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20/02/2024 | FRANCE | N°22DA00043

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 20 février 2024, 22DA00043


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'office public de l'habitat d'Amiens métropole à lui verser la somme de 63 480 euros en réparation de la perte de valeur vénale de son immeuble situé 433 boulevard de Beauvillé à Amiens, et subsidiairement, d'ordonner une expertise.



Par un jugement n° 1903555 du 9 novembre 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :





Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 janvier 2022 et 12 décembre 2022, Mme C..., rep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'office public de l'habitat d'Amiens métropole à lui verser la somme de 63 480 euros en réparation de la perte de valeur vénale de son immeuble situé 433 boulevard de Beauvillé à Amiens, et subsidiairement, d'ordonner une expertise.

Par un jugement n° 1903555 du 9 novembre 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 janvier 2022 et 12 décembre 2022, Mme C..., représentée par Me Pierre Surjous, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'office public de l'habitat d'Amiens métropole - syndicat mixte de l'habitat en Somme à lui verser la somme de 63 480 euros en réparation de la perte de valeur vénale de son immeuble ;

3°) et de mettre à la charge de l'office public de l'habitat d'Amiens métropole - syndicat mixte de l'habitat en Somme une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle subit un préjudice anormal du fait de la présence à proximité de son habitation d'un immeuble appartenant à l'office public de l'habitat d'Amiens ; l'appréciation de ses préjudices doit être globale, in concreto, et ne peut se fonder sur la seule circonstance qu'elle avait un voisinage antérieurement ; elle ne pouvait raisonnablement s'attendre à ce qu'une construction de grande ampleur s'implante sur la parcelle voisine ; alors que le mur de la palissade mesurait environ 2,5 mètres de hauteur, elle fait désormais face à un mur haut de 11 mètres la privant de vue et de lumière ;

- son préjudice est chiffré à 63 480 euros par une expertise que le tribunal et la cour ont trouvée suffisante puisqu'ils ont rejeté la demande en référé-expertise ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2022, l'office public de l'habitat de la Somme (AMSOM Habitat), venant aux droits de l'office public de l'habitat d'Amiens métropole - syndicat mixte de l'habitat en Somme, représenté par Me Mathilde Lefevre, demande à la cour :

1°) de confirmer le jugement en tant qu'il a rejeté la demande de Mme C... ;

2°) de réformer le jugement en tant qu'il a rejeté la demande de l'office au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) de mettre à la charge de Mme C... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise judiciaire afin de chiffrer la perte de la valeur vénale de l'immeuble de Mme C....

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- et les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... est propriétaire d'une maison située 433 boulevard de Beauvillé à Amiens, à proximité de laquelle a été réalisé par l'office public de l'habitat d'Amiens métropole à compter de 2011 un projet de construction de 27 logements collectifs et de restructuration d'une maison d'habitation en 6 logements collectifs. Estimant que ces nouvelles constructions lui occasionnent un préjudice anormal, Mme C... a saisi l'office public de l'habitat d'Amiens métropole, le 19 août 2019, d'une demande indemnitaire que ce dernier a rejetée par une décision du 2 septembre 2019. Par un jugement du 9 novembre 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa requête. Mme C... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Pour retenir la responsabilité sans faute du propriétaire d'un ouvrage public à l'égard des tiers par rapport à cet ouvrage, le juge administratif apprécie si le préjudice allégué revêt un caractère anormal. Il lui revient d'apprécier si les troubles permanents qu'entraîne la présence de l'ouvrage public sont supérieurs à ceux qui affectent tout résident d'une habitation située dans une zone urbanisée, et qui se trouve normalement exposé au risque de voir des immeubles collectifs édifiés sur les parcelles voisines. Saisi de conclusions indemnitaires en ce sens, il appartient au juge du plein contentieux de porter une appréciation globale sur l'ensemble des chefs de préjudice allégués, aux fins de caractériser l'existence ou non d'un dommage revêtant, pris dans son ensemble, un caractère grave et spécial.

3. Mme C... fait valoir qu'elle subit un préjudice anormal du fait de la construction à proximité de son habitation d'un immeuble appartenant à l'office public de l'habitat d'Amiens, que l'appréciation de ses préjudices doit être globale, in concreto, et ne peut se fonder sur la seule circonstance que sa maison était déjà entourée d'autres constructions, qu'elle ne pouvait raisonnablement s'attendre à ce qu'une construction de grande ampleur s'implante sur la parcelle voisine et qu'elle fait désormais face à un mur haut de 11 mètres la privant de vue et de lumière alors que le mur de la palissade mesurait auparavant environ 2,5 mètres de hauteur seulement, ce qui la prive de toute luminosité naturelle et d'intimité et entraîne une sensation d'enfermement. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de M. A..., expert, du 17 novembre 2015, qu'il n'existe pas de vues droites ou obliques irrégulières donnant sur le fonds de Mme C.... Celui-ci se situe dans une zone de tissu urbain de faubourg, comprenant des secteurs de transition entre les faubourgs et les zones d'urbanisation plus récente, où les typologies architecturales sont plus disparates, de densité variable. La vue de Mme C... se trouvait au demeurant déjà affectée auparavant par la présence d'un bâtiment de type industriel, de moindre hauteur. Ce quartier, et la vue depuis la maison de la requérante, ne présentaient ainsi pas de caractéristiques remarquables. S'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de M. F..., expert-conseil, du 3 mars 2017 et du rapport de Mme D..., experte en évaluations immobilières, du 12 mars 2018, qui, bien que non contradictoires, peuvent être pris en compte à titre informatif, que la maison de Mme C..., d'une hauteur de faîtage de 6 mètres environ, subit une diminution de l'ensoleillement et de la luminosité, et qu'elle a désormais une vue directe sur l'immeuble voisin de 11 mètres de hauteur de faîtage environ édifié par l'office public de l'habitat d'Amiens métropole jusqu'à la limite de propriété, elle ne subit cependant pas une perte totale de luminosité et d'ensoleillement.

4. Il résulte de ce qui précède qu'appréciés globalement, les troubles permanents résultant de la présence de l'immeuble construit par l'office public de l'habitat d'Amiens métropole n'excèdent pas ceux qui affectent tout résident d'une habitation située dans une zone urbanisée, et qui se trouve normalement exposé au risque de voir des immeubles collectifs édifiés sur les parcelles voisines. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

5. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

Mme C..., qui est la partie perdante, n'est pas fondée à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de Mme C... au titre des frais exposés par l'intimé à l'occasion du présent litige. Par suite, les conclusions présentées au titre des frais exposés par les parties doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'office public de l'habitat de la Somme (AMSOM Habitat), venant aux droits de l'office public de l'habitat d'Amiens métropole - syndicat mixte de l'habitat en Somme, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et à l'office public de l'habitat de la Somme (AMSOM Habitat), venant aux droits de l'office public de l'habitat d'Amiens métropole - syndicat mixte de l'habitat en Somme.

Délibéré après l'audience publique du 6 février 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

M. Marc Baronnet, président-assesseur,

M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : M. E...La première vice-présidente de la cour,

Signé : M-P. ViardLa greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

Anne-Sophie VILLETTE

2

N°22DA00043


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00043
Date de la décision : 20/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Marc Baronnet
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : SURJOUS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-20;22da00043 ?
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