fait de guerre mentionné à l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, Mme A... produit plusieurs certificats médicaux indiquant qu'elle est suivie depuis de nombreuses années par le service d'ophtalmologie du centre hospitalier régional universitaire de Rouen pour un traumatisme à l'œil gauche avec un corps étranger intraoculaire, qui a donné lieu à plusieurs opérations chirurgicales. Toutefois, Mme A... ne produit aucun document, de nature médicale ou autre, qui serait contemporain des faits allégués. En outre, les certificats médicaux, notamment celui du Pr C... précisant que Mme A... a été " victime en 1962 d'un traumatisme à l'œil gauche ", ainsi que les différentes attestations de membres de sa famille et de Mme Louisa Mameri, présidente nationale du collectif Harkis, qui se bornent à imputer le traumatisme oculaire de Mme A... à la guerre d'Algérie, sont insuffisamment circonstanciés pour permettre de justifier de la réalité des faits de violence allégués et de leur lien de causalité avec les dommages physiques subis par Mme A.... De plus, la description par l'intéressée des circonstances des faits présente des contradictions et imprécisions puisque, dans le formulaire de sa demande de pension datée du 30 août 2017, Mme A... précisait que son traumatisme était survenu " suite à l'explosion d'une grenade dans un camp militaire entraînant la projection d'un corps étranger dans l'œil ", en " janvier 1962 ", " à Alger ou à Foum El Guerza " tandis que, dans sa requête devant le tribunal des pensions de Rouen, Mme A... indiquait que " la date et le lieu des faits étaient erronés " et qu'elle aurait été victime d'une " balle perdue le 11 décembre 1960 à Alger dans le quartier de Belcourt " et qu'elle se serait vu refuser les soins en Algérie en raison de sa situation d'enfant de harkis. Dans ces conditions, et dès lors, notamment, que les recherches effectuées par les services de la ministre des armées auprès des archives de la brigade de gendarmerie de Biskra territorialement compétente pour la commune de Foum El Guerza et auprès du service historique de la défense se sont révélées infructueuses, Mme A... n'établit pas que l'infirmité invoquée trouve son origine dans une blessure causée par l'un des faits mentionnés à l'article L. 113-6 du code des pensions militaires et des victimes de guerre.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par suite, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'annulation et, par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente à fin d'injonction ainsi que, en toute hypothèse, celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience publique du 27 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Thierry Sorin, président de chambre,
- M. Marc Baronnet, président-assesseur ;
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2023.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLe président de chambre,
Signé : T. Sorin
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Anne-Sophie Villette
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N°22DA01020