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04/06/2024 | FRANCE | N°23DA01180

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 04 juin 2024, 23DA01180


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Sogéa Nord a demandé au tribunal administratif de Lille, de condamner la commune de Lille à lui payer la somme de 3 986 215,51 francs TTC au titre des travaux exécutés par elle et non compris dans le marché initial du 31 mars 1992, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 avril 1993 sur la somme de 453 440,76 francs, du 25 avril 1994 sur la somme de 1 046 480,10 francs, du 20 mai 1994 sur la somme de 346 899,07 francs, du 17 juin 1994 sur la somme de

23 470,94 francs, du 30 juin 1994 sur la somme de 114 211,80 francs, du 21 novembre 19...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sogéa Nord a demandé au tribunal administratif de Lille, de condamner la commune de Lille à lui payer la somme de 3 986 215,51 francs TTC au titre des travaux exécutés par elle et non compris dans le marché initial du 31 mars 1992, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 avril 1993 sur la somme de 453 440,76 francs, du 25 avril 1994 sur la somme de 1 046 480,10 francs, du 20 mai 1994 sur la somme de 346 899,07 francs, du 17 juin 1994 sur la somme de 23 470,94 francs, du 30 juin 1994 sur la somme de 114 211,80 francs, du 21 novembre 1994 sur la somme de 837 787,35 francs, du 2 décembre 1994 sur la somme de 437 958,19 francs, du 16 décembre 1994 sur la somme de 110 891 francs, du 10 janvier 1995 sur la somme de 34 394 francs, du 5 avril 1995 sur la somme de 213 331,75 francs, et du 11 mai 1995 sur la somme de 366 350,65 francs, ainsi qu'une somme de 30 000 francs sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 9703248 du 2 mars 2004, le tribunal administratif de Lille a : 1/ condamné la commune de Lille à verser à la société Sogéa Nord une somme de 342 706,03 euros, y compris la provision accordée par ordonnance du 31 décembre 1997, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 avril 1993 sur la somme de 309 093,92 francs, à compter du 25 avril 1994 sur la somme de 617 652 francs, à compter du 30 juin 1994 sur la somme de 96 300 francs, à compter du 17 juin 1994 sur la somme de 19 790 francs, à compter du 21 novembre 1994 sur la somme de 706 397 francs, à compter du 10 janvier 1995 sur la somme de 29 000 francs, à compter du 5 avril 1995 sur la somme de 160 875 francs et à compter du 11 mai 1995 sur la somme de 308 896 francs, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés le 20 janvier 2000 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date ; 2/ mis à la charge de la commune de Lille les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 8 387,95 euros ; 3/ condamné la commune de Lille à verser à la société Sogéa Nord une somme de cinq cents euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 4/ condamné la société JM Ibos et M. A... à garantir la commune de Lille à hauteur de 75 % des condamnations prononcées.

Par un arrêt n° 04DA00365 du 8 juin 2006, la cour a : 1/ annulé le jugement n° 9703248 du tribunal administratif de Lille du 2 mars 2004 ; 2/ condamné la commune de Lille à verser la somme de 142 549,32 euros hors taxes à la SARL Sogéa Nord au titre des travaux supplémentaires non prévus au contrat initial et nécessaires à la bonne réalisation des prestations, en ce compris la provision de 174 949,05 euros accordée par le juge du référé du tribunal administratif de Lille, augmentée des intérêts à compter du 17 juin 1994 sur la somme de 3 016,96 euros, à compter du 21 novembre 1994 sur la somme de 107 689,58 euros, à compter du 10 janvier 1995 sur la somme de 4 421,02 euros et à compter du 5 avril 1995 sur la somme de 27 421,76 euros, les intérêts échus le 20 janvier 2000, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date étant capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts et les intérêts et la capitalisation des intérêts étant acquis jusqu'à la date du versement de la provision ordonnée par les premiers juges ; 3/ mis à la charge de la ville les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 8 397,95 euros ; 4/ condamné la Sarl JM Ibos et M. A... à garantir la commune de Lille à hauteur de 75 % des condamnations prononcées à son encontre ; 5/ condamné la commune de Lille à verser à la SARL JM Ibos et M. A... une somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Mutuelle des architectes français (MAF) et la société Ibos et A..., ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Lille à verser à la MAF la somme de 165 951,86 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts compter du 8 juin 2006, au titre d'un trop-versé perçu en exécution d'une décision de justice, de condamner la commune de Lille à verser à la MAF la somme de 15 000 euros au titre du préjudice subi et de mettre à la charge de la commune de Lille une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1801770 du 25 février 2020, le tribunal administratif de Lille a transmis à la cour administrative d'appel de Douai les conclusions de la requête des sociétés MAF et Ibos et A... tendant à la condamnation de la commune de Lille à verser à la MAF la somme de 165 951,86 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts à compter du 8 juin 2006, en exécution de l'arrêt n° 04DA00365 rendu par la cour le 8 juin 2006.

