Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2022 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2201877 du 6 décembre 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 7 avril 2023, 19 mai 2023 et 17 juillet 2023, Mme A..., représentée par Me David Boyle, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de refus de délivrance du titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle ne peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- l'avis du collège des médecins, qui ne fait pas apparaître la combinaison de sources d'informations sanitaires sur laquelle il s'appuie, n'est pas conforme aux dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 ;
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est aussi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2023, le préfet de l'Eure conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par courrier enregistré le 7 avril 2023, Mme A... a, en application de la décision du Conseil d'État du 28 juillet 2022 n° 441481, confirmé sa volonté de lever le secret médical.
Le dossier médical de Mme A... a été produit par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 31 mai 2023.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mars 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... A..., ressortissante togolaise née le 24 décembre 1952 à Abidjan (Côte d'Ivoire), déclare être entrée en France le 24 octobre 2010, munie d'un visa court séjour. Le 1er octobre 2021, Mme A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé. Par l'arrêté attaqué du 28 janvier 2022, le préfet de l'Eure a rejeté cette demande, a obligé la requérante à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 visé ci-dessus : " L'avis du collège de médecins de l'OFII est établi sur la base du rapport médical élaboré par un médecin de l'office selon le modèle figurant dans l'arrêté du 27 décembre 2016 mentionné à l'article 2 ainsi que des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays dont le demandeur d'un titre de séjour pour raison de santé est originaire. / Les possibilités de prise en charge dans ce pays des pathologies graves sont évaluées, comme pour toute maladie, individuellement, en s'appuyant sur une combinaison de sources d'informations sanitaires (...) ".
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. En l'espèce, le collège de médecins de l'OFII a estimé, par son avis du 16 décembre 2021, que si l'état de santé de Mme A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers le pays d'origine. Cet avis n'avait pas, en vertu de l'article 2 de l'arrêté du 5 janvier 2017, à détailler les motifs, et notamment la combinaison de sources d'informations sanitaires sur laquelle s'appuie son évaluation, pour lesquels le collège de médecins a considéré qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, l'intéressée peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
5. Il est constant que l'état de santé de Mme A..., qui souffre d'un diabète de type II et d'hypertension, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment des observations de l'OFII, que les pathologies dont est affectée Mme A..., qui nonobstant des douleurs ne présente ni complication liée au diabète ou à l'hypertension, ni handicap fonctionnel connu, et ne fait pas l'objet d'un suivi hospitalier, sont traitées par la prise de deux médicaments, metformine et lisinopril, dont le préfet de l'Eure justifie qu'ils figurent sur la liste des médicaments remboursables accessibles au Togo, alors que les éléments généraux produits par Mme A... au sujet du traitement du diabète au Togo n'établissent pas qu'ils n'y seraient pas effectivement disponibles. Dans ces circonstances, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Eure a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté.
6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine (...) ".
7. Si Mme A... fait valoir l'intensité, l'ancienneté et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France, où elle a un fils unique de nationalité française et cinq petits-enfants, il ressort toutefois des pièces du dossier que la requérante n'est entrée en France qu'en octobre 2015 à l'âge de 62 ans, après avoir passé l'essentiel de sa vie au Togo, qu'elle est restée pendant six ans en situation irrégulière sur le territoire avant de demander un titre de séjour, qu'elle est célibataire et n'établit pas l'intensité particulière de ses relations avec son fils, né en 1976, auprès de qui elle ne réside d'ailleurs pas, et qu'elle ne justifie pas d'une particulière intégration en France, et ne justifie pas être, ainsi qu'elle l'allègue, dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le préfet de l'Eure n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'il a poursuivis et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Au vu de l'ensemble de la situation de l'intéressée, le préfet de l'Eure n'a pas non plus entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me David Boyle.
Copie sera adressée au préfet de l'Eure.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Nathalie Massias, présidente de la cour,
- M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : M. B...La présidente de la cour,
Signé : N. Massias
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
Anne-Sophie VILLETTE
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N°23DA00619