Procédure d'exécution devant la cour :

Par courrier enregistré le 16 mars 2023, le tribunal administratif de Lille a adressé à la cour son jugement n° 1801770 du 25 février 2020 par lequel il a décidé de lui transmettre les conclusions des sociétés MAF et Ibos et A... représentées par Me Véronique Ducloy, tendant à l'exécution de l'arrêt du 6 juin 2006.

Par une ordonnance n° 23DA01180 du 27 juin 2023, la présidente de la Cour a, en application de l'article R. 921-6 du code de justice administrative, procédé à l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue de prescrire les mesures nécessaires à l'exécution de l'arrêt n° 04DA00365 du 8 juin 2006 de la cour.

Par un mémoire et des pièces complémentaires, enregistrés les 17 octobre 2023, 29 janvier et 6 février 2024, la Mutuelle des architectes français et la SARL Ibos et A..., représentées par Me Ducloy, soutiennent que la commune de Lille est redevable à la Mutuelle des architectes français, en exécution de l'arrêt n° 04DA00365 du 8 juin 2006, de la somme de 165 951, 86 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces derniers, à compter, à titre principal, du 8 juin 2006 ou, à titre subsidiaire, du 8 juin 2016.

Par un mémoire, enregistré le 3 novembre 2023, la commune de Lille conclut au rejet de la demande d'exécution.

Elle soutient que :

- les demandes tendant à titre principal à ce qu'il lui soit enjoint de verser à la société Ibos et A... la somme de 165 951, 86 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces derniers, à compter, du 8 juin 2006 sont irrecevables dès lors que l'article 1er du jugement n° 1801770 du 25 février 2020 mentionne la date du 8 juin 2016 ;

- les demandes présentées à titre subsidiaire sont tardives dès lors qu'elles ont été présentées à l'expiration d'un délai de deux mois ou d'un délai raisonnable d'un an à compter du 4 mai 2008, date à laquelle la société Ibos et A... a reçu paiement effectif par la commune de Lille d'un montant de 69 153,14 euros, résultant de la compensation entre le mandat de paiement n° 9683 du 25 avril 2008 d'un montant de 182 923,17 euros, pris en exécution de l'arrêt n° 04DA00365 du 8 juin 2006 de la cour administrative d'appel de Douai et le solde de la créance restant à payer par la société à la commune de Lille, en exécution d'un arrêt n° 04DA00433 du 8 juin 2006 de la cour administrative d'appel de Douai et a ainsi pris connaissance du mandat de paiement n° 9683 du 25 avril 2008 qui constitue une décision expresse de refus des demandes de restitution supérieures au montant de 182 923,17 euros invoquées par la société Ibos et A... ;

- l'arrêt n° 04DA00433 du 8 juin 2006 de la cour administrative d'appel de Douai a été entièrement exécuté.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code civil ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu la loi n° 75-619 du 11 juillet 1975 ;

Vu l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Viard, rapporteure ;

- et les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement n° 9703248 du 2 mars 2004, le tribunal administratif de Lille a condamné la commune de Lille à verser à la société Sogéa Nord une somme de 342 706,03 euros, y compris la provision d'un montant de 174 949, 06 euros accordée par ordonnance du 31 décembre 1997, augmentée des intérêts au taux légal eux-mêmes capitalisés le 20 janvier 2000 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, mis à la charge de la commune de Lille les frais d'expertise d'un montant de 8 387,95 euros et condamné la société Ibos et A... à garantir la ville de ces condamnations à hauteur de 75 %. Par un arrêt n° 04DA00365 du 8 juin 2006, la cour administrative d'appel de Douai a annulé ce jugement et condamné la commune de Lille à verser la somme de 142 549,32 euros hors taxes à la SARL Sogéa Nord au titre des travaux supplémentaires non prévus au contrat initial et nécessaires à la bonne réalisation des prestations, en ce compris la provision de 174 949,05 euros accordée par le juge du référé du tribunal administratif de Lille, augmentée des intérêts à compter du 17 juin 1994 sur la somme de 3 016,96 euros, à compter du 21 novembre 1994 sur la somme de 107 689,58 euros, à compter du 10 janvier 1995 sur la somme de 4 421,02 euros et à compter du 5 avril 1995 sur la somme de 27 421,76 euros, les intérêts échus le 20 janvier 2000, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date étant capitalisés pour produire

eux-mêmes intérêts et les intérêts et la capitalisation des intérêts étant acquis jusqu'à la date du versement de la provision ordonnée par les premiers juges, a mis à la charge de la commune les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 8 397,95 euros et a condamné la Sarl Ibos et A... à garantir la commune de Lille à hauteur de 75 % des condamnations prononcées à son encontre. La SARL Ibos et A... et son assureur, la Mutuelle des architectes français, demandent à la cour de prescrire les mesures nécessaires à l'exécution de cet arrêt.

Sur la tardiveté de la demande d'exécution :

2. Aux termes de l'article R. 921-2 du code de justice administrative, dans sa rédaction en vigueur du 1er janvier 2001 au 8 avril 2017, repris ensuite à l'article R. 911-2 du même code : " En cas de rejet d'une réclamation adressée à l'autorité administrative et tendant à obtenir l'exécution d'une décision d'une juridiction administrative, seule une décision expresse fait courir les délais de recours contentieux ". En outre, aux termes du premier alinéa de l'article R. 921-1 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêt dont l'exécution est demandée : " La demande tendant à ce que le tribunal administratif prescrive les mesures nécessaires à l'exécution d'un jugement définitif de ce tribunal, en assortissant, le cas échéant, ces prescriptions d'une astreinte, ne peut être présentée, sauf décision explicite de refus d'exécution opposée par l'autorité administrative, avant l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement. (...) / Les mêmes conditions de délai s'appliquent à la demande présentée à la cour administrative d'appel soit pour l'exécution d'un arrêt de cette cour, soit pour l'exécution d'un jugement rendu par un tribunal administratif situé dans le ressort de la cour et qui est frappé d'appel devant celle-ci. ". Enfin, aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

3. Il résulte des dispositions citées au point précédent qu'en l'absence de décision expresse de refus d'exécution opposée par l'autorité administrative, ni le délai de deux mois prévu à l'article R. 421-2 du code de justice administrative ni aucun délai raisonnable de recours à compter de la date à laquelle ce refus aurait été porté à la connaissance du demandeur, ne sont susceptibles de faire obstacle à la recevabilité d'une demande présentée au juge tendant à l'exécution d'une décision de la juridiction administrative.

4. Si la commune de Lille soutient que le mandat de paiement n° 9683 du 25 avril 2008 d'un montant de 182 923,17 euros constitue une décision expresse de refus des demandes de restitution, exprimées par des courriers de la société Ibos et A... datés des 22 février, 6 avril et 5 juin 2007, supérieures à ce montant, en exécution de l'arrêt n° 04DA00365 du 8 juin 2006 de la cour administrative d'appel de Douai, qui ne pourrait être contestée que dans un délai de deux mois à compter de sa notification ou dans un délai raisonnable d'un an à compter de la date à laquelle elle a été portée à la connaissance de la société, faisant alors obstacle à la présente demande d'exécution, il n'est ni établi ni même allégué par la commune de Lille que cette décision lui aurait été notifiée. En outre, la seule réception par la société Ibos et A... d'un paiement de la commune de Lille le 4 mai 2008, d'un montant de 69 153,14 euros, résultant de la compensation entre le mandat de paiement n° 9683 du 25 avril 2008 d'un montant de 182 923,17 euros, pris en exécution de l'arrêt n° 04DA00365 du 8 juin 2006 de la cour administrative d'appel de Douai et le solde de la créance restant à payer par la société à la commune de Lille, en exécution d'un arrêt n° 04DA00433 du 8 juin 2006 de la cour administrative d'appel de Douai ne saurait être regardé comme une décision expresse de rejet de la demande d'exécution tendant au paiement d'une somme supérieure au montant du mandat de paiement n° 9683 du 25 avril 2008, dès lors qu'il n'excluait pas le paiement ultérieur du solde de la somme demandée par la société Ibos et A... et la Mutuelle des architectes français. Enfin, à supposer même que ledit paiement soit regardé comme une décision expresse de rejet de la réclamation adressée par la société Ibos et A... et la Mutuelle des architectes français, un tel paiement n'a pu faire courir les délais de recours contentieux en l'absence d'indication des voies et délais de recours. Par suite, et compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande d'exécution de cet arrêt doit être écartée.

Sur la prescription quadriennale :

5. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ". Toutefois, aux termes de l'article 7 de la même loi : " (...) En aucun cas, la prescription ne peut être invoquée par l'administration pour s'opposer à l'exécution d'une décision passée en force de chose jugée ". Il résulte de ces dispositions que la commune de Lille n'est pas fondée à opposer l'exception de prescription quadriennale à la demande d'exécution de l'arrêt n° 04DA00365 du 8 juin 2006 tendant au paiement des dettes dont elle est débitrice en exécution de cet arrêt.

Sur l'autorité de chose jugée du jugement n° 1801770 du 25 février 2020 :

6. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 351-3 du code de justice administrative : " Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence d'une juridiction administrative autre que le Conseil d'Etat, son président, ou le magistrat qu'il délègue, transmet sans délai le dossier à la juridiction qu'il estime compétente ". Le premier alinéa de l'article R. 351-6 du code de justice administrative dispose que : " Les décisions du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat et des présidents des cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs prises en application des articles R. 312-5, R. 322-3, R. 341-2, R. 341-3, R. 342-2, R. 343-2, R. 343-3, R. 344-2, R. 344-3 à R. 351-3, du deuxième alinéa de l'article R. 351-6, de l'article R. 351-8 sont notifiées sans délai aux parties. Elles sont prises par ordonnance non motivée et ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles n'ont pas l'autorité de chose jugée. ".

7. Si la commune de Lille soutient que les demandes de la société Ibos et A... et de la Mutuelle des architectes français tendant à titre principal à ce qu'il lui soit enjoint de verser à la société Ibos et A... à la somme de 165 951,86 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces derniers, à compter, du 8 juin 2006 sont irrecevables dès lors que l'article 1er du jugement n° 1801770 du 25 février 2020 mentionne la date du 8 juin 2016, une telle décision juridictionnelle, se bornant à transférer à la cour la demande d'exécution de la société Ibos et Vitard et de la Mutuelle des architectes français, n'a pas, en vertu des dispositions citées au point précédent, l'autorité de chose jugée Par suite, ce moyen, tiré de l'autorité de chose jugée, qui ne constitue pas une fin de non-recevoir mais une exception au fond, doit être écarté.

Sur l'exécution de l'arrêt n° 04DA00365 du 8 juin 2006 de la cour administrative d'appel de Douai :

En ce qui concerne le montant de la garantie due par la société Ibos et A... :

8. Il résulte de l'instruction qu'en exécution d'une ordonnance du 31 décembre 1997 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Lille, la commune de Lille a émis un mandat de paiement 1998/4038 le 7 avril 1998 d'un montant de 1 147 590,16 francs, soit 174 948,99 euros à la société Sogéa Nord, mis en paiement le 8 avril 1998. En exécution du jugement n° 9703248 du 2 mars 2004, la commune de Lille a émis plusieurs mandats de paiement le 29 juin 2004 à la même société d'un montant total de 477 981,20 euros. A la suite de l'émission d'un titre de perception n° 27660 du 12 janvier 2005, la société Ibos et A... a versé, par deux paiements, les 5 septembre et 14 novembre 2005, à la commune de Lille la somme de 358 485,90 euros, correspondant à sa garantie à hauteur de 75 % du montant de 477 981,20 euros. Par un mandat de paiement n° 9683 du 25 avril 2008, l'ordonnateur de la commune de Lille a ordonné le paiement à la société Ibos et A... d'un montant de 182 923,17 euros, pris en exécution de l'arrêt n° 04DA00365 du 8 juin 2006. Le comptable public a versé le 4 mai 2008 à la société la somme de 69 153,14 euros, résultant de la compensation entre ce mandat et le solde de la créance restant à payer par la société à la commune de Lille, en exécution d'un arrêt n° 04DA00433 du 8 juin 2006 de la cour administrative d'appel de Douai, dont la deuxième phrase de l'article 2 a été annulée par un arrêt n° 296355 du 8 avril 2009 du Conseil d'Etat et dont l'exécution n'est pas demandée dans la présente procédure.

9. Aux termes de l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, applicable au présent litige en vertu des dispositions de l'article 9 de cette même ordonnance : " Dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal (...). Ils ne sont dus que du jour de la sommation de payer, ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit. (...) ". L'article L. 313-3 du code monétaire et financier, qui reprend les dispositions antérieures prévues par l'article 3 de la loi du 11 juillet 1975 relative au taux de l'intérêt légal, dispose que : " En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision (...) ".

10. En exécution de l'article 2 de l'arrêt n° 04DA00365 du 8 juin 2006, la commune de Lille était redevable à l'égard de la société Sogéa Nord, à la date du 7 avril 1998, date de mandatement de la provision au versement de laquelle la commune a été condamnée par une ordonnance du 31 décembre 1997 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Lille, d'une somme de 3 016,96 euros, assortie de 657,93 euros d'intérêts au taux légal depuis le 17 juin 1994, d'une somme de 107 689,58 euros, assortie de 19 593,81 euros d'intérêts au taux légal depuis le 21 novembre 1994, d'une somme de 4 421,02 euros, assortie de 756,33 euros d'intérêts au taux légal depuis le 10 janvier 1995 et d'une somme de 27 421,76 euros, assortie de 4 319,56 euros d'intérêts au taux légal depuis le 5 avril 1995, soit une somme totale, intérêts compris, de 167 876,95 euros. Par la somme de 174 948,99 euros dont elle a ordonné le paiement le 7 avril 1998, en exécution de l'ordonnance du 31 décembre 1997 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Lille, la commune de Lille s'est ainsi libérée de l'ensemble des dettes résultant de l'article 2 de l'arrêt n° 04DA00365 du 8 juin 2006 à l'égard de la société Sogéa Nord.

11. Le paiement à la société Sogéa Nord de la somme de 7 072,04 euros, résultant de la différence entre la somme de 174 948,99 euros mandatée le 7 avril 1998 et la dette de 167 876,95 euros résultant de l'article 2 de l'arrêt et mentionnée au point précédent, doit être regardé comme un paiement partiel et par anticipation de la condamnation en principal d'un montant de 8 397,95 euros résultant de l'article 3 du même arrêt, au titre des frais d'expertise mis initialement à la charge de cette société par une ordonnance de taxation du 20 septembre 1997. Dès lors, la commune de Lille était redevable à la date du 29 juin 2004, en exécution de l'article 3 de cet arrêt, d'une dette en principal d'un montant de 1 325,91 euros, assortie à cette même date, d'intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement n° 9703248 du 2 mars 2004, ce taux étant majoré de cinq points à compter de l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement, le 8 mars 2004, soit un montant d'intérêts de 19,34 euros.

12. Il résulte de ce qui précède que, par les sommes dont elle a ordonné le paiement le 29 juin 2004 d'un montant total de 303 032,14 euros, la commune de Lille s'est libérée en totalité de sa dette, égale à 176 294,24 euros, à l'égard de la société Sogéa Nord, en exécution de l'arrêt n° 04DA00365 du 8 juin 2006. Par suite, l'article 4 de cet arrêt ayant condamné la société Ibos et A... à garantir la commune de Lille des condamnations prononcées aux articles 1er et 2 à hauteur de 75 %, ce qui inclut nécessairement les intérêts au taux légal dus sur les condamnations en principal, le montant de cette garantie s'élève à la somme de 132 220,68 euros.

En ce qui concerne la somme à restituer par la commune de Lille en exécution de l'arrêt n° 04DA00365 du 8 juin 2006 :

S'agissant du principal et des intérêts :

13. Il résulte des dispositions citées au point 9 que la partie qui doit restituer une somme qu'elle détenait en vertu d'une décision exécutoire du juge administratif n'en doit les intérêts au taux légal qu'à compter de la notification, qui la rend exécutoire, de la décision ouvrant droit à restitution. Ces intérêts courent jusqu'à l'exécution de la décision, c'est-à-dire, en principe et sous réserve d'un délai anormalement long entre la liquidation et le paiement effectif, jusqu'à la date à laquelle la dette est liquidée. Le taux d'intérêt applicable est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à la partie débitrice.

14. Aux termes du premier alinéa de l'article 1343-1 du code civil : " Lorsque l'obligation de somme d'argent porte intérêt, le débiteur se libère en versant le principal et les intérêts. Le paiement partiel s'impute d'abord sur les intérêts ".

15. Il ressort des pièces du dossier que la Mutuelle des architectes français a versé en exécution du jugement n° 9703248 du 2 mars 2004 à la commune de Lille la somme de 358 485,90 euros par deux paiements datés des 5 septembre et 14 novembre 2005. Compte tenu de la somme de 132 220,68 euros dont la société Ibos et A... était redevable envers la commune de Lille en exécution de l'arrêt n° 04DA00365 du 8 juin 2006, la commune de Lille devait, à compter de la notification de cet arrêt le 14 juin 2006, restituer à la société Ibos et A... la somme de 226 265,22 euros, assortie à compter de cette notification des intérêts au taux légal, majoré à compter du 15 août 2006. Par un mandat de paiement n° 9683 du 25 avril 2008, l'ordonnateur de la commune de Lille a ordonné le paiement à la société Ibos et A... d'un montant de 182 923,17 euros, en exécution de l'arrêt n° 04DA00365 du 8 juin 2006. Le comptable public a versé le 4 mai 2008 à la société la somme de 69 153,14 euros, résultant de la compensation entre ce mandat et le solde de la créance restant à payer par la société à la commune de Lille, en exécution d'un arrêt n° 04DA00433 du 8 juin 2006 de la cour administrative d'appel de Douai, rappelé au point 8. Par le mandat de paiement n° 9683 du 25 avril 2008 d'un montant de 182 923,17 euros, la commune de Lille a ainsi, en application des dispositions de l'article 1343-1 du code civil, payé à la société Ibos et A... en premier lieu les intérêts au taux légal échus à cette date, d'un montant de 31 390,11 euros, et, en deuxième lieu, restitué partiellement, à hauteur de 151 533,06 euros, le principal dû à la société Ibos et A... en exécution de l'arrêt n° 04DA00365 du 8 juin 2006. Par suite, la commune de Lille reste débitrice envers la société Ibos et A... d'une somme de 74 732,16 euros en principal, assortie des intérêts au taux légal majoré à compter du 26 avril 2008.

S'agissant de la capitalisation des intérêts :

16. Aux termes de l'article 1343-2 du code civil : " Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. ".

17. Par des conclusions présentées pour la première fois dans le mémoire enregistré le 28 février 2018 au greffe du tribunal administratif de Lille, la Mutuelle des architectes français et la société Ibos et A... demandent que les intérêts dus sur la somme de 74 732,16 euros forment eux-mêmes une créance productive d'intérêts à compter du 8 juin 2006. Dès lors que cette demande de capitalisation porte sur les intérêts dus sur une créance résultant de l'arrêt dont il est demandé l'exécution, obligeant la commune de Lille à restituer une somme qu'elle détenait en vertu du jugement n° 9703248 du 2 mars 2004, elle ne constitue pas un litige distinct de l'exécution de cet arrêt. Il y a lieu par suite de faire droit à cette demande de capitalisation des intérêts à compter du 28 février 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

En ce qui concerne l'exécution de l'article 5 de l'arrêt n° 04DA00365 du 8 juin 2006 relatif aux frais exposés et non compris dans les dépens :

18. Il ne résulte pas de l'instruction que la ville de Lille ait exécuté l'article 5 de l'arrêt n° 04DA00365 du 8 juin 2006 qui a mis les frais exposés par la société Ibos et A... et non compris dans les dépens à sa charge, pour un montant de 1 500 euros. La commune de Lille reste, par suite, débitrice à l'égard de la société Ibos et A... d'une somme de 1 500 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2006, majoré à compter du 15 août 2006, ces intérêts produisant eux-mêmes intérêts à compter du 28 février 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, pour le même motif que celui énoncé au point précédent.

19. Il résulte de tout ce qu'il précède qu'il y a lieu d'enjoindre, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, à la commune de Lille, en exécution de l'arrêt n° 04DA00365 du 8 juin 2006, de verser à la Mutuelle des architectes français, subrogée de plein droit dans les droits de son assurée, la somme de 74 732,16 euros en principal, assortie des intérêts au taux légal majoré à compter du 26 avril 2008, ces intérêts produisant

eux-mêmes intérêts à compter du 28 février 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Il y a lieu, également, d'enjoindre dans le même délai à la commune de Lille, en exécution de l'article 5 du même arrêt, de verser à la société Ibos et A..., dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la subrogation dont la Mutuelle des architectes français se prévaut porterait également sur cette créance, la somme de 1 500 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2006, ces intérêts produisant eux-mêmes intérêts à compter du 28 février 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir ces injonctions d'une astreinte.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

20. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Lille la somme que les sociétés requérantes demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par la commune de Lille soient mises à la charge de la Mutuelle des architectes français et de la société Ibos et A..., qui ne sont pas la partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est enjoint à la commune de Lille, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt de verser à la Mutuelle des architectes français, en exécution de l'arrêt n° 04DA00365 du 8 juin 2006 de la cour administrative d'appel de Douai, la somme de 74 732,16 euros en principal, assortie des intérêts au taux légal majoré à compter du 26 avril 2008, ces intérêts produisant eux-mêmes intérêts à compter du 28 février 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 2 : Il est enjoint à la commune de Lille, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt de verser à la société Ibos et A..., en exécution de l'arrêt n° 04DA00365 du 8 juin 2006 de la cour administrative d'appel de Douai, la somme de 1 500 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2006, ces intérêts produisant eux-mêmes intérêts à compter du 28 février 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : La commune de Lille communiquera à la cour copie des actes justifiant de l'exécution de l'arrêt n° 04DA00365 du 8 juin 2006.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la Mutuelle des architectes français, à la société Ibos et A... et à la commune de Lille.

Délibéré après l'audience publique du 21 mai 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente-rapporteure ;

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur ;

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2024.

Le président-assesseur,

Signé : J-M Guérin-LebacqLa présidente-rapporteure,

Signé : M.P. Viard

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

C. Huls-Carlier

2

N° 23DA01180


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01180
Date de la décision : 04/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre Viard
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : CABINET DUCLOY GOBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-04;23da01180 ?
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